« Je vous exhorte à accélérer votre retour et vos investissements ». Si
les représentants des entreprises françaises avaient encore des doutes
ou des hésitations, Alassane Ouattara, le président ivoirien, leur a
lancé un signal clair et précis lors de sa prestation devant plusieurs
centaines de patrons français rassemblés au siège du Medef, au dernier
jour de sa visite officielle à Paris, le matin du 27 janvier.
Alassane Ouattara, entouré d’une importante délégation de représentants
du gouvernement, d’administrations et du secteur privé ivoiriens, venait
de rappeler ses orientations et priorités pour reconstruire son pays
meurtri par quatre mois de violences post-électorales et une dizaine d’années de turbulences, insistant sur ses
convictions d’homme démocrate et libéral, tant en matière politique
qu’en matière économique. « Je suis vice-président de l’international
libérale » a-t-il notamment lancé, affirmant ses convictions sur
l’importance de l’investissement et du secteur privé dans le
développement d’un pays et son engagement à instaurer une démocratie
« irréversible ».
Partenariats publics-privés sur le modèle du troisième pont
Côté ambitions, les nouvelles autorités n’en
manquent pas : le nouveau président veut faire de la Côte d’Ivoire un vrai pays
émergent à l’horizon 2020, soit en 8 ans, en optant pour une stratégie
de modernisation s’appuyant sur le libéralisme économique. Stratégie qui
a commencé, d’ores et déjà, par la reconstruction avec un appel
insistant à la participation des entreprises privées dans le cadre de
Partenariats publics-privés (PPP). Le modèle brandi par les autorités
ivoiriennes : le troisième pont (à péage) sur la lagune, le pont Henri Konan Bédié, dont le
chantier, mené par Bouygues, a été relancé le 7 septembre 2011 dernier dans le
cadre d’un PPP renégocié pour que la participation de l’Etat augmente à 30 %. « Si ce pari marche, ça servira de meilleur
exemple pour le futur » a commenté, par la suite, le ministre ivoirien
des Finances, Charles Koffi Diby. Les projets de réhabilitation et de modernisation des ports, aéroports, ouvrages routiers devraient donc s’en inspirer.
Le
plan détaillé par le président ivoirien aux patrons français, qui va
mobiliser 1 milliard d’euros d’investissements publics dès cette année,
en grande partie financés par les bailleurs de fonds étrangers (Union
européenne, Banque mondiale, Banque africaine de développement, pays
amis comme la France…), donne lieu d’ores et déjà à des études et
projets concrets dans plusieurs domaines : les infrastructures
(transports, télécommunication, énergie), que les nouvelles autorités
veulent réhabiliter et développer, l’énergie, la relance du secteur
minier et pétrolier, mais aussi l’agriculture, l’industrie, le secteur
financier, les services…
Une vision régionale des projets infrastructures
Important : le nouveau pouvoir a une vision résolument régionale du
développement des infrastructures, cohérente avec son ambition affichée
de redonner à la Côte d’Ivoire le rôle de locomotive économique
régionale. Il s’est d’ailleurs employé, dans ce cadre, à conclure des
accords avec ses voisins (dont le Burkina Faso, le Mali, le Niger, et la Guinée) :
plusieurs grands programmes d’interconnexions routières, ferroviaires et
énergétique (pipeline, distribution électrique) Sud-Nord et Est-Ouest ont été cités par le
président Ouattara, à l’instar d’une autoroute Abidjan-Ouagadougou ou
d’une extension de la ligne de chemin de fer existant sur le même axe, après réhabilitation,
jusqu’à Niamey. Il veut aussi reprendre les parts de marchés perdues par
ses infrastructures de services durant les années de turbulence : « Je
veux faire d’Abidjan le port le plus grand d’Afrique » a dit le
président. Des projet comme le tramway d’Abidjan sont également à l’ordre du jour au niveau études.
En attendant, sur le terrain, les projets sortent dans les
infrastructures, pas toujours à la faveur des Français : la troisième
tranche de la centrale électrique d’Azito, marché convoité par Alstom,
vient ainsi d’être attribuée à un consortium américano-coréen associant
General Electric et Hyundaï. Mais il y en a beaucoup d’autres et même côté français, on s’inquiète des hésitations des entreprises, en particulier des PME. Interrogé, lors du débat, sur la possibilité de développer sur la lagune
d’Abidjan des transports maritimes de passagers afin de désengorger le
trafic urbain, le président ivoirien a, non sans malice, répondu que son
ministre des Transports travaillait déjà sur un tel projet mais que les
premières manifestations d’intérêt émanaient d’un Turc et d’un Grec :
« Il faut venir investir ».
La France veut pousser ses entreprises
Sur la
sécurité, sujet de préoccupation pour les PME françaises, la
signature, à l’occasion de cette visite, d’un nouvel accord de sécurité et de défense entre la Côte
d’Ivoire et la France devrait contribuer à rassurer. Reste à convaincre
les hommes d’affaires de ne pas trop tarder à se rendre à Abidjan.
Lors d’un atelier sur les infrastructures qui a suivi cette rencontre,
plusieurs bons conseils ont été donnés par des intervenants : « Pour vous
investisseurs français, retenez que quand vous êtes en compétition avec
d’autres nations, soyez innovateurs dans la proposition sur la durée » a
ainsi indiqué Jean-Louis Billon, président de la Chambre de commerce
ivoirienne, citant l’exemple d’asiatiques qui offraient des formations
pour maintenir et gérer les équipements. Quant au conseiller économique
et commercial français,Jean-François Bijon, il a conseillé aux entreprises françaises de se positionner « le plus en amont possible » auprès des autorités, avec des idées et des offres innovantes, mais aussi de venir avec des « offres globales », ce qui milite pour une approche groupée, par filière. Alstom et Systra ont été encouragés par Bercy à se mettre au travail pour faire une offre globale sur le tramway.
Un point qui devrait là aussi rassurer les entreprises françaises, et notamment les PME : Ubifrance a ouvert son bureau le 2 janvier dernier à Abidjan, comme s’y était engagé Pierre Lellouche, secrétaire d’Etat au Commerce extérieur. Dirigé par Gilles Della Guardia, il a recruté quatre personnes, toutes ivoiriennes. Ubifrance ambitionne d’organiser, en octobre 2012, un Forum BtoB d’entreprises à Abidjan. Deux conférences ateliers organisés à Paris en avril et juin devraient le précéder.
Christine Gilguy
Pour en savoir plus :
Consulter notre fiche pays Côte d’Ivoire, notamment :
– La fiche risque : https://www.lemoci.com/Cote-d-Ivoire/14-Risques-pays.htm
– Nos actualités : https://www.lemoci.com/Cote-d-Ivoire/14-Actualites.htm