Quatre ans après le groupe consultatif pour le financement du Plan national de développement 2012-2015, la Côte d’Ivoire vient de remporter un nouveau succès à l’occasion de la réunion, au bureau parisien de la Banque mondiale le 17 mai, du groupe consultatif pour la mobilisation des ressources nécessaires au financement du nouveau PND pour la période 2016-2020.
En effet, alors que le Premier ministre Daniel Kablan Duncan avait annoncé que le besoin de financement à combler se situait aux alentours de 8,8 milliards de dollars, quelques heures plus tard, les partenaires financiers et techniques s’engageaient pour 15,4 milliards de dollars, dont 12,7 milliards de nouveaux financements et 2,7 milliards de financements déjà acquis. En décembre 2012, le premier PND post-conflit n’avait recueilli que 8,6 milliards de dollars, ce qui était déjà à l’époque deux fois le montant espéré par le chef du gouvernement d’Abidjan. « C’est un signe de confiance en la Côte d’Ivoire et ses institutions et cela montre que l’ambition du président Ouattara d’atteindre l’émergence en 2020 est partagée », s’est-il félicité, après l’énoncé des contributions des différents bailleurs multilatéraux et bilatéraux.
Deux grands bailleurs : Banque mondiale et Bad
Ainsi, la Banque mondiale, qui avait annoncé 2 milliards de dollars en 2012, mais en a, en fait, déversé 2,8 milliards dans le PND 2012-2015, a promis 5 milliards de dollars pour le nouveau plan. La Banque africaine de développement (Bad) s’est, pour sa part, engagée pour un total de 2,37 milliards de dollars, la Banque islamique de développement (Bid) pour 1,8 milliard de dollars, l’Union européenne (UE) 315 millions d’euros, le Programme des Nations Unies pour le développement (Pnud) 443 millions de dollars, la Banque européenne d’investissement (BEI) 187 millions d’euros, la Banque ouest-africaine de développement (Boad) 700 millions de dollars, la Banque arabe pour le développement économique en Afrique (Badea) 100 millions de dollars et la Banque d’investissement et de développement de la Cedeao (BIDC) 200 millions de dollars.
S’agissant des bailleurs de fonds bilatéraux, les États-Unis vont décaisser 173 millions de dollars par an sur la période du PND, avec des investissements accrus dans la santé, la Corée du Sud au moins 120 millions de dollars. En début de journée, André Vallini, secrétaire d’État français auprès du ministre des Affaires étrangères et du développement international (Maedi), chargé du Développement et de la francophonie, avait indiqué que Paris, « après une annulation sèche de 913 millions d’euros de dette ivoirienne en 2012 », avait décidé de transformer en investissement au bénéfice d’entreprises françaises pour 1,7 milliard d’euros de créance sur la Côte d’Ivoire dans le cadre du contrat de développement et de désendettement (CDD), dont « à peu près 30 % sont déjà décaissés ». D’après le Maedi, la France versera 1,54 milliard de dollars entre 2016 et 2020.
Un plan de 182 projets publics et privés
Selon les autorités ivoiriennes, l’enveloppe globale du PND 2016-2020 s’élève à 60 milliards de dollars, dont 22,5 milliards d’investissements publics prévus et 37,5 milliards à engager par le secteur privé. Dans le document distribué au bureau de la Banque mondiale « Cap sur l’émergence avec une croissance partagée », la liste des « projets structurants » comprend 112 projets publics, allant de la mise en place de l’infrastructure nationale de données géo-spatiales et de ses composantes par le Comité national de télédétection et d’informations géographiques à la construction du port sec de Danané, en passant par le programme national multi-sectoriel de nutrition, l’autonomisation de la femme en Côte d’Ivoire, la mise en œuvre de l’université virtuelle, la réalisation de dix hôpitaux généraux avec une unité de spécialité, l’appui à la relance de l’élevage et de la pêche, la construction d’un Bus Rapid Transit (BRT), tout un programme d’infrastructures routières ou encore l’aménagement et l’extension de la zone franche technologique de Grand Bassam (Vitib).
Parmi les 70 projets privés cités, dont une grande partie devrait faire l’objet de partenariats privé-public (PPP), figurent la réhabilitation de la ville historique de Grand Bassam, la construction et l’exploitation du parc d’expositions d’Abidjan, la construction de centrales à biomasse, un programme de nouvelles zones industrielles, l’aménagement et l’exploitation de la réserve de faune d’Abokouamékro, la réhabilitation et l’exploitation de l’axe ferroviaire Abidjan-Ouagadoudou-Kaya, le nouvel aéroport international de San Pedro, l’extension du terminal à conteneurs de son port, l’approvisionnement en eau potable de la ville d’Abidjan, l’aménagement et l’exploitation de l’autoroute Bassam-Samo, la réalisation de 5 000 kilomètres de fibres optiques ou encore d’une usine de production de bio larvicides.
Maintenir une croissance qui soit plus inclusive
Selon le Premier ministre ivoirien, le taux d’investissement dans le pays a bondi ces dernières années, montant ainsi de 9 % du produit intérieur brut (PIB) en 2011 à 20 % l’an dernier. L’investissement public serait ainsi passé d’un niveau de 3,4 % en 2010 à 8 % en 2015 et l’investissement privé de 8,9 % à 10,7 %. Avec des secteurs phares, précisait à Paris la ministre du Plan et du développement, Nialé Kaba : infrastructures routières et portuaires, énergie et mines.
Malgré le ralentissement économique mondial, les autorités ivoiriennes prévoient de maintenir le rythme de croissance de ces dernières années, de l’ordre de 9 % par an. Tout en félicitant la Côte d’Ivoire, le vice-président Afrique de la Banque mondiale, Makhtar Diop, a souligné que la croissance devait être « plus inclusive » et ce, « sur une période longue ».
Le taux de pauvreté est élevé, de l’ordre de « 46 % », a relevé Pierre Laporte, directeur des Opérations de la Banque mondiale en Côte d’Ivoire. Par ailleurs, « cinq millions de jeunes de 15 à 29 ans ne disposent pas de qualification formelle » et « 70 % des actifs du niveau supérieur occupent un emploi qui ne correspond pas à leur qualification », a détaillé Bruno Leclerc, directeur de l’Agence française de développement (AFD) à Abidjan. André Vallini plaçait ainsi parmi les priorités de la Côté d’Ivoire de meilleurs indicateurs sociaux, « la baisse des inégalités, l’emploi des femmes et des jeunes » ou encore « l’accès aux technologies de l’information et la communication ».
François Pargny