Si le secteur des cosmétiques occupe toujours la deuxième place sur le podium du commerce extérieur français, derrière l’aéronautique, il perd des parts de marché. Selon une étude d’Asterès pour Cosmetic Valley, la cosmétique tricolore a plus à craindre du ralentissement de la demande chinoise que des droits de douane promis par les États-Unis.
En progression de 6,8 %, les exportations de parfum, maquillage, soins et autres produits de beauté ont atteint 22,2 milliards d’euros (Md EUR) l’an dernier et le solde excédentaire du secteur a atteint +17,2 Md EUR en 2024.
« Sur un marché mondial de 220 Md EUR, la production française totalise 75 Md EUR dont un tiers part à l’export, a résumé Marc-Antoine Jamet, président du pôle de compétitivité Cosmetic Valley, lors de la présentation des résultats du secteur le 6 février, au lendemain de la publication des chiffres du Commerce extérieur. Elle perd cependant des parts de marché face à la concurrence de pays comme l’Italie, la Corée et le Brésil. »
Le phénomène n’est pas nouveau : en 20 ans, sa part de marché est tombée de 20 % à 14 %. Elle repart cependant légèrement à la hausse depuis 2020. Dans le même temps, des pays asiatiques sont passés à l’offensive dont le Japon et la Corée du Sud.
Si les produits de beauté du pays du Marin calme ont envahi les rayons et représentent aujourd’hui 4,5 % du marché mondial, il n’en produisait pratiquement pas il y a vingt ans. La Corée du Sud est devenu en 20 ans le 7e exportateur mondial, derrière l’Italie et Singapour, importante plateforme de réexport de la région, et juste devant la Chine (4 % de part de marché).
Des mesures douanières généralisées aurait peu d’effet
Alors que Donald Trump continue de menacer d’imposer des droits de douane prohibitifs sur les produits européens, « la menace chinoise et plus inquiétante », estime Marc-Antoine Jamet. « Pékin mène une politique de China first et favorise les investissements BtoB tandis que la National Medical Products Administration [également en charge des cosmétiques, ndr] est de plus en plus tatillonne et que la consommation des ménages baisse. »
Le quatrième marché de la filière française à l’export, derrière les États-Unis, l’Allemagne et l’Espagne, semble ainsi se fermer. Les exportations de cosmétiques tricolores vers la Chine ont ainsi fléchi de 10 % en 2024.
Reste que les droits de douane américains, s’ils sont effectivement mis en place, ne seraient pas totalement indolores.
Pour Sylvain Bersinger, économiste chez Asterès, « si ces droits de douanes sont généralisés, la cosmétique française serait peu pénalisée car l’effet de change annulerait une grande partie de la perte de compétitivité et que ses concurrents seraient désavantagés de la même manière ». A contrario, en cas de mesures ciblées sur les produits spécifiquement français, anticipe son étude, « l’effet négatif serait puissant ». Et un scénario de guerre commerciale généralisée mettrait en péril les fabricants français, qui exportent plus de 60 % de leur production.
Par ailleurs, la hausse des droits de douane par Washington pénaliserait d’abord les États-Unis, comme l’ont déjà souligné maints observateurs. « Donald Trump fait n’importe quoi et comme l’a titré le Wall Street Journal, il s’agit de » la guerre commerciale la plus stupide du monde « car les droits de douane ne sont pas faits pour réduire un déficit commercial, comme il le souhaite, c’est même totalement contre-productif », estime l’économiste.
Sophie Creusillet