Deux ans après sa dernière version, rédigée en anglais, le comité français de la Chambre de commerce internationale (ICC) vient de publier la traduction de sa clause de force majeure dans la langue de Molière. Un outil juridique précieux pour établir des contrats internationaux en ces temps d’incertitude sanitaire et géopolitique.
Entre la pandémie de coronavirus et ses confinements, les perturbations des supply chains, la guerre en Ukraine et une inflation galopante, l’actualité ne manque pas d’événements susceptibles de perturber plus ou moins fortement l’exécution de contrats commerciaux internationaux. Pour éviter des désaccords pouvant allez jusqu’au contentieux, les contractants ont recours à la notion de force majeure qui libère la partie de son obligation d’exécuter le contrat ou de payer des dommages et intérêts.
Dans le Code civil français, pour être qualifié de force majeure, un événement doit réunir trois conditions : l’extériorité (le débiteur n’a pas de prise sur l’événement), l’imprévisibilité (au jour de la conclusion du contrat) et l’irrésistibilité (la survenue des effets d’un événement malgré les efforts du débiteur pour les empêcher). Pour Me Stéphane Darrois, « la clause française ne donne pas une grande sécurité juridique et est restrictive dans son application : il est très difficile de prouver l’impossibilité d’exécuter par exemple ».
La notion de force majeure varie d’un pays à l’autre
D’où la tendance des contrats à se rapprocher de plus en plus du droit anglo-saxon qui ne reconnaît pas la force majeure, mais énumère toutes les possibilités et imprévisions. « Le risque, en droit français, de contracter comme les Américains est l’aménagement à outrance, alors que le droit français impose une limite, à savoir le moment où un aménagement crée des déséquilibres significatifs entre les droits et les obligations », souligne l’avocat.
En outre, comme le souligne le président de la commission droit et pratique du commerce international de l’ICC Christoph Martin Radke, dans un article d’Echanges internationaux, le magazine de la Chambre, « dans les différents droits nationaux, les principes divergent ainsi que les conditions et les conséquences d’un cas de force majeur ».
L’ICC adopte une approche différente : ne pas déterminer une clause à l’avance mais s’en remettre à un tiers.
Une clause conçue pur être plus accessible aux PME
Depuis 2003, l’ICC propose donc de s’en remettre à un tiers. La rédaction de sa clause, dont la dernière version remonte à 2020 et n’avait pas encore été traduite en français, peut être intégrée dans un contrat, dans version longue ou courte, in extenso ou en annexe. Une démarche particulièrement utile aux entreprises qui ne disposent pas de service juridique en interne. « Au lieu de passer une semaine à négocier, une entreprise peut proposer la clause de l’ICC », résume le juriste qui a réalisé sa traduction avec Pascale Accaoui Lorfing, chercheuse au Credimi, le Centre de recherche sur le droit des marchés et des investissements internationaux.
Revue en 2020 pour la rendre plus accessible aux PME et dans les pays en voie de développement, la solution trouvée « part d’une définition générale assez classique », précise Christoph Martin Radke : « la force majeure est définie comme un événement qui empêche l’exécution d’un contrat indépendamment de la volonté de la partie empêchée, imprévisible et insurmontable et l’autre approche, empruntée au droit anglo-saxon s’ajoute avec une énumération des événements présumés de force majeure ».
Encourager les négociations en cas de désaccord
En cas de désaccord, il faut prouver que les effets d’un évènement de force majeur n’auraient pas pu être « raisonnablement » évités. Exemple : si un contrat ne peut être exécuté en raison de perturbations du fret maritime, qu’il est donc impossible de transporter des marchandises par bateau, mais que le transport par avion est proposé à des tarifs exorbitants, alors cette interruption de la chaîne d’approvisionnement n’est pas considérée come raisonnablement surmontable.
La partie empêchée est alors libérée de ses obligations à condition de notifier la clause à l’autre partie. La clause est suspendue pendant 120 jours, délai au terme duquel le contrat peut être résilié. « Ce type de clause encourage les négociations pour éviter d’aller au tribunal arbitral », résume Christoph Martin Radke.
Sophie Creusillet
Pour consulter la version longue en français de la clause de force majeure de l’ICC, cliquez ci-dessous ! Ce document est daté de 2020, année de sa parution en anglais.