Le contrat de vente est la base de toute transaction commerciale à l’international. Ses clauses juridiques et financières doivent être traitées avec d’autant plus de soin qu’une vente à l’exportation présente des spécificités que l’on ne trouve pas dans un cadre national : droit applicable, clauses financières, Incoterm, conditions générales de vente… Autant de sujets passés en revue dans « La boîte à outils des pratiques de paiement à l’export » proposée par Jean-Claude Asfour, expert en techniques du commerce international, dans le Guide du Moci « Gérer les risques d’impayés à l’export » dont il est le principal auteur.
Voici un exemple avec le choix de l’Incoterm.
L’Incoterm a un impact sur la bonne fin des encaissements qui doit être bien compris.
L’un des risques majeurs dans une opération de commerce international est la non-maîtrise des Incoterms de la Chambre de commerce internationale (ICC), aussi bien du côté des entreprises que de celui des banques et même hélas, de certains transitaires…
Comme le soulignait un membre de l’ICC lors d’une conférence : « Dans la pratique, le choix de l’incoterm est confié à des commerciaux qui ne maîtrisent pas forcément la portée des risques juridiques liés à cette décision. Toute erreur peut entraîner des retards, voire aussi des dommages à la marchandise ». Nous rajouterons bien évidemment le risque de retard de paiement… Ainsi, en 2018, nous continuons de voir des crédits documentaires adossés à des contrats EXW (départ usine) dans laquelle la banque émettrice exige la présentation d’un connaissement maritime. Le seul document immédiatement disponible pour le vendeur est l’attestation de prise en charge par le transitaire. Le connaissement dépend du bon vouloir (et de la bonne foi) de l’acheteur ou du transitaire désigné par ce dernier. Mais bon, pourquoi pas, tout est ouvert.
1- Quelques grands principes
Les Incoterms (International Commercial Terms) régissent les obligations réciproques du vendeur et de l’acheteur en matière de transfert de risques, de charges, de taxes, de fournitures de documents, mais ils ne traitent en aucun cas du transfert de propriété.
La Chambre de commerce internationale (ICC) a émis la première version des Incoterms en 1936. La dernière version, publication ICC n° 715, est entrée en vigueur le 1er janvier 2010.
Une nouvelle version, les Incoterms 2020, devrait entrer en vigueur le 1er janvier 2020.
Attention ! En cas de litige entre les parties, par défaut, ce n’est pas obligatoirement la dernière version qui sera retenue par les juges. Aussi, l’ICC recommande que systématiquement, les entreprises fassent suivre la désignation de l’Incoterm de la version retenue. Exemple : FOB Le Havre Incoterms ICC 2010.
Voici la liste des Incoterms 2010 :
– Pour tout mode de transport :
EXW = Ex Works
FCA = Free Carrier
CPT = Carriage Paid To
CIP = Carriage And Insurance Paid To
DAT = Delivered At Terminal (remplace DEQ)
DAP = Delivered At Place (remplace DDU, DES, DAF)
DDP = Delivered Duty Paid
– Pour le transport maritime et fluvial :
FAS = Free Alongside the Ship
FOB = Free On Board
CFR = Cost and Freight
CIF = Cost Insurance and Freight
2- Règles d’or pour une bonne utilisation
Nous nous limiterons à 6 règles fondamentales à nos yeux :
-1/ N’utiliser les Incoterms que conformes aux définitions de l’ICC. Attention à l’utilisation de variantes des Incoterms : bien mesurer l’impact sur le contrat de vente, plus particulièrement le prix et le paiement. Par exemple, éviter les CIF landed (débarqué), si les infrastructures locales ne permettent pas le déchargement des marchandises trop volumineuses ! (cas issu d’une expérience réelle) ;
-2/ Ne pas utiliser les Incoterms maritimes ou fluviaux pour d’autres modes de transport. Exemple, cesser de mentionner des CIF ou FOB aéroport, fréquents en Égypte, au Pakistan, au Maroc. Nous avons aussi vu des FOB route en France et dans des transactions intracommunautaires !!! ;
-3/ Toujours mentionner la version à laquelle on souhaite rattacher le contrat ;
-4/ Ne pas oublier que les Incoterms ne traitent pas du transfert de propriété ;
-5/ Éviter les opérations de crédit documentaire avec des Incoterms en D ! L’exportateur risque d’avoir à fournir des documents émis dans le pays de l’acheteur, avec tout ce que cela implique de délais et de frais supplémentaires…
-6/ Ne pas utiliser les Incoterms maritimes avec les ventes en conteneurs ! Le transport en conteneur relève du transport multimodal ! Depuis 1990, la Chambre de Commerce International (ICC) s’évertue à le rappeler, mais les mauvaises habitudes ont la vie dure…
Hélas, plutôt que de prendre des mesures énergiques, il semblerait que l’ICC ait décidé de baisser les bras et que, sous toutes réserves en attendant la version définitive, dans les futurs Incoterms 2020, le FOB et CIF puissent être utilisés pour le transport de conteneurs.
Bien évidemment, le critère de choix d’un Incoterm par rapport à un autre dépend largement du rapport de force vendeur/acheteur.
Néanmoins, d’autres critères peuvent être retenus, par exemple :
– transfert des risques et charges le plus tôt possible ;
– pays de destination ;
– concurrence ;
– stratégie commerciale ;
– risque fiscal ;
– formalités douanières à l’import ;
– documents exigibles localement ;
– nature de la marchandise ;
– encombrement de la marchandise ;
– moyens de transport ;
– besoins de financement ;
– maîtrise de la logistique ;
– infrastructures à l’arrivée ;
– connaissance du client ou du fournisseur (ancienneté des relations commerciales).
3- Un conseil
Avec les Incoterms à destination, plus particulièrement le DAP (Delivered At Place), se prémunir contre les lenteurs des opérations de dédouanement dans certains pays, ou encore l’impossibilité pour l’importateur de dédouaner dans un délai raisonnable, en incluant dans le contrat une clause prévoyant un délai maximum au-delà duquel le vendeur ne serait plus responsable des retards de livraison.
Exemple de rédaction :
« En aucun cas le vendeur ne pourra être tenu responsable des retards de livraison générés par l’incapacité de l’acquéreur à dédouaner dans un délai de xxx jours (voir les délais moyens de dédouanement dans le pays de l’acheteur). Aucune pénalité pour retard de livraison et conformément à l’art. B6 du DAP (ICC 2010) tous les frais additionnels encourus par le vendeur seront à la charge de l’acheteur ».
Ou encore pour se protéger contre l’arrivée tardive d’un navire en FOB : « Au-delà de xxx jours, nous nous réservons le droit de charger la marchandise sur le navire de notre choix. »
Si le règlement se fait par crédit documentaire : « Nous déclencherons le paiement contre un document de substitution, connaissement reçu pour embarquement, ou encore, bulletin d’entrée de la marchandise dans un entrepôt (dans ce dernier cas, prévoir que notre prestation sera ramenée à FCA entrepôt de stockage) ».
Jean-Claude Asfour
(extrait du Guide « Gérer les risques d’impayés à l’export« , 1ère édition 2018)
De nombreux autres conseils pratiques relatifs aux contrats de vente à l’export et à leur rédaction (droit applicable, clauses financières, conditions générales de vente…) sont disponibles dans « La boîte à outils des pratiques de paiement à l’export », disponible en ligne ici.
Cette « boîte à outils » constitue la première partie du Guide du Moci « Gérer les risques d’impayés à l’export », qui présente par ailleurs des fiches consacrées aux pratiques de paiements dans 110 pays, disponible en ligne ici.
Et n’oubliez pas, Le Moci publie également d’autres guides pratiques :
– Le guide 2018 des formations initiales et continues au commerce international (23 mai 2018)
– Guide 2018 de l’accompagnement à l’export pour les PME et ETI (19 avril 2018)
– Nouveau Guide de la logistique & du transport à l’international (15 mars 2018)
– L’export en 10 étapes : Guide à l’usage des entrepreneurs – 8e édition, 2018 (16 novembre 2017)