Dans le cadre du développement des relations transfrontières, qui accroît le recours au contrat de travail international, la désignation de la loi applicable est cruciale et peut être source d’insécurité juridique, tant pour le salarié que pour l’employeur.
Le règlement CE du 17 juin 2008 sur la loi applicable aux obligations contractuelles (le « Règlement ») pose le principe de la liberté de choix des parties. En l’absence d’un tel choix, c’est par le recours à des critères de rattachement, nécessairement plus subjectifs, que la loi applicable au contrat de travail sera déterminée. L’article 3 du Règlement énonce le principe de la liberté de choix de la loi applicable. Les parties peuvent ainsi décider d’appliquer une loi qui n’a pas de point d’attache avec le contrat, différents systèmes de droit au sein même du contrat et changer la loi applicable à tout moment.
Le choix des parties contractantes a ses limites
Lorsque le choix est tacite, il revient aux juges de rechercher la volonté des parties. Le cas d’une hôtesse de l’air signant à Londres avec une société américaine un contrat de travail rédigé en anglais et renvoyant à une convention collective américaine pour effectuer des vols entre les États-Unis et la France a permis à la Cour de cassation (1) de considérer que les parties avaient choisi le droit américain malgré l’application du droit de la sécurité sociale français et de la prise de poste régulière en France.
La liberté des parties est cependant, de manière classique, limitée par les lois de police du for et par l’article 8.1 du Règlement disposant que le choix des parties ne peut avoir pour effet de « priver le travailleur de la protection que lui assurent les dispositions auxquelles il ne peut être dérogé par accord en vertu de la loi qui, à défaut de choix, aurait été applicable ». L’ordre public de la loi qui « aurait été normalement applicable » supplantera, dans ce cas, la volonté des parties (2) ; encore faut-il déterminer quelle est cette loi (3)…
Comment déterminer la loi applicable ?
Trois critères de rattachement permettent de déterminer la loi applicable au contrat de travail international. Le premier est celui du lieu dans lequel, ou à défaut à partir duquel, le salarié, accomplit habituellement son travail (4).
Cette notion peut engendrer des difficultés lorsque l’exécution du contrat implique de nombreux déplacements. La cour de justice de l’Union européenne (CJUE) est venue préciser (5) la notion de « lieu habituel » qu’elle entend de manière large. Se référant aux critères de détermination de compétence juridictionnelle, la Cour retient le lieu à partir duquel les obligations sont acquittées (6), le lieu où est établi le centre effectif des activités professionnelles (7) ou, en l’absence de bureau, le lieu où la majeure partie du travail est accomplie (8).
Ce n’est que lorsque ces critères ne permettent pas de déterminer le « lieu de travail habituel » que le contrat sera régi par la loi du lieu d’établissement de l’employeur (9). En effet, la partie la plus faible devant être protégée, le travailleur doit pouvoir bénéficier des dispositions de la loi où il exerce effectivement sa fonction économique et sociale.
Enfin, il est possible d’appliquer une autre loi si le contrat présente des liens plus étroits avec un autre pays. Il incombe alors à celui qui entend écarter la loi du lieu d’accomplissement habituel du travail d’en rapporter la preuve (10).
Si les solutions régissant les règles de conflits de lois en matière de contrat de travail international semblent s’harmoniser sous l’impulsion de l’UE, le chemin est encore long pour régler au niveau international des situations qui ne cessent de se complexifier.
Florence Silvère, avocat of Counsel, et Jennifer Peiro, avocat à la cour,
Dupiré & Associés
1) Cass. Soc., 27 mai 2009, n° 08-41.908, JurisData n° 2009-048432.
2) Cass. Soc., 12 juillet 2010, n° 07-44.655, JurisData n° 2010-011681.
3) Cass Soc., 27 janvier 2010, n° 08-45.579, JurisData n° 2010-051589.
4) Article 8.2 du Règlement.
5) Arrêt Koelzsch, CJUE 15 mars 2011, C-29/10.
6) Arrêt Mulox IBC, CJCE du 13 juillet 1993, C-125/92.
7) Arrêt Rutten, CJCE du 9 janvier 1997, C-383/95.
8) Arrêt Weber, CJCE du 27 février 2002, C-37/00.
9) Article 8.3 du Règlement.
10) Cass. Soc., 29 septembre 2010, n° 09-68851, FSPB.