Pas de baisse de régime pour les signatures de contrats de filière qui tiennent la cadence. Le 13 février à Bercy, les professionnels de la construction ont ainsi signé avec l’État, l’Association des maires de France et les présidents d’intercommunalités, le contrat de la filière industries pour la construction devant structurer la filière pour la période 2018-2022. Ce contrat constitue une première pour cette filière industrielle résolument tournée vers les transitions énergétique et numérique portées par le gouvernement.
Le secteur de la construction, au sens large, rassemble les fabricants de matériaux et composants, les entreprises générales de bâtiments et de travaux publics (BTP), les entreprises d’ingénierie, les industriels des infrastructures routières… Les acteurs de la filière « sont aussi nombreux que variés », a déclaré en amont de la séance de signature le directeur général de Saint-Gobain Construction France Hervé de Maistre qui préside le comité stratégique de la filière (CSF) « Industries pour la construction ».
Une feuille de route « copieuse »
La filière française de la construction a devant elle une feuille de route « copieuse », a prévenu Hervé de Maistre. C’est que le secteur est confronté à différents challenges : travaux de rénovation longtemps délaissées, pénurie de logements, chantiers du Grand Paris, accompagnement des emplois et développement des compétences de la filière, et bien sûr développement à l’international…
« Nous avons devant nous de multiples défis qui sont à la fois environnementaux, sociétaux, économiques et énergétiques », a exposé le président du CSF Industries pour la construction. « La lutte contre les passoires thermiques, la biodiversité et la préservation de ressources naturelles, la compétitivité de notre industrie, et puis in fine la défense de nos emplois ».
La promotion à l’export des technologies françaises pour la ville durable est une des priorités de la filière pour créer des activités et de l’emploi dans les PME et les grands groupes. Elle est l’un des six enjeux définis pour la filière* et fait l’objet de l’un des six projets structurants identifiés** dans le contrat signé avec l’État. Les deux référents export ou « pilotes » du volet export/international de ce CSF sont Gérard Wolf, qui est également le fédérateur de la famille de produits prioritaires à l’export Ville durable, et José-Michaël Chenu, directeur Marketing stratégique et développement urbain de Vinci et vice-président du syndicat national des entreprises générales françaises de bâtiment et de travaux publics (EGF BTP).
Promouvoir les technologies françaises de la ville durable à l’export
Le volet export du CSF est détaillé dans le projet structurant n° 4 du contrat présenté par Christian Cucchiarini, directeur des affaires juridiques et des relations institutionnelles au sein du syndicat national EGF BTP. Ce dernier représentait José-Michaël Chenu, retenu en Belgique à Liège, en raison d’une grève des trains. « On a un formidable savoir-faire non seulement en termes de bâtiments et de travaux publics (BTP), puisqu’on est parmi les premiers exportateurs du monde, mais également en termes de faisabilité des quartiers durables, les éco-quartiers, et de la ville durable », a relaté Christian Cucchiarini avant de dérouler les objectifs de la filière à l’international qui sont au nombre de trois :
– Le premier enjeu est de promouvoir à l’export les technologies urbaines dans les domaines de la ville durable et intelligente. Pour ce faire, 16 pays prioritaires ont été identifiés. Les innovations françaises dans ces domaines seront portées par le référent export José-Michaël Chenu dans les ambassades des 16 pays prioritaires ciblés. Les acteurs de la filière pourront également utiliser les Clubs ville durable implantés dans une douzaine de pays (Brésil, Colombie, Chili, Chine, Égypte, Inde…) pour promouvoir l’offre française pour la ville de demain.
– Le deuxième objectif consiste, d’ici 2020, à valoriser les démonstrateurs industriels de la ville durable ou « DIVD » pour les aficionados. Lancé par les ministères de l’Écologie et du logement en octobre 2015, l’appel à projet « Démonstrateurs industriels pour la ville durable » est dédié à l’émergence de projets urbains fortement innovants qui ont vocation à devenir la vitrine de l’excellence française en matière de ville durable. Ce projet s’inscrit dans le cadre de la transition écologique et énergétique pour la croissance verte.
– Enfin, le troisième grand objectif à accomplir d’ici 2022 est de mettre en place une offre française globale de logements abordables, en anglais « affordable housing » et de la déployer à l’international. « On a les moyens techniques, contractuels et économiques en France de réaliser des logements abordables et durables », a insisté Christian Cucchiarini. Les besoins sont immenses au niveau international, des millions d’habitants à travers le monde étant privés de logements dignes. Les offres françaises existent sur ce segment et il s’agira pour les deux référents export du Comité de filière, Gérard Wolf et José-Michaël Chenu, de les porter à l’export.
« On est déjà en train d’y travailler », a d’ailleurs confié Hugues Vérité, délégué permanent du CSF Industries pour la construction. Ce dernier qui est également délégué général de l’AIMCC (Association des industries de produits de construction), organisation qui regroupe les syndicats et fédérations représentant les fabricants de produits entrant dans la construction, remplaçait pour sa part Gérard Wolf, retenu à Lisbonne au forum annuel de l’Organisation mondiale de Cités et gouvernements locaux unis (CGLU).
L’Afrique, marché prioritaire
Hugues Vérité a ainsi dévoilé qu’une première réunion en inter-filières destinée à lancer cette feuille de route à l’export se tiendra le 6 mars prochain. Elle réunira autour du CSF Industries pour la construction, les comités stratégiques respectifs des filières Eau et Transformation et valorisation des déchets. La participation du CSF Industries des nouveaux systèmes énergétiques n’est pas encore confirmée, cette filière étant davantage orientée sur le marché domestique. Y assisteront les référents export ainsi que les délégués permanents de chaque CSF convié.
Au programme : le logement abordable en Afrique, marché prioritaire ciblé. Il s’agit à terme pour les acteurs des différentes filières ayant un savoir-faire en matière de logements abordables de présenter à l’export une offre alignée pour adresser un gisement d’1,9 milliard de personnes à travers le monde résident dans des « quartiers d’habitat informel » (appellation officielle du programme ONU-Habitat).
Les Régions seront associées à ces trois grands objectifs. En effet, les technologies urbaines hexagonales déjà en place dans certains territoires serviront de vitrine pour faire rayonner les technologies françaises pour la ville de demain à l’international.
La feuille de route pour l’international et les exportations du CSF devra être finalisée pour la prochaine réunion du CNI International prévue en fin de premier trimestre, d’après nos informations.
Venice Affre
*Les six enjeux majeurs de la filière :
1/- Créer une plateforme numérique pour partager les dictionnaires des propriétés des ouvrages et des produits de la construction et faciliter la description numérique des projets de construction entre l’ensemble des acteurs de la filière ;
2/- Concevoir les bâtiments et les routes de demain, en développant en particulier de nouveaux concepts de bâtiments « zéro déchet » réversibles et modulables, et en adaptant la route aux nouveaux usages (véhicule autonome, etc.) ;
3/- Accélérer la transition énergétique pour lutter contre les « passoires thermiques », en proposant une offre de rénovation énergétique à destination des particuliers et en concevant des solutions de rénovation innovantes pour les campus universitaires ;
4/- Promouvoir les technologies françaises à l’export pour la ville durable et le logement abordable ;
5/- Accélérer la croissance des PME et PMI (petites et moyennes industries) de la filière pour augmenter le nombre d’entreprises de taille intermédiaire dans la filière et accroître ainsi la compétitivité des entreprises ;
6/- Accompagner les emplois et les compétences de la filière aval des industries pour la construction.
**Les six projets « structurants » du plan d’actions de la filière :
– Projet structurant 1. Numérisation de la filière avec la création de la plateforme ‘BoostConstruction’ pour favoriser les échanges entre les acteurs de la filière en vue de renforcer leur compétitivité.
– Projet structurant 2. Économie circulaire. Ce vaste projet comporte trois axes : concevoir un bâtiment réversible et modulable; adapter la route pour répondre à la multifonctionnalité des usages; concevoir et réaliser un bâtiment démonstrateur et des infrastructures routières « zéro-déchet ».
– Projet structurant 3. Efficacité énergétique et massification de la rénovation dans l’habitat. Il s’agit de déployer d’ici 2020 1 000 passeports efficacité énergétique.
– Projet structurant 4. Promotion à l’export des technologies « smart, safe and sustainable cities ». Il vise à développer une stratégie internationale de promotion des technologies urbaines et pour ce faire a défini plusieurs objectifs.
– Projet structurant 5. Accélérer la croissance des entreprises à travers le dispositif « accélérateur PME » pour augmenter le nombre d’ETI dans la filière. Il sera mis en place par l’Association française des industries de produits de construction (AFCC) et Bpifrance.
– Projet structurant 6. Accompagner les emplois et les compétences des industries. Ce projet vise à mettre en place un engagement de développement des emplois et des compétences (EDEC) pour l’ensemble de la filière aval des industries pour la construction. Le second objectif est d’augmenter le nombre d’apprentis avec une cible à terme de plus 2 000 apprentis par an en moyenne sur la période du contrat de filière 2018-2022.