La croissance du commerce mondial a significativement ralenti ces dernières années passant d’une moyenne 7 % par an entre 1992 et 2006 à 3 % par an sur la période 2012-2014, analyse l’assureur-crédit Atradius dans sa dernière étude économique mensuelle sortie en octobre. Depuis la crise financière de 2008-2009, la croissance en volume du commerce mondial a en fait été atone. De fait, avant la crise financière, les échanges de biens et services progressaient à un rythme deux fois supérieur à celui du PIB mondial; depuis 2012, constate Atradius, le commerce mondial croît bien plus lentement, à un rythme de croissance se rapprochant de près de celui de l’économie mondiale.
L’année 2015 offre un tableau encore moins réjouissant. Atradius table sur une croissance d’à peine 1 % du commerce mondial en 2015, suite au ralentissement chinois, une prévision plus pessimiste que celle de l’Organisation mondiale du commerce (OMC), qui à réduit à 2,8 % pour 2015 son estimation de croissance du commerce mondial, (contre 3,3 % précédemment).
Selon l’assureur-crédit, il y a des facteurs cycliques, et il y a des facteurs plus « structurel », liés à l’évolution de la supply chain au niveau mondial. Explications.
Facteurs cycliques : recul des importations et de l’investissement
Un certain nombre de « facteurs cycliques » ont pesé sur la croissance du commerce au cours des dernières années, au premier rang desquels figure la crise dans la zone euro, zone d’importation majeure au plan mondiale. Celle-ci, rappelle l’étude, a entraîné une forte contraction de la demande à l’import et expliquerait en grande partie l’atonie actuelle du commerce mondial. En 2014, la croissance des importations dans les pays de l’Union européenne utilisateurs de la monnaie unique a ainsi été modeste (+2,9 %).
Mais à l’échelle internationale, c’est l’Amérique latine qui a enregistré, l’an dernier, le plus faible taux de croissance des importations (+0,3 %) du fait de la mauvaise conjoncture dans ses principaux marchés : le Brésil, qui s’enfonce dans la récession, l’Argentine, en proie à une inflation très élevée et des difficultés économiques et financières, et le Venezuela, grand producteur et exportateur de pétrole touché de plein fouet par la chute des prix du baril. En Afrique subsaharienne, la croissance des importations a également été modeste (+3,1 %).
Les taux de croissance les plus élevés ont été observés au Moyen-Orient et en Afrique du Nord, où les importations ont progressé respectivement de +6,4 %. Leur progression a également été soutenue en Chine (+7,1 %).
Mais 2015 est marqué par un grand coup de frein. La chute des importations chinoises (-18 %) sur les neuf premiers mois de l’année (janvier- septembre 2015) par rapport à la même période de 2014, a en partie conduit Atradius à tabler sur une croissance de seulement 1 % du commerce mondial en 2015. C’est aussi ce fort repli des importations chinoises au premier semestre qui a amené l’OMC à revoir à la baisse ses prévisions.
Un autre facteur cyclique nuisant à la croissance du commerce mondial a été, selon Atradius, le ralentissement significatif de la croissance de l’investissement depuis la crise financière mondiale. A partir de 2008, les entreprises implantées dans le monde entier ont en effet donné un sérieux coup de frein à leurs investissements à l’étranger.
Évolution des chaînes d’approvisionnement mondiales
Au-delà de ces facteurs cycliques, qui devraient se dissiper dans les années à venir, le ralentissement du commerce mondial est également lié, selon l’assureur-crédit, à des facteurs plus structurels qui ont accru l’élasticité du commerce mondial par rapport à la croissance économique mondiale dans les années quatre-vingt-dix : une transformation de la supply chain -la chaîne d’approvisionnement- mondiale.
Trois changements structurels majeurs ont affecté ces chaînes d’approvisionnement selon l’étude : la révolution des technologies de l’information et de la communication (TIC) ; la suppression des barrières douanières survenue à la suite des négociations de libre échange dites de l’Uruguay round, en 1994 (qui ont conduit à la création de l’OMC) ; l’ouverture économique de la Chine à l’économie mondiale à partir des années soixante-dix.
Devant ces évolutions, la production manufacturière a été délocalisée dans les pays les plus compétitifs (main d’œuvre peu coûteuse, meilleur accès aux ressources naturelles…) un peu partout à travers le monde. La Chine est pour sa part devenue l’atelier du monde dans la foulée de son accession à l’OMC en 2001.
Le ralentissement de la croissance du commerce mondial serait néanmoins temporaire pour Atradius, qui mise sur une reprise en 2016. Le commerce mondial pourrait même progresser plus rapidement que la croissance du PIB mondial –estimée à 3,5 % cette année et à 3,8 % en 2016, d’après les prévisions du FMI-, Atradius misant sur une progression des échanges mondiaux située entre 3 % et 4 % par an au cours des prochaines années. « Les exportateurs devront redoubler d’effort pour générer de la croissance, pas seulement en 2015 mais également dans les années à venir» conclut néanmoins l’assureur-crédit.
Venice Affre
Pour en savoir plus :
Consultez en fichier PDF ci-joint le rapport (en anglais) d’Atradius intitulé The slowdown in world trade : temporary or permanent ?