Après une année forcément exceptionnelle au cours de laquelle l’économie mondiale s’est contractée de 4,3 %, la Banque mondiale table sur une progression de 4 % en 2021 dans son scénario le plus optimiste. Des perspectives globales qui cachent des situations disparates et restent suspendues à l’évolution de la pandémie de Covid-19, aux campagnes de vaccination et à la capacité des États à attirer les investisseurs.
Sans grande surprise, le solide redémarrage de la Chine dès 2020 a permis à l’économie mondiale d’éviter le pire. Selon les statistiques officielles chinoises publiées le 18 janvier, le pays a enregistré en 2020 une croissance de 2,3 %, en faisant la seule économie majeure à échapper à la récession. Et cette insolente bonne santé devrait perdurer. La Banque mondiale, tout comme le Fond monétaire international, prévoient un bon du PIB de 7,9 % en 2021.
Seul bémol pour la Chine : la faiblesse de la consommation interne sur laquelle les autorités chinoises misent pourtant de plus en plus pour dépasser un modèle encore basé sur la production industrielle et les exportations.
D’autres économies émergentes ont déjà renoué avec la croissance
Quant au PIB global des marchés émergents et des économies en développement (EMDE), Chine comprise, il devrait croître de 5 % en 2021, après une contraction de -2,6 % en 2020, selon la Banque mondiale. Hors Chine, les prévisions pour ce groupe des EMDE tablent sur une hausse de 3,4 % du PIB en 2021 après un recul de -5 % en 2020.
Au sein de cet ensemble, des marchés plus confidentiels que le géant chinois offrent de belles perspectives de reprise. En 2021, les PIB de la Malaisie et du Vietnam devraient ainsi bondir de 6,7 %, celui des Philippines de 5,9 % tandis que la croissance de l’économie indonésienne devrait atteindre 4,4 %.
Le PIB des économies à faible revenu devrait progresser de 3,3 % en 2021, après un repli de -0,9 % en 2020.
Les économistes de la Banque mondiale alertent toutefois sur les effets amplificateurs de la pandémie sur l’accumulation de la dette et sur les risques du recours des EMDE à une politique monétaire axée sur des programmes d’achats d’actifs. « La pandémie a fortement exacerbé les risques d’endettement dans les marchés émergents et les économies en développement, sachant qu’une croissance atone risque d’alourdir encore le fardeau de la dette et d’éroder la capacité des pays emprunteurs à en assurer le remboursement », souligne Ayhan Kose, vice-président par intérim de la Banque mondiale pour la division Croissance équitable, finance et institutions.
La zone euro et les Etats-Unis au même rythme en 2021
Concernant les économies avancées, freiné par la recrudescence des infections, le rebond observé à l’été 2020 a pris fin au troisième trimestre suivant et laisse craindre un redressement lent et difficile.
Au Japon, le PIB devrait progresser de 2,5 % en 2021, après une contraction de -5,3 % en 2020.
Après un repli de -7,4 % en 2020, la zone euro devrait afficher une croissance de +3,6 % en 2021 selon la Banque mondiale. La Banque centrale européenne prévoit quant à elle pour 2021 une croissance de 3,9 % pour la zone euro, contre 5 % initialement prévu, et se montre plus optimiste pour 2022 avec un rebond attendu de 4,2 % (contre 3,2% prévu en septembre) avant un ralentissement attendu à 2,1% en 2023.
Après une contraction estimée à -3,6 % en 2020, le PIB américain devrait rebondir de 3,5 % en 2021, selon la Banque mondiale qui se montre moins optimiste que les statistiques publiées en décembre par la Fed. D’après cette dernière, la croissance américaine atteindra 4,2% en 2021 et 3,2% en 2022. Il faudra néanmoins attendre 2023 pour que le taux de chômage retrouve un niveau proche de celui d’avant la pandémie.
La bonne santé de l’économie américaine, autre moteur avec la Chine de l’économie mondiale, dépendra en partie du pharaonique plan de relance que l’administration Biden doit mettre en place. Et de sa capacité à juguler l’épidémie de Covid-19.
Des incertitudes liées à la pandémie
Malgré l’espoir d’une croissance globale à 4 % à la fin de cette année « la reprise risque néanmoins de rester modeste si les responsables politiques ne passent pas résolument à l’action pour endiguer la pandémie et mettre en œuvre des réformes propices aux investissements », indique la Banque mondiale dans ses Perspectives économiques mondiales.
Car tous les analystes, de la Banque mondiale comme d’autres institutions, insistent sur le conditionnement d’une reprise à la mise en place de campagnes de vaccinations rapides et efficaces.
Selon un scénario pessimiste de hausse continue des contaminations et de retard dans le déploiement des vaccins, l’économie mondiale pourrait ne regagner que 1,6 % en 2021, selon la Banque mondiale. À l’inverse, en cas de maîtrise de la pandémie et d’accélération de la vaccination, le rythme de croissance pourrait atteindre pratiquement 5 %.
En 2021, les défaillances d’entreprises dans le monde pourrait augmenter de 25 %
A plus long terme, les économistes de la Banque mondiale estiment que le sous-investissement, le sous-emploi et la contraction de la main-d’œuvre dans de nombreuses économies avancées risquent d’accentuer le ralentissement attendu de la croissance mondiale dans les dix prochaines années.
A moins que les responsables politiques n’introduisent d’importantes réformes : « les marchés émergents et les économies en développement devront adopter des politiques pour améliorer les services de santé et d’éducation, les infrastructures numériques, la résilience au changement climatique et les pratiques commerciales et de gouvernance dans le but d’amortir les ravages économiques de la pandémie (…)». Vaste programme qui devra être doublé de réformes institutionnelles pour attirer les investisseurs.
En attendant, malgré des perspectives de croissance à court terme moins sombres qu’annoncées (mais pour lesquelles le phénomène de rattrapage est important) l’année 2021 restera suspendue à l’incertain. En témoignent les prédictions d’Euler Hermès parues en décembre : selon l’assureur-crédit le nombre de défaillances d’entreprises dans le monde devrait bondir de 25 % cette année et 13 % l’an prochain. En France, dont le PIB devrait croître de 6,1 % en 2021 et de 3,8 % en 2022, quelque 50 000 entreprises pourraient se retrouver en situation de défaillances en 2021, et plus de 60 000 en 2022.
Sophie Creusillet