Le Fonds monétaire international (FMI) n’a pas modifié sa prévision de croissance de l’économie mondiale dans ses dernières perspectives économiques d’octobre, publiées le 4 octobre*, tablant, comme dans ses prévisions de juillet, sur un léger ralentissement cette année avant une accélération tout aussi légère l’an prochain : après + 3,5 % en 2015, le taux de croissance du produit intérieur brut (PIB) mondial devrait atteindre, selon le Fonds, 3,1 % cette année puis 3,4 % en 2017.
Si, en 2016, le ralentissement a été notamment tiré par l’atonie de croissance dans les pays développés, l’an prochain, la reprise sera alimentée par le redémarrage des pays émergents, dont la Russie et le Brésil. Le Fonds, que dirige l’ancienne ministre française Christine Lagarde, impute ce manque de dynamisme à trois principaux facteurs : d’abord l’atonie de croissance des pays industrialisés –ralentissement des Etats-Unis, impact du « Brexit » sur l’Union européenne-, une économie chinoise en phase de transition délicate et les tensions géopolitiques.
Mais ce qui inquiète le plus l’institution internationale, qui tient son assemblée générale cette semaine à Washington, c’est la stagnation persistante des économies avancées, qui pourrait alimenter la montée du protectionnisme et étouffer un peu plus la croissance. Aux Etats-Unis, c’est le discours anti libre échange à tout va du candidat républicain à la Maison Blanche Donald Trump qui l’affole. En Europe, la victoire du « oui » au référendum britannique sur le « Brexit », le 23 juin dernier, a révélé un fort courant en faveur du repli derrière les frontières.
A court terme, le Fonds préconise, notamment dans les économies avancées, une poursuite par les banques centrales de politiques monétaires accommodantes, avec donc de faibles taux d’intérêt. Mais cela ne suffira pas, reconnaît-il, à relancer une croissance à long terme, minée, selon lui, par une baisse de la productivité et un vieillissement de la population dans certaines économies locomotives. Quand cela est possible, le Fonds préconise une augmentation des dépenses publiques dans l’éducation, la technologie et les infrastructures afin d’augmenter la productivité et réduire les inégalités. De nombreux pays ont également besoin, selon lui, de mener des réformes structurelles pour doper la participation des travailleurs à l’activité, améliorer l’adéquation des postes à pourvoir aux compétences disponibles et réduire les barrières d’accès au marché.
Nous renvoyons au rapport complet pour tous les détails*. En attendant, voici zones par zones les principales prévisions de croissance.
Pays avancés : les Etats-Unis moins dynamiques que prévus
L’ensemble des économies avancées affichera une croissance de 1,6 % seulement en 2016 et 1,8 % en 2017, après 2,1 % l’an dernier. Le Fonds a ainsi revu à la baisse toutes ses prévisions de juillet.
Plombée par la panne des investissements et la hausse du dollar, la croissance du PIB des Etats-Unis sera moins forte qu’anticipée dans ses prévisions de juillet, à 1,6 % cette année (au lieu de 2,2 % prévu initialement).
La zone euro, avec une croissance de son PIB de 1,7 % cette année (après 2 % en 2015), donne des signes de stabilisation malgré les craintes sur la santé de son secteur bancaire. Mais le FMI table sur un taux de 1,5 % seulement l’an prochain.
Parmi les principales économies de cette zone, l’Allemagne fera 1,7 % cette année et 1,4 % en 2017, la France 1,3 % les deux années, l’Italie sera toujours à la traîne (+ 0,8 % cette année, + 0,9 % en 2017) et l’Espagne fera mieux avec 3,1 % en 2016 et 2,2 % en 2017.
Parmi les autres grandes économies, le Japon restera stagnant (0 ,5 % en 2016, 0,6 % en 2017), le Royaume Uni connaîtra un fort ralentissement lié à l’impact du Brexit (1,8 % en 2016 et 1,1 % en 2017 après 2,2 % en 2015) et le Canada poursuivra sa reprise avec 1,2 % en 2016 et 1,9 % en 2017.
Pays émergents, en transition et en développement : le retour de la Russie et du Brésil
Bonne nouvelle pour cet ensemble de pays, le FMI table sur une accélération de la croissance « pour la première fois en six ans » avec 4,2 % en 2016 -0,1 point de plus que prévu précédemment en juillet- et 4,6 % en 2017. Mais la situation sera fortement contrastée selon les zones et pays.
Dans la Communauté des Etats indépendants, c’est le redressement de la Russie qui est le fait majeur : après une récession de -0,8 % en 2016, elle renouera avec un taux de croissance modéré de 1,1 % l’an prochain, soit mieux que prévu en juillet. L’ensemble de la CEI fera 0,3 % cette année et 1,4 % en 2017.
En Asie émergente, bien qu’en phase de ralentissement, le taux de croissance du PIB de la zone reste élevé avec 6,5 % en 2016 et 6,3 % en 2017.
La croissance du PIB de la Chine poursuivra son ralentissement avec 6,6 % en 2016 et 6,2 % en 2017. Le Fonds s’inquiète notamment de l’explosion de la dette des entreprises chinoises.
Le reste de l’Asie, et particulièrement l’Inde, continuera à résister. Avec un taux de croissance prévu à 7,6 % l’an en 2016 et 2017, l’Inde affiche « le rythme de croissance le plus rapide parmi les grandes économies du monde » note le Fonds. Ce dernier invite toutefois ce pays à poursuivre la réforme de son système de taxation et éliminer les subventions pour consacrer davantage de ressources aux investissements dans les infrastructures, l’éducation et la santé.
Plombée par la chute des revenus issus des matières premières énergétiques et minérales, l’Afrique sub-saharienne offre un tout autre panorama avec un taux de croissance attendu à à peine 1,4% cette année, soit le rythme le plus lent depuis 24 ans. Les locomotives comme le Nigeria afficheront à peine 1,7 % de croissance cette année, de même que l’Afrique du sud, dont l’économie est atone.
Toutefois, et par contraste, d’autres pays non exportateurs de ces ressources continueront à afficher de robustes taux de croissance de leur PIB, supérieur à 5 % : la Côte d’Ivoire, l’Ethiopie, le Kenya et le Sénégal en font partie.
Le vaste ensemble Moyen Orient/Afrique du Nord/Pakistan/Afghanistan affichera pour sa part un taux de croissance stable à 3,4 %.
L’Amérique latine et les Caraïbes, plombées par la récession de certains grands pays comme le Brésil, devront attendre 2017 pour une reprise franche de leur croissance à 1,7 % (après une récession de -0,6 % en 2016).
Le Brésil sera l’un des moteurs de cette reprise, avec un taux de croissance de son PIB attendu à 0,5 % en 2017, après une chute de -3,3 % en 2016. Le Mexique, qui a mieux résisté, devrait afficher un taux de croissance de 2,1 % cette année et accélérer à 2,3 % en 2017. Par contraste, le Venezuela s’effondre : -10 % en 2016, – 4,5 % en 2017.
C.G
*Lien vers le World Economic Outlook d’octobre 2016 (en anglais) : www.imf.org/external/pubs/ft/weo/2016/02/