Signe de la forte dégradation de la conjoncture industrielle, l’indice de S&P Global pour la Hamburg Commercial Bank, qui prend chaque mois le pouls de l’industrie manufacturière, est ressorti en juin à son plus bas niveau depuis le début de la crise sanitaire. L’enquête menée auprès des directeurs d’achats européens souligne entre autres un important recul de la demande internationale.
A 43,4, contre 44,8 un mois plus tôt et 43,6 en première estimation, l’indice PMI s’est maintenu en juin sous la barre de 50 pour le douzième mois consécutif et enregistre sa plus faible performance depuis mai 2020. Le rythme de la contraction du secteur manufacturier n’a jamais été aussi important depuis trois ans en Autriche, en Allemagne, en Italie, en Irlande et aux Pays-Bas. Seule la Grèce est allée à contre-courant de la tendance générale, enregistrant une expansion de son secteur industriel pour le cinquième mois consécutif.
Dans l’ensemble des pays de la zone euro, la production industrielle n’avait pas été aussi ralentie depuis octobre 2022. L’enquête menée par S&P auprès des directeurs d’achats montre en effet que la demande n’est pas au rendez-vous. Elle a fortement chuté à la fin du deuxième trimestre, en particulier en Autriche, en Allemagne et en Italie. L’emploi a également diminué, et ce pour la première fois depuis janvier 2021, tandis que la confiance s’est repliée par rapport à mai.
Demande internationale en berne
De plus, l’atonie de la demande au niveau national n’a pas été compensée par la demande en provenance de l’étranger qui a également diminué, qu’elle émane d’autres pays de la zone ou de marchés tiers. Les répondants à cette enquête ont mentionné un recul de leurs exportations pour le seizième mois consécutifs.
Face à une conjoncture toujours sombre, les entreprises continuent de se montrer prudentes et ont continué à déstocker en juin. L’activité achats s’est fortement contractée, affichant l’un de ses plus forts taux de contraction depuis le début de la collecte des données dans le cadre de ces enquêtes PME mises en place il y a vingt-six ans. Conséquence : les stocks d’intrants ont enregistré un cinquième recul mensuel consécutif, tandis que les stocks de produits finis ont affiché leur plus fort repli depuis avril 2022.
L’absence de nouvelles commandes et un important phénomène de déstockage mettent une nouvelle fois en évidence le traitement du travail en cours en tant que priorité numéro un des entreprises. Elles se focalisent sur les commandes reçues les mois précédents et en attente d’exécution, ce qui se traduit par une importante diminution des arriérés de production. Cette baisse de la charge de travail a également conduit les industriels manufacturiers à réduire leurs effectifs pour la première fois depuis janvier 2021.
Les prix de vente continuent de diminuer
Bonne nouvelle pour les entreprises, cependant. La faiblesse générale de la demande a mécaniquement conduit à une nouvelle baisse des coûts des intrants, une tendance continue amorcée en février dernier. Les prix des achats effectués en juin ont en effet affiché leur plus importante diminution depuis juillet 2009. Qui plus est, les conditions d’approvisionnement, véritable bête noire des fabricants depuis le début de la crise sanitaire, ce sont nettement améliorées, en témoigne la franche réduction des délais de livraisons des fournisseurs.
Au niveau sectoriel, les fabricants de biens intermédiaires ont mentionné un recul notoirement marqué de leurs coûts de production. La baisse du prix des intrants et la hausse des pressions concurrentielles engendrée par l’affaiblissement de la demande ayant incité les entreprises à réduire leurs prix de vente, les prix « sortie d’usine » ont diminué pour un deuxième mois consécutif, le taux de déflation ayant en outre atteint un sommet de trois ans en juin.
Pour Cyrus de la Rubia, chef économiste à la Hamburg Commercial Bank, « il semble que le secteur manufacturier à forte intensité de capital accuse de plus en plus difficilement le coup des augmentations des taux d’intérêt de la BCE, comme en témoignent notamment le premier recul de l’emploi enregistré depuis janvier 2021 et l’un des plus forts replis de l’activité achats depuis le début de l’enquête ».
Sophie Creusillet