« En Afrique centrale, le Congo – comme le Gabon, avec sa Vision 2025 et son Plan stratégique Gabon émergent (PSGE), et le Cameroun, avec sa Vision 2035 et son Document de stratégie pour la croissance et l’emploi (DSCE) – s’est doté d’un Plan national de développement (PND) pour répondre à sa Vision 2025 de devenir une économie émergente à cet horizon », expliquait le directeur régional d’Ubifrance, Gérald Petit (notre photo), lors d’un séminaire sur l’Afrique centrale, organisé par l’agence publique à Paris, le 22 octobre.
Le PND, qui couvre la période 2012-2016, envisage la réalisation de grands projets de modernisation des infrastructures, notamment dans le transport et l’énergie, dans l’industrie, la formation professionnelle et les secteurs sociaux : éducation, santé.
Réduire le déficit électrique
La mauvaise alimentation en énergie des populations et du tissu des entreprises est un gros handicap. Et si la Banque des États d’Afrique centrale (Beac) se félicite de la hausse de la production d’électricité, force est de constater que les délestages persistent, malgré le lancement en 2011 du barrage d’Imboulou, d’une capacité de 120 mégawatts (MW), construit avec l’aide de la Chine. Les plaintes de la population se succèdent tant à Brazzaville, la capitale, qu’à Pointe-Noire, la grande cité portuaire, où les Ponténégrins subissent des coupures, alors que la centrale thermoélectrique à gaz est fonctionnelle.
La Banque africaine de développement (Bafd), dans son document stratégique d’octobre 2012 pour la période 2013-2017estime que le Congo ne pourra pas parvenir à l’émergence sans réussir sa diversification économique et développer l’intégration régionale. D’après le patronat Unicongo, il a les ressources naturelles qui peuvent lui permettre de sortir du tout pétrole (265 000 barils produits par jour) : des terres cultivables (8,2 millions d’hectares), du bois (2 millions de m3 de production potentielle par an), de la potasse (800 milliards de tonnes/t), du fer (1 milliard de t) ou encore du gaz (90,61 milliards de mètres cube/m3 de réserve).
Une « mine d’or à ciel ouvert »
L’organisation, qui annonce 300 entreprises adhérentes, qualifie même le Congo de « mine d’or à ciel ouvert». Les principaux gisements d’or ou d’autres minerais sont situés du nord au sud dans le Likouala, la Cuvette, le Lékoumou, le Pool, le Kouilou et le Bouenza. Dans sa dernière consultation en date d’août 2013, le Fonds monétaire international (FMI) évoque plusieurs projets, comme celui du groupe sud-africain DMC-Exxaro à Mayoko qui devrait commencer à produire avant la fin de l’année 130 000 tonnes de fer dans un premier temps, la quantité réalisée pouvant atteindre probablement les 7 millions de tonnes vers 2017, selon le FMI. Cette production doit être exportée depuis Mayoko par le chemin de fer Congo-Océan (CFCO) et le port autonome de Pointe-Noire, en passant par le département du Kouilou.
Cependant, l’institution internationale mentionne de gros obstacles au lancement de tels projets : le manque d’infrastructures – dans le cas du projet de Mayoko, les capacités insuffisantes des liaisons ferroviaires et du port – l’instabilité du réseau électrique, mais aussi le déficit en main d’œuvre qualifiée.
La Bad fait un constat similaire, insistant pour réussir la diversification économique sur l’amélioration des infrastructures et de l’environnement des affaires. Dans l’édition 2014 du rapport Doing Business (facilités de faire les affaires) de la Banque mondiale, le Congo est mal classé au 185ème rang sur un total de 189 pays recensés. Une situation très préjudiciable dont le gouvernement dit avoir pris bonne note. Il a ainsi mis en place deux organes : le haut Conseil du dialogue public-privé (HCDPP) et l’Agence de promotion des investissements (Api).
Pointe-Noire, seul port régional en eau profonde
Deuxième priorité pour atteindre l’émergence économique, l’intégration régionale. Pointe-Noire est le seul port en eau profonde de la région, rappelle-t-on chez Unicongo. Mais ce n’est pas le seul atout du Congo, qui possède toute une chaîne de transport maritime-ferroviaire-fluvial. Ce pays est donc un point d’accès privilégié de ses voisins enclavés : Centrafrique, Tchad et, pour sa partie nord, République démocratique du Congo (RDC).
La patrie du président Sassou N’Guesso a donc tout avantage à la réalisation des multiples projets envisagés dans le cadre de la Communauté économique et monétaire d’Afrique centrale (Cemac). Notamment dans l’électricité, les interconnexions Brazzaville-Calabar, réseaux sud du Congo-Gabon et l’amélioration hydroélectrique du site de Dimoli en Centrafrique pour alimenter notamment la zone frontalière du Congo. Dans le transport routier, plusieurs corridors intéressent le Congo : Libreville (Gabon) – Mouila-Nedendé-Dolisie-Brazzaville, Pointe-Noire-Brazzaville-Bangui (Centrafrique)-N’Djamena (Tchad) et Yaoundé (Cameroun)-Brazzaville.
Lors de la 8eme Semaine internationale de l’énergie, à Moscou, les 28 et 29 octobre, Jean-Jacques Bouya, le ministre en charge de l’Aménagement du territoire et de la délégation générale des grands travaux (organe chargé du développement des infrastructures), a mis en avant « la vision continentale » du pays, avec le port de Pointe-Noire et le projet de pont route-rail entre Brazzaville et la capitale de RDC, Kinshasa. Ce membre du gouvernement congolais se félicitait au même moment du choix de son pays, après l’obtention des Jeux panafricains en 2015, pour recevoir le premier forum d’affaires et d’investissement sur les infrastructures en Afrique Build Africa, les 6 et 7 février 2014.
La France, premier fournisseur et investisseur
La France demeure le premier fournisseur du Congo, avec une part de marché de 30,9 % en 2012, devant la Chine (21,2 %) et le Brésil (14,3 %). Ses exportations se sont ainsi élevées à 756,5 millions de dollars, d’après la base de données GTA/GTIS. Pendant les huit premiers mois de 2013, par rapport à la même période de l’exercice précédent, d’après les Douanes françaises, elles ont gagné 5,7 % pour atteindre environ 403 millions d’euros.
S’agissant des investissements directs de la France en Afrique centrale, le Congo est le principal bénéficiaire, avec un stock de 2,957 milliards d’euros en 2012, loin devant le Gabon (864 millions) et le Cameroun (658 millions). D’après les Services économiques à Brazzaville, l’Hexagone se place ainsi au premier rang des investisseurs. Le nombre d’entreprises françaises ou congolaises avec des intérêts tricolores se monte à 120. Et la présence française est assez diversifiée, avec des secteurs forts, comme le transport et la logistique, l’agroalimentaire, le BTP, la banque, la distribution et bien sûr le pétrole et le parapétrolier.
Pointe-Noire, la capitale économique, est au cœur du développement pétrolier et minier du pays. Air France-KLM vient de décider d’y renforcer son offre, avec six vols par semaine au départ de Paris-Charles de Gaulle (s’ajoutant ainsi à ses quatre vols vers Brazzaville). De son côté, « Total va opérer le site en eaux profondes de Moho Bilondo Nord, un chantier de 10 milliards de dollars d’investissement. Pour exploiter le permis, il disposera de 53,5 % des parts du projet, aux côtés de l’américain Chevron, avec 31,5 %, et de la Société nationale des pétroles du Congo (SNPC), avec 15 % », rapporte Gérald Petit.
Les Chinois et les autres…
D’après les Services économiques à Brazzaville, la présence chinoise dans le commerce se double d’investissements dans le ciment et le bois. D’autres capitaux étrangers ont été injectés dans le pétrole (Italie, États-Unis), le bois (Italie, Allemagne), l’or (Italie), la minoterie et le tabac (États-Unis) et la brasserie (Pays-Bas). Mais d’autres secteurs et d’autres pays montent aussi en puissance au Congo. Dernièrement, le marocain Addoha, qui se renforce dans la région, a conclu un accord pour construire 640 logements sociaux dans plusieurs villes du Congo, dont Brazzaville et Pointe-Noire. La société bénéficierait d’avantages fiscaux et douaniers et investirait également dans une cimenterie.
C’est aussi la compagnie Eco-Oil Energy, comptant des capitaux malaisiens, qui prend la concession de la Régie nationale des palmeraies du Congo (RNPC) à Mokéko, dans le nord du pays. Avec pour objectifs, à terme, d’exploiter 50 000 hectares et créer 5 000 emplois directs, afin de produire de l’huile de palme, commercialiser des produits finis et semi-finis et développer la biomasse et les biocarburants. Bonne nouvelle, après le ralentissement de l’économie en 2012 (+ 4,6 %), le FMI table sur une remontée de la croissance l’an prochain, avec un taux de 6,5 % et, à moyen terme, une inflation de 3 % comparable aux prévisions dans les autres États membres de la Cemac.
François Pargny
Pour prolonger :
– Guide Business Gabon 2013
– Guide Business Cameroun 2013