Ce n’est pas tous les jours que la Commission européenne apparaît en pleine lumière à son avantage. En obtenant, le 25 juillet à Washington, de Donald Trump « de travailler vers l’objectif zéro droit de douane, zéro barrière non tarifaire et zéro subvention sur les biens industriels, hors automobile », son président, Jean-Claude Juncker, a réalisé un beau coup, alors qu’il venait juste dialoguer.
La preuve en est : quand les Américains ont souhaité étendre l’accord à l’agriculture, le chef de l’exécutif européen leur a rappelé qu’il n’avait de mandat de négociation des 28 pour le faire. Mieux, il leur a précisé que pour y parvenir dans le futur les États membres exigeraient l’abandon aux États-Unis de la législation qui protège ses entreprises dans l’attribution des marchés publics. Une concession inimaginable dans ce pays où l’American Buy Act, voté en 1933, fait quasiment partie de l’Histoire de la nation.
Un groupe de travail va plancher sur un accord industriel
Jean-Claude Juncker a, néanmoins, promis que les Européens allaient acheter plus de soja et gaz naturel liquéfié produits outre-Atlantique. En contrepartie, le président américain est prêt à suspendre la menace de fixer un droit de douane pouvant aller jusqu’à 25 % sur l’entrée des automobiles européennes aux États-Unis et à abandonner les taxes sur l’acier et l’aluminium du Vieux Continent.
Ce que les observateurs avisés n’ont pas hésité à qualifier « d’armistice » est, de fait, une véritable surprise, alors qu’on s’attendait aux habituels reproches de l’hôte de la Maison Blanche à l’encontre d’une Europe qui profiterait de son grand voisin outre-Atlantique. Si sur le fond l’accord Juncker-Trump ne règle rien, pour aboutir à ce qui pourrait ressembler in fine à un accord de libre-échange, va être installé un groupe de travail, présidé par la commissaire européenne au Commerce, Cecilia Malmström, qui était du voyage à Washington, et le représentant américain au Commerce, Robert Lighthizer.
Européens et Américains offensifs pour rénover l’OMC
Plus encore, les deux présidents se sont entendus pour réformer l’Organisation mondiale du commerce (OMC), une demande pressante de Bruxelles, alors qu’on avait plutôt l’impression que Washington souhaite la mise à mort de l’organisation internationale. Pour sortir la Chine du parapluie de l’OMC, ne valait-il pas mieux en terminer et recréer une autre institution ensuite ?
La nouvelle entente Trump-Juncker met clairement la pression sur Pékin. Avec Tokyo, Bruxelles et Washington ont déjà entamé un dialogue pour en finir avec la concurrence déloyale de l’ex-Empire du Milieu. Au menu de leurs attaques récurrentes, les subventions industrielles, les aides d’État, les transferts de technologie forcés.
De source européenne, on explique que les règles de l’OMC ne sont pas « calibrées » pour empêcher les subventions chinoises. Elles seraient utiles quand les aides sont sectorielles, mais inopérantes quand leur couverture est large. Dans ce cas, « comme le système chinois n’est pas transparent », elles seraient difficiles à « déceler et à prouver ».
Revoir le statut de PVD
Autre point de discussion pour la réforme de l’OMC, l’attribution du statut de pays en voie de développement (PVD) doit être revue. À son adhésion à cette institution en novembre 2001, la Chine s’est déclarée comme PVD. Or, elle est aujourd’hui la deuxième puissance économique mondiale et réclame aujourd’hui le statut d’économie de marché, ce que lui refusent Européens et Américains.
Enfin dernier axe de travail, la modernisation de l’Organe de règlement des différends (ORD), aujourd’hui bloqué par l’Administration Trump, qui refuse de renouveler les juges de l’ORD.
Dans l’immédiat, le soulagement est palpable des deux côtés de l’Atlantique. Côté étasuniens, de la part des agriculteurs, notamment des producteurs de soja, déjà victimes de la guerre commerciale avec la Chine et auxquels le président américain vient de promettre 12 milliards de dollars de soutien. L’industrie américaine souffle également, surtout du côté de la filière automobile : véhicules, pièces détachées, deux roues. Côté européen, les constructeurs allemands de voitures, très présents comme exportateurs et producteurs aux États-Unis, devraient être satisfaits de l’armistice.
Reste à mettre en boîte les promesses. Selon Jean-Claude Juncker, il faudra plusieurs mois au groupe de travail bilatéral pour achever ses travaux.
François Pargny