Alors que les économies émergentes tiraient la croissance mondiale des échanges, la tendance s’est inversée au troisième trimestre constate la Cnuced. Ce sont désormais l’Europe et les Etats-Unis, mais aussi les services plus que les marchandises, qui jouent le rôle de locomotive.
Malgré les crises, le commerce mondial ne ce sera jamais aussi bien porté qu’en 2024. Selon le dernier rapport trimestriel de la Cnuced. Il devrait en effet enregistrer un surplus de 1 000 milliards de dollars (Md USD) cette année pour atteindre 33 000 Md USD. Cette bonne performance est en grande partie due au dynamisme des services dont les échanges ont pris de l’ampleur après la crise sanitaire. Le surplus estimé pour 2024 correspond à une croissance annuelle de 3,3 %, tirée par celle du commerce des services, en hausse de 7 %, tandis que celui des marchandises a progressé de 2 %.
La bonne santé des échanges de services est cependant en grande partie imputable à l’inflation. En outre, leur croissance moyenne décélère, note la Cnuced, laissant à penser qu’ils ont atteint un plateau. Leurs exportations ont néanmoins bondi de 9 % au troisième trimestre en Chine, de 6 % dans l’UE et de 5 % en Corée du Sud. Sur l’ensemble de (+ 11 %) et l’Afrique du Sud (+ 10 %).
Les exportations chinoises et indiennes en berne
Concernant les biens, les échanges ont été beaucoup moins dynamiques au troisième trimestre. La plus forte progression des exportations (+ 5 %) revient au Japon tandis que l’Afrique du Sud arrive en seconde position avec une hausse de 2 % seulement. A contrario, les exportations indiennes et chinoises ont reculé de respectivement 3 % et 2 % sur la même période. En glissement annuel, elles ont timidement progressé : de + 2 % en Inde et + 1 % en Chine. Par secteur, ce sont les technologies de l’information et de la communication ainsi que l’habillement qui ont les plus vigoureux avec des échanges en hausse de 13 % et 14 %.
Surtout, ce troisième trimestre a vu s’inverser la tendance baissière des pays développés qui ont affiché une forte croissance de leurs importations (+ 3 %) et exportations de biens (+ 2 %) alors qu’elles reculent toutes deux de 2 % sur l’ensemble de l’année. Les performances commerciales des pays en voie de développement ont quant à elle manqué de dynamisme au troisième trimestre avec des importations en recul de 1 % et des exportations en très légère hausse (+ 1 %). Sur une base annuelle, le commerce des pays en développement a largement dépassé celui des pays développés (+ 3 % pour les importations et + 2 % pour les exportations).
Des perspectives incertaines
Enfin, sans surprise, les interdépendances commerciales épousent les intérêts géoéconomiques des Etats. La Cnuced mesure en effet le ratio entre le commerce bilatéral entre deux pays et le commerce total du pays « dépendant ». En glissement annuel, ce sont les dépendances de la Russie et du Brésil à la Chine qui ont le plus progressé, de respectivement 3,7 % et 2,1 %, ainsi que la dépendance de la Russie à l’Inde (+ 1,8 %).
S’il est évident que la géopolitique va continuer de modeler les échanges commerciaux dans les mois à venir, la Cnuced pointe une conjoncture rendant particulièrement difficile toute projection d’évolution du commerce mondial. En cause, la future politique commerciale américaine, qui s’annonce très protectionniste et les mesures de rétorsion, certainement tout aussi protectionnistes, que ne manqueront pas de prendre les pays visés. L’organisation s’inquiète également des barrières commerciales érigées au nom de la protection d’une protection plus respectueuse de l’environnement. Enfin, un autre facteur d’incertitude pèse sur le commerce international : le cours du dollar qui pourrait soit s’apprécier en raison des tensions géopolitiques et des nouvelles orientations de la politique commerciale américaine, soit s’affaiblir du fait d’éventuelles réductions des taux d’intérêt.
Comme la valeur de la devise américaine, utilisée par la plupart des transactions commerciales, est cruciale pour le commerce international les interrogations sur l’évolution de son cours constituent aujourd’hui unen incertitude dans l’incertitude.
Sophie Creusillet