Depuis la pandémie de Covid-19 puis la guerre en Ukraine, la mondialisation est sur la sellette et les perturbations du commerce international peuvent laisser augurer d’un repli des échanges commerciaux au niveau régional et d’une émergence de blocs. Il n’en est rien, selon une étude accompagnant le Global Connectedness Index présenté par DHL le 15 mars à Dubaï, ce hub du commerce international.
« La démondialisation est un mythe ! », a d’emblée lancé John Pearson lors de la présentation de ce rapport réalisé par Steven Altman, professeur d’économie à la Stern University de New York.
Des distances toujours plus longues
Une assertion que l’expressiste allemand a vérifié par les chiffres. Tout d’abord en observant les flux d’échanges avant et après la pandémie de Covid-19. Résultat : malgré un léger déclin en 2020, le commerce international de marchandises en volume était, à la mi-2022 de 10 % supérieur à celui de 2019. Alors que son taux de croissance annuel était de 3,5 % avant la pandémie, il devrait être de 2,4 % cette année et de 3,4 % l’an prochain.
Pour vérifier si ces flux allaient se régionaliser, Steven Altman a mesuré la distance moyenne parcourue par ces biens. Alors qu’elle était de 4700 km en 2001, en 2021 une marchandise parcourait en moyenne quasi 5100 km. Quant au pourcentage des flux intrarégionaux, il est passé de de 56 % à un peu moins de 53 %. Un colis ou un conteneur parcourent donc des distances toujours plus longues à des destinations toujours aussi éloignées des zones de production.
La démondialisation n’aura donc pas lieu à en croire les conclusions de cette étude. Du moins pas tout de suite.
Pas de création de blocs de pays alliés
Enfin, dernier indicateur, la géopolitique s’invitant de plus en plus dans les questions commerciales, en attestent les sanctions prises par les États-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union européenne à l’encontre de la Russie, cette évolution pourrait laisser prévoir la création de blocs regroupant des pays « amis » et commerçant entre eux.
Pour savoir si ce phénomène était à l’œuvre, l’auteur du rapport a passé au crible 11 types de flux (biens, informations, fusions et acquisitions, collaborations scientifiques…) entre deux « blocs » de pays : d’un côté, la Chine et ses « proches alliés », tels que définis par le cabinet de recherche et de conseil anglais Capital Economics, et, de l’autre, les États-Unis et leurs alliés.
Depuis 2016, la part de flux de la sphère américaine impliquant le bloc chinois a baissé dans 8 catégories, tandis que la part de flux chinois impliquant les États-Unis a baissé pour 7 des 10 types de données disponibles pour la Chine. Toutefois, les États-Unis et la Chine sont toujours liés par des échanges plus importants que tout autre tandem de pays ne partageant aucune frontière.
De plus, les données ont montré qu’à ce jour, l’éloignement entre ces deux pays n’a pas entraîné de fragmentation plus large des flux mondiaux en blocs de pays rivaux.
La question de la régionalisation reste ouverte
« La question de savoir si les courants commerciaux deviendront considérablement plus régionalisés à l’avenir reste ouverte, estime toutefois Steven Altman. De nombreux gouvernements et entreprises se sont concentrés sur le nearshoring pour régionaliser les chaînes logistiques, et la régionalisation apporte d’importants avantages commerciaux. D’un autre côté, plus de la moitié des échanges commerciaux ont déjà lieu au sein des régions, et les bénéfices qu’apporte le commerce longue distance restent importants, notamment parce que l’inflation reste élevée, que la croissance économique a ralenti, et que les tarifs d’expédition par conteneur ont à nouveau diminué. »
Rien n’est gravé dans le marbre et les turbulences géopolitiques qui traversent actuellement le monde pourraient conduire non pas à la démondialisation, mais à de profonds changement du commerce international.
Sophie Creusillet,
à Dubaï