La baisse drastique du transport aérien de marchandises a profondément perturbé le commerce mondial. Celui des voyageurs d’affaires également, souligne une note parue dans la dernière édition de La Lettre du Cepii*, parue en décembre dernier. Incertain, l’avenir du secteur dépendra de l’évolution de la situation sanitaire et des engagements internationaux en matière de transition écologique.
« Moins d’avions c’est moins de commerce ». Le titre de l’étude du Centre d’études prospectives et d’informations internationales (Cepii) résume à lui seul son propos. Un constat qui n’a rien de surprenant, 35 % du commerce mondial de marchandises en valeur étant acheminé par avion.
La raréfaction des vols internationaux (- 60 % entre janvier 2020 et août 20211) et la hausse vertigineuse des coûts (multipliés par deux entre l’Europe et l’Amérique du Nord et par quatre pour les liaisons Europe- Moyen-Orient) ont eu pour conséquence une diminution des expéditions de marchandises.
Alors que 31 % des exportations européennes étaient expédiées par avion en 2019, cette part est descendue à 26 % en 2020 en raison de la crise sanitaire. Celles de la France sont passées de 35 % à 31 %, mais d’importantes disparités subsistent en Europe en raison de la nature desdites marchandises. La part des biens expédiés par voie aérienne est de 50 % au Royaume-Uni, elle n’est que de 15 % en Espagne. Une disparité qui s’explique par le rapport de la valeur des marchandises à leur poids. Plus il est élevé, plus l’aérien est utilisé.
Les voyages d’affaires restent indispensables au commerce international
Le profil des exportations espagnoles, axées sur l’agroalimentaires et l’automobile, explique l’écart avec le Royaume-Uni et l’Irlande dont les biens exportés ont un rapport valeur/poids plus élevé (produits électroniques et pharmaceutiques). Toujours est-il que les perturbations du transport aérien ont eu un autre effet sur le commerce international. Les restrictions de déplacement ont également cloué au sol les responsables export et les commerciaux. Et la chute des voyages d’affaires n’a pas été sans incidence sur le commerce.
Ainsi, les analystes du Cepii relèvent que plus le nombre de liaisons aériennes est important entre deux partenaires, plus les échanges de marchandises le sont également. Avec une liaison aérienne, ils sont de 3 % supérieurs à ceux entre lesquels aucune liaison directe n’existe (4 % pour les partenaires comptant 2 à 7 liaisons aériennes directes et près de 9 % supérieurs pour ceux dont le nombre de liaisons est supérieur à 103). En revanche, au-delà de cette barre des 103 liaisons directes, la part des biens empruntant d’autres modes de transport augmente de 8 %.
« Ce résultat suggère que les déplacements professionnels et les voyages d’affaires ont une incidence significative sur le commerce, conclut le Cepii. Parce que les rencontres physiques facilitent l’échange d’informations et permettent de mieux répondre aux attentes des acheteurs, cela profite au commerce, surtout lorsqu’il s’agit de produits complexes. »
L’avenir du transport aérien suspendu à la situation sanitaire et à la décarbonation
Les relations à distance ne peuvent pas remplacer les rencontres physiques qui restent indispensables pour s’assurer de la qualité d’un produit, renforcer une relation de confiance ou trouver de nouveaux fournisseurs. En outre, les salons professionnels du monde entier ont eu beau proposer des versions digitales, elles ne peuvent remplacer le contact humain.
L’évolution du transport par avion est pour l’instant peu lisible en raison de l’instabilité de la situation sanitaire. En outre, même s’ils ne concernent pas le secteur des transports internationaux, les engagements pris en matière de décarbonation, même s’ils ne concernent pas le secteur des transports internationaux, auront également des conséquences.
« Sauf à supposer des ruptures technologiques fortes, la nécessaire transition écologique devrait amener d’une façon ou d’une autre à limiter l’usage de ce mode de transport », rappellent les analystes du Cepii. Leur étude souligne ainsi que bien que l’Organisation de l’aviation civile internationale (OACI) a été mandatée dans le cadre du protocole de Kyoto, puis de l’accord de Paris, pour définir des mesures de réduction des émissions du transport aérien, cette démarche n’a jusqu’à présent pas donné de résultat tangible.
Un besoin de concertation internationale relever le défi environnemental
Un retour au niveau prépandémique du transport aérien apparaît cependant incompatible avec les exigences de la transition écologiques. La Commission européenne en a d’ailleurs affiché sa volonté de taxer les émissions des vols intérieurs à l’Union. « Mais une coordination mondiale reste indispensable pour que ce secteur soit pleinement intégré dans les efforts de réduction des émissions de gaz à effet de serre », estime le Cepii.
En baisse de 60 % par rapport à 2019, les émissions de CO2 des vols commerciaux moyens et longs courriers ont atteint 7,3 millions de tonnes selon les données de la Direction générale de l’aviation civile. Alors que l’IATA, l’association internationale des compagnies de transport aérien, ambitionne de faire voyager un milliard de passagers dans des avions propulsés par des carburants durables, la part de ces derniers dans le kérosène utilisé par l’aviation demeure inférieure à 0,1 %.
Sophie Creusillet
*Pour consulter l’étude du Cepii, cliquez ICI