Le bilan global du commerce extérieur français pour 2014, que Matthias Fekl, secrétaire d’État au Commerce extérieur, doit présenter le 6 février prochain, sera clairement meilleur qu’en 2013 : le déficit commercial devrait se réduire encore, pour se situer entre 50 et 55 milliards d’euros (Mds EUR) au vu de la tendance dégagée sur les 11 premiers mois de 2014, soit une nette amélioration après les -61,1 Mds de 2013.
Sur onze mois cumulés à fin novembre 2014, rappelons qu’il s’établissait à 50,6 Mds, selon les douanes françaises. Les exportations étaient bien orientées, avec une tendance à + 2,2 % par rapport au 11 premiers mois de 2013, alors que les importations étaient en recul de 1,4 % sur la même période, tirées vers le bas par la faible demande intérieure.
Mais il y aura un bémol à cette amélioration globale : elle provient principalement du poste énergie, avec une chute drastique de la facture sous les effets conjugués de la baisse de la consommation intérieure et de la chute des prix du baril de brut au deuxième semestre 2014. Sur les neuf premiers mois de l’année 2014, rappelons que le déficit des échanges énergétiques (CAF-FAB) était tombé à -43 Mds EUR, contre – 50 Mds EUR pour la même période de 2013, selon les données des douanes.
Hors énergie, et malgré les bonnes performances de certains secteurs comme l’aéronautique ou le redressement de l’automobile, le déficit commercial était mal orienté selon les statistiques des douanes françaises : il dépassait déjà les -14 Mds EUR en septembre 2014 (sur neuf mois), soit déjà au-delà des -13,5 Mds obtenus sur la totalité de 2013. Avec peu de chance d’un redressement de tendance substantiel à trois mois de la fin de l’année.
Un déficit accru des échanges industriels
L’Institut d’études économiques Coe-Rexecode vient de confirmer cette contre-performance à l’occasion de la publication de ses derniers travaux sur la compétitivité française, menés sous la direction de Jean-François Ouvrard et d’Alexandre Judes*. D’après ces estimations, le déficit commercial hors énergie devrait s’établir à -17,7 Mds EUR (FAB-CAF) sur l’ensemble de l’année 2014. Il résulterait d’un excédent agricole de + 9,2 Mds, en baisse de 2 Mds, totalement neutralisé par un déficit accru des échanges industriels à -26,4 Mds (soit -2 Mds de plus), et des échanges de produits divers à – 0,5 Md (après + 0,3 Md en 2013).
Ce coup de faiblesse a un impact négatif sur les positions de l’Hexagone à l’international, avec une part de marché dans les exportations de la zone euro qui continue à s’effriter (de 12,3 à 12,5 % entre les dix premiers mois de 2013 et la même période de 2014), alors que celles de l’Allemagne, de la Belgique ou des Pays-Bas progressent et que celles de l’Espagne se stabilisent, selon les estimations de Coe-Rexecode. Au plan mondial, la part de marché française est passée de 3,15% en 2013 à 3,0% en octobre 2014. « Depuis 2000, parmi les pays développés, la France a connu le plus net recul de ses parts de marché » relève Coe-Rexecode.
En attendant les résultats officiels du commerce extérieur français, si cette tendance se confirme, elle viendra sans aucun doute ternir le bilan 2014 du commerce extérieur. Matthias Fekl – à l’instar du gouvernement Valls qui n’en parle tout simplement plus –, a prudemment pris ses distances avec l’objectif du « zéro déficit hors énergie sous le quinquennat » pris en 2012 par le gouvernement Ayrault. « Dans le contexte très difficile aujourd’hui, je pense que prendre ce type d’engagement ce n’est pas ce qu’il faut faire ; ce que nous devons faire, c’est travailler pour faire les réformes de fond pour que les choses aillent mieux », avait-t-il déclaré en novembre 2014 sur l’antenne de RFI.
Perspectives encourageantes pour 2015
Reste que la balance commerciale est un indicateur de la compétitivité française, « un juge de paix » comme le répète Laurent Fabius, ministre des Affaires étrangères et du développement international. Surtout lorsque l’on sait que les échanges de services sont eux aussi mal orientés, avec un excédent estimé à 17,6 Mds EUR en 2014 selon Coe-Rexecode, en recul de plus d’un milliard.
Pour 2015, les perspectives sont toutefois encourageantes, et n’ont en tout cas jamais été aussi favorables à une véritable inversion de tendance : effets du CICE (crédit d’impôt compétitivité emploi) mais aussi d’une relative modération salariale. Coe-Rexecode, à l’instar d’autres organismes d’études, le constate : les marges des entreprises se redressent, leur compétitivité aussi. « Le coût horaire du travail dans l’industrie manufacturière a augmenté sur un an de +0,6 % en France contre +2,3 % en Allemagne », constate Coe-Rexecode, ajoutant « le taux de marge de l’industrie française s’est redressé en 2014, de l’ordre de 2,5 points en un an. Cette amélioration est due pour un tiers au CICE et pour deux tiers à une augmentation des salaires inférieure aux gains de productivité » .
Dans ce contexte, la baisse du taux de change de l’euro/dollar – qui est passé en dessous de 1,20 ces derniers jours après avoir chuté de quelque 13 % en six mois- et celle du coût de l’énergie vont constituer un ballon d’oxygène supplémentaire pour les entreprises exportatrices. Elles devraient pleinement en profiter.
Christine Gilguy
*Pour approfondir :
« La compétitivité française en 2014 », Document de travail n° 51, janvier 2015. Voir la synthèse et le document en ligne dans notre rubrique « Etudes et rapports », cliquez ICI ou sur le site de l’Institut www.coe-rexecode.fr
Et aussi :
La dernière fiche de synthèse de la DG Trésor sur l’internationalisation des PME & ETI françaises, en ligne dans notre rubrique « Etudes et rapports », cliquez ICI
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