Alors que la balance commerciale, qui se focalise sur les biens, a affiché en 2022 un déficit abyssal de 164 milliards d’euros, les exportations de services et les implantations à l’étranger, autre forme d’internationalisation des entreprises françaises, se portent bien. Ces deux tendances fortes laissent entrevoir des forces inexploitées selon une étude que vient de publier le think tank la Fabrique de l’exportation, qui tord le cou à certaines idées reçues sur le commerce extérieur français.
Le constat est connu : un déficit des échanges de biens qui ne cesse de se creuser, une compétitivité en baisse des produits sur les marchés étrangers, une facture énergétique de plus en plus lourde, une surreprésentation des grandes entreprises et une part insuffisante d’entreprises de taille intermédiaire (ETI) freinent les performances du commerce extérieur français. Conséquence : la part de marché mondiale des biens tricolores s’amenuise.
Les auteurs de l’étude que vient de publier la Fabrique de l’exportation, montrent que, rapporté à celles de cinq grands exportateurs européens (Allemagne, Espagne, Espagne, Royaume-Uni, France), le poids relatif des exportations de marchandises françaises dans celles de ce groupe de pays est passé de 24 % à 19 % au cours des 15 dernières années. Cette perte de part de marché et encore plus prononcée sur les marchés européens où elle est passée de 14 % à 10 %.
Par ailleurs, les exportations françaises dans le domaine manufacturier semblent se concentrer sur un nombre de plus en plus réduit de produits au fil du temps.
Une vision à 360° des échanges extérieurs de la France
Une vision à 360° des échanges extérieurs de la France : tel est le titre de cette étude engagée par la Fabrique de l’exportation en partenariat avec l’Ecole supérieure de commerce extérieur (ESCE) avec le soutien et le concours du ministère de l’Europe et des affaires étrangères. Elle a été réalisée par Daniel Mirza, professeur d’économie à l’Université de Tours, co-directeur de l’équipe Economie internationale et Développement durable (EI2D) du Laboratoire d’économie d’Orléans.
On peut la consulter sur le site de la Fabrique de l’exportation : cliquez ICI
Les flux de services ont triplé en 20 ans
En revanche, comparées à celles des biens, les exportations françaises de services affichent une santé insolente. Leurs échanges ont en effet été multipliés par trois entre 2000 et 2020. A tel point que leur valeur représente depuis 2016 la moitié de celles de marchandises.
En comparaison avec les quatre autres pays européens étudiés, à l’exception du Royaume-Uni qui s’est fortement spécialisé dans ce type d’échanges, la France a connu ces vingt dernières années un développement plus important du commerce de services, tiré par l’essor des secteurs du transport international et des voyages.
L’analyse des statistiques de la balance des paiements souligne l’importance de la catégorie « autres services » qui regroupe les services liés aux biens, les services de construction, les services financiers, les assurances, les frais de propriété intellectuelle, les services de télécommunications et d’information, ainsi que le conseil et la R&D. L’exportation de services ne se limite donc pas au tourisme, qui ne représentent que 20 % de ces flux.
Plus dynamiques, ces services ont par ailleurs un atout de taille pour constituer un levier de croissance de l’internationalisation de croissances des PME. Les entreprises de services sont en effet généralement plus petites que dans le secteur manufacturier et leurs exportations affichent une valeur ajoutée plus importante que celle des biens. Les auteurs de l’étude ont calculé que les services représentent désormais 40 % de la valeur ajoutée exportée par le pays, alors qu’ils ne constituent que 34 % de ses exportations en valeur.
Le « Made by France » plus dynamique que le « Made in France »
Cet essor des services s’est accompagné d’une forte augmentation des implantations des entreprises en dehors des frontières de l’Hexagone. Entre 2010 et 2019, le nombre de leurs filiales a bondi de 50 % et frôle la barre des 50 000. Sur la même période leur chiffre d’affaires global a progressé de 42 % à 1 785,8 milliards d’euros (Md EUR), contre 759 Md EUR d’exportations.
Et dans ce domaine, la France n’a pas à rougir devant les performances de l’économie allemande. Elle la devance nettement, ainsi que l’Espagne et l’Italie, en termes de nombre de filiales et d’effectifs. Autre différence par rapport aux filiales des entreprises allemandes, elles sont actives dans des secteurs plus divers.
Les trois quarts des emplois et la moitié du chiffre d’affaires des filiales tricolores sont relatifs à des activités comme l’informatique et les télécoms, la finance et l’assurance, les activités de soutien administratif/services clients aux entreprises et enfin le secteur du conseil professionnel, scientifique et technique.
Selon les analyses de l’étude, parmi les cinq pays comparés, la part de marché du Made by France (24,5 %) apparaît supérieure à celle du Made in France (18,6 %). De plus, la part de marché du Made by France a progressé de 1,6 point entre 2010 (22,9 %) et 2018 (24,5 %), alors que celle du Made in France a peu évolué entre ces deux dates (18,2 % en 2010 contre 18,6 % en 2018).
Le changement de méthode proposés par les auteurs de cette étude, qui inclurait les services et les implantations, proposerait une image plus fidèle des réalités des entreprises travaillant à l’international. Et également une image moins sombre du commerce extérieur français et de l’internationalisation des entreprises.
Sophie Creusillet