Les acteurs des filières agricoles et agroalimentaires ne veulent pas être oubliés dans les politiques de soutien à l’export dans un contexte où la priorité est donnée à la réindustrialisation. C’est le message que porte le Collectif Export & Souveraineté alimentaire, qui fédère la plupart des fédérations de ces secteurs*, mettant en garde contre le risque économique que représente le recul des exportations agricoles et agroalimentaires et de l’excédent commercial.
Pour Yannick Fialip, nouveau président du Cnpa (Centre national pour la promotion des produits agricoles et alimentaires), qui porte l’initiative de ce Collectif export & souveraineté alimentaire, « la situation est grave », et le principal symptôme est « la dégradation de la balance commerciale » de ces secteurs.
Le traditionnel excédent commercial du secteur s’érode sans discontinuer depuis une dizaine d’année, et ne devrait pas dépasser +5 milliards d’euros en 2024, après + 6 Md EUR en 2023 et près de + 10 Md EUR en 2022. « En 7-8 ans, nous avons perdu entre 9 et 10 milliards d’euros » a-t-il indiqué lors d’un point presse le 5 février, citant une étude réalisée par Asterès pour le compte du Collectif.
La France, qui était deuxième exportateur mondial il y a encore 20 ans, n’est plus qu’au sixième rang. Or, le Collectif considère que l’exportation est essentielle à un écosystème agricole et agroalimentaire pérenne. « Un export puissant est vital pour la compétitivité des filières françaises et pour le maintien de nos capacités de production sur le sol français », argumente le Collectif dans un communiqué diffusé dès le 30 décembre dernier, juste après la nomination du nouveau gouvernement Bayrou.
A l’heure où la priorité du gouvernement est mise sur la réindustrialisation et la transition énergétique, dans un contexte marqué par les coupes budgétaires, le Collectif export & souveraineté alimentaire s’évertue depuis des semaines à sensibiliser gouvernement et parlementaires à la nécessité de remettre l’export du secteur au cœur des priorités du commerce extérieur. Il réclame une « nouvelle impulsion politique » pour redresser la situation.
Et dans l’immédiat, Yannick Fialip énumère des propositions d’action concrètes :
–simplification des formalités administratives export ;
–concertation annuelle avec les administrations concernées sur la stratégie à l’export ;
-meilleure prise en compte des enjeux agricoles et agroalimentaires dans la diplomatie (la brouille diplomatique avec l’Algérie coûte cher aux producteurs français, tout comme la décision de l’UE de sanctionner les engrais russes qui les privent d’intrants compétitifs) ;
-promouvoir une promotion collective de la marque française (et non plus seulement régionales ou locales) ;
-augmenter le budget de communication alloué par l’Union européenne aux produits agricoles et agroalimentaires (divisé par deux depuis le Covid, selon le Collectif) ;
-nommer un délégué interministériel export « pour nous aider en termes de communication et de diplomatie » (et éviter par exemple que ne se reproduise l’incident d’il y a deux ans, lorsque l’Anses avait interdit l’usage d’un pesticide à la phosphine (PH3) pourtant exigé par plusieurs pays importateurs, notamment en Afrique, avant de le rétablir en catastrophe en avril 2023 pour débloquer des expéditions) ;
-Créer un baromètre annuel sur l’exportation.
« Il faut que nous assumions que la France reste un pays d’exportation agroalimentaire », a insisté Yannick Fialip. Et surtout, « une affirmation gouvernementale et parlementaire que l’export essentiel » à ces filières. Pour accentuer son lobbying auprès des élus, le Collectif vient d’ailleurs de sortir une nouvelle étude d’Asterès mettant l’accent sur l’impact économique des exportations de ces secteurs sur les économies des régions.
En moyenne, l’export de ces secteurs est en moyenne de 7 Md EUR pour chaque région, avec des pointes à plus de 15 Md dans le Grand Est, la Nouvelle Aquitaine et les Hauts de France, où il pèse près de 9 % du PIB régional.
Christine Gilguy
*Ania, Anivin de France, Chambres d’agriculture France, CNIPT, CNMCCA, FNSEA, Inaporc, Interbev, Intercereales, Interfel, La Coopération agricole, Medef.