Dans son discours fleuve aux ambassadeurs et ambassadrices, le 6 janvier, le président Emmanuel Macron a notamment annoncé la tenue d’un conseil présidentiel Commerce extérieur en mai, et réitéré son soutien à une Europe moins naïve sur le plan commercial et plus favorable au Made in Europe.
Dans son discours fleuve aux diplomates réunis à Paris pour la traditionnelle conférence des ambassadeurs, le 6 janvier, Emmanuel Macron n’a pas oublié le Commerce extérieur. « Il faut continuer d’améliorer notre balance commerciale et de densifier notre politique d’accompagnement à l’export » a-t-il annoncé. Il venait d’évoquer son souhait de consolider de la politique d’attractivité et « les rendez-vous de Choose France », dont une nouvelle édition est prévue en mai prochain, et de poursuivre les stratégies de partenariat avec les pays producteurs pour sécuriser les approvisionnements en matières premières stratégiques.
Sécuriser les approvisionnements : l’exemple de la Mongolie
Dans son discours aux ambassadeurs, lorsqu’il a évoqué les axes prioritaires de la diplomatie économique, le président de la République n’a pas manqué de citer la sécurité des approvisionnements en matières premières critiques (uranium, cobalt, lithium…), notamment celles nécessaires à la transition énergétique. Et de fournir l’exemple du récent accord concrétisé par Orano (ex. Areva) en Mongolie, en décembre dernier, pour l’exploitation d’une mine d’uranium à l’horizon 2028 pour un investissement de 1,5 milliard d’euros. Un accord, qui doit encore être validé par le Parlement mongole, dans la suite de sa visite dans le pays, en mai 2023. Une stratégie qui devra être poursuivi en Amérique du Sud et en Afrique. La consigne a, du reste, été relayée par Jean-Noël Barrot, ministre de l’Europe et des affaires étrangères, auprès des ambassadeurs : « La France est engagée à ce sujet depuis 2022, sur les recommandations du rapport Varin, dans une diplomatie de partenariats en matière de métaux critiques, qui a conduit à la mise en place de coopérations : RDC, Australie, Canada, Kazakhstan, Norvège, Japon, Brésil, Serbie, Vietnam, Maroc, Mongolie. Le Président de la République a été très clair sur ce sujet : dans chacun des pays où vous nous représentez, soyez les relais de cette stratégie, qui doit être plus offensive (…) ».
« Je tiendrai le mois prochain un conseil présidentiel de commerce extérieur et le Premier ministre aura l’occasion, avec les ministres compétents, de revenir sur chacune de ces filières » a poursuivi le président français. Certes, Emmanuel Macron ne se fait aucune illusion sur les gains à attendre du dispositif d’accompagnement, insuffisants pour endiguer le déficit commercial. A ses yeux, la clé est de réduire la dépendance énergétique du pays, notamment aux énergies fossiles : « tous mobilisés pour décarboner l’économie française, c’est le meilleur moyen d’améliorer la balance commerciale française ».
Il n’empêche que le président veut aller plus loin dans le soutien aux filières, dont certaines ont, selon lui, « encore un énorme potentiel à l’export ». Et de citer comme exemple les semences, nichées dans un secteur agroalimentaire traditionnellement tiré à l’export par les « fleurons » des vins et spiritueux, les semences. « Beaucoup d’autres filières » présentent à ses yeux un fort potentiel, citant la santé, ville de demain et ville durable, les filières tech… « Je veux qu’on organise une stratégie filière et pays, qu’on rebalaye, parce que tout ça, c’est un travail qui a déjà été fait plusieurs fois, mais sur lequel on doit pouvoir faire encore bien mieux compte tenu des atouts qui sont aujourd’hui les nôtres, et qu’on puisse aussi mettre tous nos instruments en tension. »
Son nouveau Premier ministre François Bayrou devrait être sur la même longueur d’onde : l’ancien patron du Haut Commissariat au plan avait signé en 2022 un rapport intitulé « La bataille du Commerce extérieur » prônant une revue produit par produit des problèmes et prônant l’élaboration de « stratégies de reconquête » filières par filière (ci-après).
Parmi les zones prioritaires évoquées par le président, l’Europe au sens large, incluant le Royaume-Uni ou les Balkans occidentaux, la zone indopacifique, l’Amérique du Sud (et notamment le Brésil), la péninsule arabique, l’Afrique et notamment l’Afrique anglophone, le tout s’appuyant sur des partenariats stratégiques incluant la Défense noués avec des acteurs clés (Emirats arabes unis, Qatar, Inde, Indonésie…). Du pain sur la planche pour le nouveau ministre délégué en charge du Commerce extérieur et de l’attractivité, Laurent Saint-Martin, qui devrait pouvoir compter, pour préparer cette réflexion, sur l’expérience acquise lors de son passage à la direction générale de Business France, agence nationale elle-même organisée par grande secteur.
Pour plus de Made in Europe dans les chaînes de valeur
Concernant l’Europe, on connaît les positions favorables d’Emmanuel Macron à une politique commerciale européenne moins « naïve » et plus « lucide », qu’il a d’ailleurs contribué activement à pousser non sans succès à Bruxelles ces dernières années, afin de promouvoir « la loyauté des échanges ».
Retenons que dans son discours aux ambassadeurs, il a à nouveau plaidé pour cette stratégie, défendant les surtaxes bruxelloises sur les véhicules électriques chinois ou son rejet -à l’instar du Parlement français- de l’accord commercial avec le Mercosur « en l’état », c’est-à-dire sans « vraies clauses miroir » ou « mesures de sauvegarde » sur le volet agricole, comme il en existe dans les accords de libre-échange avec la Nouvelle-Zélande ou le Canada. Et de glisser aux diplomates : « Je vous rassure, la messe n’est pas dite », ajoutant « on continuera à de défendre avec force la cohérence de nos engagements, et donc, [une] politique commerciale cohérente. »
Plus nouvelle est sa prise de position en faveur de plus de Made in Europe dans les chaînes de valeur. Pour les véhicules électriques, les surtaxes à l’import, « ce n’est pas suffisant », car le risque est que « les constructeurs iront chercher des sous-traitants chinois et iront assembler en Europe ». « On doit défendre dans chaque portion des grandes chaînes de valeur la capacité à produire européen » a lancé le président. Car, selon lui, « c’est tout simplement ce que, depuis des décennies, font les États-Unis d’Amérique, pour eux-mêmes et avec leurs partenaires au sein de [l’USMCA] ».
Une entorse à la ligne européenne de soutien aux règles de l’OMC ? De fait, a conclu Emmanuel Macron sur ce chapitre :« je n’ai toujours pas compris, au moment où les règles de l’OMC ne sont plus respectées ni par la Chine ni par les États-Unis d’Amérique, nous, on va continuer de le faire, mais tout seul. Ça ne marche pas ».
Christine Gilguy