L’absence d’un membre du gouvernement incarnant précisément le portefeuille du Commerce extérieur continue à susciter le scepticisme de nombre d’acteurs de cet écosystème alors qu’il se confirme que les secrétaires d’Etat nommés auprès de certains ministres lors du remaniement du 21 juin pourraient ne pas avoir d’attributions précises. Le commerce extérieur sans titulaire bien identifié ? « Quelle mauvaise idée ! », s’exclame Alain Bentéjac, président des Conseillers du commerce extérieur (CCE), dans une tribune publiée le 27 juin, à trois jours de l’assemblée générale annuelle des CCE, sur le site des Echos. Car, selon lui, le domaine est « stratégique » et « la nomination d’un ministre du Commerce extérieur est pourtant nécessaire pour au moins trois raisons » : il s’agit d’une « mission à plein temps », « il faut rééquilibrer notre balance commerciale » et enfin « face au protectionnisme, la France doit être force de proposition ».
Un point de vue largement partagé dans l’écosystème au fur et à mesure que les jours passent et qu’il semble se confirmer que les secrétaires d’État nommés auprès de certains ministres sans attribution, comme Jean-Baptiste Lemoyne, auprès du ministre de l’Europe et des Affaires étrangères, le resteront. Selon les explications fournies à la presse par Christophe Castaner, le porte-parole du gouvernement, il s’agirait d’un « choix de management », pour « faire en sorte qu’on soit plutôt dans une logique d’équipe autour du ministre titulaire et responsable sous l’autorité du ministre» (source Acteurs Publics ).
Former un « binôme »
Autrement dit, pour Jean-Baptiste Lemoyne, qui doit, entre autres, s’occuper du commerce extérieur, il s’agira de se mettre au service du ministre Jean-Yves Le Drian pour des missions à définir en fonction de priorités et d’un plan d’action définis avec ce dernier, sous son autorité.
Or, selon nos informations, le jeune sénateur de l’Yonne sera susceptible d’être mobilisé sur trois autres sujets différents au gré des besoins du ‘boss’ : tourisme, francophonie et Coopération, des portefeuilles qui avaient des titulaires bien identifiés sous les précédents gouvernements (dans le dernier gouvernement Valls, Matthias Fekl pour le Commerce extérieur, le tourisme et les Français de l’étranger, Jean-Marie Le Guen pour la Francophonie et le développement, tous deux rattachés au quai d’Orsay).
Autant dire qu’il faudra que le ministre et son secrétaire d’État parviennent à former un sacré « binôme », pour reprendre l’expression d’un cadre du Quai d’Orsay, pour que ce système de management fonctionne.
Plusieurs points à risque
Le pari est risqué au vu du seul programme de déplacements à l’étranger qu’un ministre ou secrétaire d’État au commerce extérieur doit assumer en temps normal – au moins une trentaine par an-, entre les réunions ministérielles dans les institutions internationales (Conseils des ministres du Commerce de l’Union européenne, OMC) et les missions à l’étranger dans le cadre bilatéral. Sans compter les rencontres à Paris avec les homologues étrangers dans le cadre des commissions mixtes ou de visites officielles : pas sûr que les partenaires commerciaux de la France y comprennent quelque chose.
Mais ce n’est pas le seul point à risque, un autre, essentiel, se jouant à l’intérieur. Qui, en effet, pour incarner le rôle de chef de file de cette ‘Équipe de France à l’export’ au niveau national et, comme nous le confie un bon connaisseur de cet écosystème, « mettre un peu d’ordre dans le foisonnement des acteurs » du soutien à l’export au moment où ceux-ci montrent à nouveau au grand jours leurs désaccords*.
Enfin, qui pour faire le lien entre d’une part les financements export ou les politiques de filières industrielles -toujours gérées par Bercy- et la stratégie de soutien à l’international et ses opérateurs, normalement du ressort du Quai d’Orsay ? »
On comprend mieux pourquoi la constitution du cabinet du secrétaire d’État –limité à cinq conseillers dans le nouveau gouvernement- est jugée comme un point clé par certains observateurs avertis, tant leur rôle sera crucial dans le suivi des dossiers. Reste que même avec des supers pros, le pari reste osé.
Christine Gilguy
Lire à la Une de la Lettre confidentielle d’aujourd’hui : Commerce extérieur : le réseau des CCIFI poursuit son expansion et veut revoir ses accords avec les pouvoirs publics
Pour prolonger :
–Commerce extérieur : quelle priorité dans le nouveau gouvernement ?
–Accompagnement / Export : « le vrai sujet », c’est le rapprochement Business France – CCI, selon A. Bentéjac