Si il existe encore des entreprises françaises qui ont des courants d’affaires avec la Chine mais qui n’ont pas encore réfléchi à l’utilisation du renminbi (RMB), il ne faudrait pas qu’elles tardent trop : l’utilisation de la monnaie chinoise dans les transactions franco-chinoises, à l’import comme à l’export, ne cesse de croître, et elle devrait poursuivre son expansion avec les dernières étapes que viennent de franchir Paris et Pékin.
Deux annonces ont marqué en effet la visite à Paris, cette semaine, du vice-premier ministre chinois Ma Kai, dans le cadre de la deuxième édition du « dialogue économique et financier de haut niveau » entre la France et la Chine.
La première annonce concerne les investisseurs institutionnels : les deux premiers établissements financiers français –BNP Paribas et Carmignac– ont ainsi été autorisés à investir directement en Chine en RMB sur les marchés d’actions et d’obligations dans le cadre d’un quota supérieur aux 80 milliards de RMB (10 milliards d’euros environ) accordé en mars dernier par les autorités chinoises dans le cadre de la visite en France du président Xi Jinping.
La deuxième annonce concerne le renforcement de l’installation de Bank of China à Paris, qui a été désignée comme « banque de réglement » en RMB en France. La succursale parisienne de la banque chinoise va pouvoir compter sur les 2 milliards de RMB (250 millions d’euros environ) d’emprunt obligataire levés sur le marché Euronext cet été par sa maison mère.
La part du RMB dans les transactions franco-chinoises a doublé en moins de deux ans
Ces développements confirment la bonne place occupée par la France dans la zone euro pour l’internationalisation de la monnaie chinoise : selon Gérard Mestrallet, président de Paris Europlace, la place de Paris serait devant Luxembourg et Francfort comme centre de traitement financier du RMB.
Mais cette expansion internationale touche également le commerce bilatéral. Michel Sapin, ministre des Finances et des comptes publics, qui a co-présidé le 15 septembre avec Ka Mai les travaux du dialogue de haut niveau à Bercy, a indiqué que la part des paiements en RMB dans le total des transactions commerciales franco-chinoises est passée de 20 % en 2012 à 44 % aujourd’hui. Autrement dit, elle a doublé en moins de deux ans, signe que les entreprises, et surtout les importateurs français, ont très vite saisi l’intérêt d’utiliser le RMB avec leurs partenaires chinois dès que cela a été possible.
Pour rappel, les échanges commerciaux de biens et services entre la France et la Chine, qui progressent à un rythme annuel moyen de 10 % depuis dix ans, atteint aujourd’hui un montant de l’ordre de 55 milliards d’euros. Il est largement déficitaire pour la France, dont les exportations vers la Chine atteignent environ 15 milliards d’euros pour 40 milliards d’importations.
Les hommes d’affaires français sont d’ailleurs en avance sur leurs homologues européens : ils seraient devant les Britanniques, les Luxembourgeois et les Allemands pour la part de leurs transactions avec la Chine libellée en RMB, selon le ministre français. Une performance qui s’accompagne d’une augmentation des dépôts bancaires en RMB, pour lesquels la France est au deuxième rang européen, derrière le Luxembourg.
« Un événement qui va structurer le commerce mondial »
Les grandes banques françaises dont certaines, comme HSBC France et Société Générale, font activement la promotion de l’usage du RMB auprès des entreprises françaises, offrent depuis déjà deux ans des services de trade finance en RMB.
Toutefois, si la grandes distribution -en particulier les centrales d’achat- et certains importateurs utilisent désormais fréquemment la monnaie chinoise dans leur transactions avec la Chine, source de marge supplémentaire, des progrès doivent toutefois être encore faits par les PME et ETI.
Ainsi, selon une enquête européenne réalisée par HSBC en avril-mai 2014 auprès de 1 304 entreprises de 11 pays (50 % de PME et 40 % d’ETI), dont 100 pour la France, seules 22 % utilisaient la monnaie chinoise. Avec 26 %, les entreprises françaises étaient toutefois les plus nombreuses à l’utiliser, devant les allemandes, par exemple. Mais la marge de progrès est importante.
« Tous ceux qui y avaient intérêt sont passés au RMB, les autres sont plus en attente, avait estimé Régis Bardiac, directeur international de HSBC France, en commentant les résultats de cette enquête le 9 juillet. Les autres sont encore en attente ». Toutefois, le responsable avait indiqué qu’il y avait « une attente forte de nos clients » pour s’initier à la monnaie chinoise, dont les fluctuations sont étroitement encadrées mais en voie d’assouplissement, relevant que « 30 % des non utilisateurs ont dit vouloir s’y mettre » lors de l’enquête.
L’internationalisation de la monnaie chinoise, voulue progressive par Pékin, suit en effet son cours depuis trois à quatre ans, au fur et à mesure des ouvertures réglementaires. Dernières en dates importantes pour les entreprises ayant des liens d’affaires avec la Chine : l’autorisation donnée en juillet 2013 aux maisons mères étrangères de faire des prêts à leurs filiales chinoises en RMB, qui a contribué à augmenter les flux en RMB. Le déploiement de la zone de libre-échange de Shanghai en septembre 2013, où les transactions commerciales en RMB sont plus libres, a quant à elle confirmé la volonté de Pékin de poursuivre le déploiement de sa monnaie.
Si le RMB est encore loin des scores remportés par le dollar ou l’euro dans le commerce international, avec environ 8 % des paiements, il en prend le chemin puisqu’il est déjà au troisième rang mondial. « C’est un événement aussi important que la création de l’euro », avait estimé, pour sa part, Régis Bardiac, indiquant que « pour nous, c’est un sujet qui va structurer le commerce mondial ».
Christine Gilguy
Pour prolonger :
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