Le commerce mondial, sous l’emprise du Covid-19, vivra en 2020 une année noire, selon l’Organisation mondiale du commerce (OMC). Dans un communiqué de presse en date du 8 avril, l’institution internationale annonce un recul de 13 à 32 % des échanges mondiaux, une fourchette qui en dit long sur les incertitudes qui règnent.
Prudente sur les chiffres, qui dépendront de la durée de la pandémie et l’efficacité des mesures de lutte, l’OMC encourage aussi ses États membres à préparer la reprise qui viendra mécaniquement en 2021. L’an prochain, partant évidemment d’un niveau très bas, les échanges pourraient enregistrer un rebond de 21 à 24 %, selon que l’on privilégie un scénario plus ou moins optimiste.
R. Azevedo : il faut « commencer à planifier l’après-pandémie »
« L’objectif immédiat est de maîtriser la pandémie et d’atténuer les dommages économiques causés aux individus, aux entreprises et aux pays. Mais les responsables politiques doivent commencer à planifier l’après-pandémie », souligne ainsi le directeur général de l’OMC, Richard Azevedo.
S’il faut s’attendre cette année à une chute générale des échanges, toutes les régions seront aussi concernées, à commencer par les exportations d’Amérique du Nord et d’Asie.
Lors de la présentation du dernier baromètre des Risques clients de Coface, l’économiste en chef de l’assureur crédit, Julien Marcilly, estimait que « le défi de la Chine n’est pas de se relancer à 100 % ». Tout simplement parce que c’est impossible, car « la demande mondiale a tendance à baisser ». Selon lui, son défi est « de rester à une vitesse réduite et tout faire pour ne pas être confronté à une deuxième vague d’épidémie ».
La remise en cause des chaînes de production
La diminution de la production en Chine avait déjà mis en alerte l’Occident sur les chaînes de valeur internationales lors de l’apparition du coronavirus. Maintenant que la maladie est largement répandue dans le monde, l’OMC soutient que le recul des échanges sera le plus sensible dans les secteurs caractérisés par des chaînes de valeur complexes, comme l’électronique et l’automobile.
Pour certains pays, l’impact pourrait être considérable. D’après la base de données sur le commerce en valeur ajoutée (TiVa) de l’OCDE, la part de la valeur ajoutée étrangère dans les exportations de produits électroniques est d’environ 10 % aux États-Unis, 25 % en Chine, plus de 30 % en Corée, plus de 40 % à Singapour et plus de 50 % au Mexique, en Malaisie et au Vietnam.
Si en 2008 la planète avait subi une crise financière, la situation en 2020 est différente. Elle l’est avec la perturbation des chaînes de valeur ajoutée, mais aussi avec la baisse, parfois brutale, des échanges de services, en raison des restrictions frappant le transport et les voyages et la fermeture de nombreux établissements de vente au détail et d’hébergement.
L’émergence du télétravail
D’après le communiqué de l’OMC, « contrairement aux marchandises, il n’y a pas de stocks de services dans lesquels on pourrait puiser aujourd’hui et qui pourraient être reconstitués par la suite. Les baisses du commerce des services durant la pandémie pourraient donc être perdues à jamais. Les services sont également interconnectés, avec des transports aériens qui maintiennent un écosystème d’autres activités culturelles, sportives et récréatives ».
« Certains services pourraient toutefois retirer des bénéfices de la crise. C’est le cas des services informatiques, dont la demande a explosé du fait que les entreprises s’efforcent de permettre à leurs employés de travailler chez eux et que la socialisation se fait à distance ».
De façon générale, « les chiffres sont mauvais, c’est indéniable », reconnaît Richard Azevedo. Mais si l’on veut préparer « une reprise forte », « il sera essentiel de maintenir l’ouverture et la prévisibilité des marchés ». D’où la nécessité pour tous les Etats de travailler « la main dans la main ».
F.P