Quelle technique de paiement les entreprises doivent-elles privilégier pour sécuriser leurs opérations à l’international dans le contexte actuel d’augmentation des risques d’impayés à l’export ? C’est à cette question qu’ont répondu Anne-Claire Gorge, responsable Monde de l’offre de services et de financement du commerce international à la Société Générale et Ange Cubeddu, consultant en commerce international, fondateur d’Adel Consulting, lors de l’atelier « Gestion du risque financier et moyens de paiement sécurisés : quoi de neuf ? », animé par Christine Gilguy, rédactrice en chef du Moci (au centre sur la photo) dans le cadre de la 7ème édition du Forum Moci des Risques et opportunités à l’international, qui a rassemblé près de 270 participants, dont de nombreux responsables d’entreprises, le 30 juin à Paris.
Le choix du moyen de paiement à l’export dépend de « 4 paramètres »
La technique de paiement que l’entreprise privilégiera à l’international dépend de plusieurs critères, a estimé le consultant. D’abord de sa connaissance en matière « documentaire ». À l’international, sur les petites transactions dans lesquelles beaucoup de clients interviennent « clairement le crédit documentaire n’est pas une bonne solution », a prévenu Ange Cubeddu. « Mais, a-t-il poursuivi, on n’a pas toujours le choix. La solution alternative la plus naturelle, c’est l’assurance-crédit ».
Lorsqu’elle effectue une opération financière à l’international, l’entreprise doit prendre en considération un deuxième paramètre, le montant de l’opération : est-il petit ou gros ?
Troisième paramètre important, « le pays avec lequel on travaille », a rappelé le consultant. « On va surtout utiliser le crédit documentaire sur des pays à risque », a expliqué Ange Cubeddu. Une entreprise dont le client est situé dans un pays africain pourra obtenir facilement de sa banque un crédit documentaire. Dans d’autres pays comme l’Italie ou le Royaume-Uni, « c’est l’assurance-crédit qui s’impose », a-t-il renseigné.
Enfin, « quatrième critère très important », « le type d’opération qu’elles sont en train de monter ». « Ce qu’il faut bien comprendre, a précisé le dirigeant d’Adel Consulting, c’est que le crédit documentaire est un instrument qui a été conçu pour des opérations de simple fourniture. Par exemple lorsqu’on livre des marchandises à bord, le paiement se fait contre le bill of lading ». Lorsqu’une entreprise effectue des opérations plus complexes, comme de la prestation de services ou de la vente de biens d’équipement avec des recettes, « le crédit documentaire perd beaucoup de son efficacité parce qu’il n’y a plus cette synergie entre le crédit documentaire et le bill of lading qui permet de sécuriser l’opération ».
Dans les opérations où le crédit documentaire ne peut pas s’utiliser, il existe des « solutions alternatives » comme l’assurance-crédit. Cependant, les entreprises peuvent utiliser d’autres instruments pour sécuriser leurs opérations comme la lettre de crédit stand-by, la cession de créance ou le forfaitage.
Une préoccupation qui « n’est pas suffisamment intégrée dans la négociation commerciale »
« La première cause de défaillances des entreprises, a tenu à rappeler d’emblée Anne-Claire Gorge, responsable Monde de l’offre de services et de financement du commerce international à la Société Générale, c’est d’abord les impayés ». « La première préoccupation de l’entreprise qui veut se développer à l’export, a continué Anne-Claire Gorge, c’est de s’assurer qu’elle sera payée !». Mais a-t-elle regretté, cette préoccupation fondamentale « n’est pas toujours suffisamment intégrée dans la négociation commerciale des entreprises et donc ça fait partie des points de progression mais aussi des points sur lesquels vos partenaires peuvent vous aider, donc vos banques ».
Anne-Claire Gorge a par ailleurs souhaité compléter l’intervention de Ange Cubeddu en ajoutant un autres critère que les entreprises doivent être en mesure d’apprécier lorsqu’elles choisissent un moyen de paiement à savoir « le type de client avec lequel elles travaillent ». Car selon elle, il y a aussi « une question de confiance ». Les entreprises doivent également se poser la question suivante : « Est-ce que je suis sur une opération ponctuelle ou sur des opérations régulières ? ». Autre aspect important, les habitudes culturelles : « si on parle du forfaiting, c’est très pratiqué en Afrique, mais ce n’est pas du tout connu en Asie ! » a illustré Anne-Claire Gorge.
Transactions internationales : un manque de formation des entreprises en France
Les entreprises françaises qui signent des contrats commerciaux à l’export prennent-elles en compte suffisamment en amont cette problématique des moyens de paiement ? Ange Cubeddu, qui intervient dans les entreprises pour faire de la formation et du conseil au crédit documentaire et aux autres techniques de paiement import-export, a estimé pour sa part qu’il y avait une carence en matière de formation. De fait, dans les écoles de commerce et à l’université, la thématique du paiement est délaissée au profit d’autres matières comme le marketing, la stratégie ou encore le management.
Autre constat issu de l’expérience terrain : dans les entreprises où il y a des rotations de personnels, « les anciens ne forment souvent pas suffisamment » les nouveaux aux techniques de paiement internationales, a relaté Ange Cubeddu. « Souvent les gens apprennent sur le terrain, ils se débrouillent mais prennent des habitudes qui sont plus ou moins bonnes ». Par ailleurs, dans les entreprises qui se développent à l’export, les contrats sont négociés le plus souvent par les commerciaux sur le terrain. Mais ces derniers ne se préoccupent pas des détails concernant le paiement « pour ne pas parler des choses qui fâchent » avec leur client, a souligné le consultant. « Au final, c’est l’administration des ventes dans l’entreprise qui gère les problèmes : il y a des amendements au crédoc etc. », a-t-il déploré.
Anne-Claire Gorge a pour sa part tenu à montrer comment ces entreprises qui manquent de formation pouvaient être aidées pour mieux gérer les risques à l’export. La responsable de Société Générale a rappelé qu’à l’export il existe « différentes natures de risques ». Les entreprises qui ont une activité à l’international sont confrontées à des risques géopolitiques, mais également au risque de change, au risque de crédit et même au risque de compliance (risque de conformité).
Pour elle, pas de doute, « il y une vraie marge de progression dans la gestion de tous ces risques par les entreprises ». Une banque comme Société Générale peut aider ses clients à mesurer les risques lorsqu’ils opèrent à l’international et à se prémunir contre le risque de non-paiement ou le risque politique du pays de leur client. Les experts de la banque en régions et sur le terrain à l’international ont « vocation à aider et à accompagner » les clients de la banque dont la très grande majorité font très peu d’opérations à l’international. Ces entreprises qui ne font qu’un seul crédit documentaire par an « ont besoin d’un partenaire sur lequel s’appuyer », a déclaré Anne-Claire Gorge. Dans ce contexte, la Société Générale cherche à développer des formations à distance et organise régulièrement des manifestations en province avec Bpifrance.
Venice Affre
Pour prolonger :
– Forum Risques pays 2016 : comment le Royaume-Uni rejoint les BRIC dans le grand export…
– Forum Risques pays 2016 : dans les financements export, les banques privées complémentaires de Bpifrance