Comment la PME angevine Stif a décroché un contrat avec Tesla

📌 L’essentiel : Le fabricant de composants pour la manutention de produits en vrac, installé dans le Maine-et-Loire, a fêté ses quarante ans en 2024 par un contrat avec l’entreprise d’Elon Musk. Tesla a en effet choisi Stif pour ses solutions en matière de lutte contre les incendies et les explosions industrielles, une activité en plein développement.

🔑 Les clés du succès :

– Innovation. Un produit développé à la demande d’un client et une activité, dans un secteur d’activité qui n’est pas le cœur de métier de l’entreprise.

– « Timing ». Une solution qui arrive au bon moment, sur un marché en plein essor.

– Implantation. Le choix de créer une coentreprise avec son distributeur pour s’ancrer sur le marché local.

Temps de lecture : 4 mn

L’HISTOIRE

Saisir une opportunité de niche inattendue

Qu’on apprécie ou non ses choix politiques, être le fournisseur du très médiatisé Elon Musk en jette. Et permet d’ouvrir bien des portes. C’est précisément ce qui est arrivé à José Burgos, le P-dg de la Société de tôlerie industrielle française (Stif).

Pourtant, rien ne prédestinait cette PME industrielle de Saint-Georges-sur Loire, à vingt kilomètres d’Angers, à travailler avec le géant américain de la voiture électrique. Cette entreprise familiale fabrique en effet des composants industriels en acier pour les produits en vrac (godets élévateurs, raccords à pression pour le transport pneumatique…). Rien à voir donc avec les secteurs de l’automobile et de l’énergie.

Pour comprendre comment Stif a réalisé cette gageure, il faut remonter au début des années 2010 et à un événement qui aurait parfaitement pu rester anecdotique. Pour effacer une dette, un client cède à l’entreprise le brevet d’une solution contre les explosions de poussières industrielles. L’occasion pour la PME, devenue ETI en 2024, de diversifier son activité.

Une gamme de produits de protection contre ces explosions semblables à celle d’AZF, qui avait fait 30 morts à Toulouse en 2001, est développée. C’est grâce à ce marché de niche, sur lequel Stif s’est engouffrée presque « par hasard », que la PME va, dans un premier temps, prendre pied sur le marché.

Mise en relation par un distributeur

En 2017, Stif signe en effet un accord de distribution avec Boss Products, société texane spécialisée dans la vente de produits de protection contre les explosions.

« Boss Products, a été contacté par Tesla qui cherchait une solution pour protéger des incendies ses conteneurs de stockage d’énergie, détaille José Burgos. Comme il est plus spécialisé dans la prévention des explosions industrielles que dans celles des systèmes de stockage d’énergie, il nous a mis en relation. Après une réunion entre un technicien de Tesla et nous, notre bureau d’étude a développé une solution adaptée dont nous avons envoyé une centaine d’exemplaires pour des tests. Après un silence de six mois nous avons reçu un appel pour une première commande et nous sommes ensuite devenus fournisseurs. »

Moins connue du grand public que celle des voitures électriques, l’activité de Tesla dans le stockage d’énergie renouvelable est en pleine expansion dans le résidentiel avec ses modèles « Powerwalls » et à destination des industries, « Megapacks », sortes de conteneurs abritant des batteries au lithium chargées d’électricité décarbonée.

Une solution innovante pour protéger les BESS

Or ces BESS (Battery Energy Storage Systems ou Systèmes de de stockage par batterie), qui permettent de stocker l’électricité intermittente produite par des fermes solaires ou des champs d’éoliennes, sont sujettes à l’emballement thermique. Et, en cas de surchauffe importante, ces équipements à un million de dollars l’unité ont la fâcheuse tendance à exploser et prendre feu.

Pour sécuriser les BESS de Tesla, l’équipe de R&D de Stif met au point un « panneau anti-explosion » qui s’ouvre en cas d’avarie et protège le reste de l’installation. Cette solution, brevetée pour l’Europe et les États-Unis, et commercialisée sous la marque Vigilex, ouvre à la PME angevine des marchés partout dans le monde pour ce nouveau produit qui surfe sur l’essor des énergies renouvelables.

Sans le savoir, Stif s’est ainsi ouvert les portes d’un marché international dont ses dirigeants ne soupçonnaient pas l’existence.

Conquête d’un marché mondial

Des contrats sont rapidement signés dans la foulée avec les Chinois Sungrow, Nidec, Catl et Byd, Hitachi au Japon ou encore Siemens Energy en Allemagne.

Résultat : le chiffre d’affaires s’envole, passant de 35 millions d’euros (M EUR) en 2023 à 61 M EUR l’an dernier. 90 % des ventes, soit 55 M EUR sont réalisées à l’export. Cette impressionnante progression de la part de l’international dans le chiffre d’affaires de Stif lui a valu de remporter le trophée du « développement remarquable à l’international » lors de l’édition 2024 du palmarès du Moci.

Autre conséquence de ce contrat avec Tesla, Stif a créé aux États-Unis une coentreprise avec son distributeur dont elle est propriétaire à 70 %. En outre, après la France et la Chine, cette nouvelle entité installée à San Antonio, au Texas, où deux employés de l’entreprise travaillent désormais, pilote la construction d’un nouveau site de production qui devait initialement ouvrir en 2024.

« L’ouverture de notre usine aux États-Unis a pris du retard en raison de lenteurs de l’administration américaine pour le changement de classification de notre usine qui est passé de stockage logistique à production industrielle, explique le dirigeant de Stif. Il nous manque également de la puissance électrique et là encore nous attendons le feu vert de l’administration. »

Des États-Unis… à la Chine

Quand au retour à la Maison Blanche de Donald Trump, dont les positions climatosceptiques font craindre une chute des investissements dans l’économie verte aux États-Unis, José Burgos se montre plus optimiste.

« Si Trump baisse les investissements dans les énergies renouvelables, nous ne pensons pas que cela va baisser les investissements dans le stockage d’énergie où Tesla à une très forte activité, analyse le dirigeant. Ce qui est sûr, c’est qu’en 2025, notre groupe va connaître un important développement en Chine où Tesla achève actuellement la construction d’une seconde usine de BESS, jusque-là produits en Californie. Pour ces deux sites, nous avons été sélectionnés pour la fourniture des panneaux d’explosion. »

Ajoutons qu’une présence aux États-Unis par le biais d’une coentreprise dirigée par les Américains, formule qui permet de rassurer les clients locaux, pourrait, in fine, permettre à Stif de bénéficier des mêmes avantages que les entreprises nationales, notamment dans le cadre de l’Inflation Reduction Act (IRA).

Ce vaste programme de soutien à la décarbonation de l’économie, réservé aux entreprises américaines, a été mis en place sous Joe Biden afin de développer les industries vertes à la vitesse grand V. « Pour l’instant nous n’avons pas demander d’aides au titre de l’Inflation Reduction Act, mais nous allons déposer un dossier cette année, confie le dirigeant. Nous comptons nous faire aider parce que ce sont des démarches longues et fastidieuses. »

En attendant, ce contrat décroché avec l’entreprise d’Elon Musk a clairement accéléré la conquête des États-Unis où Stif réalise aujourd’hui 40 % de son activité.

📖✨🧠 Les leçons :

• Garder « sous le coude » un brevet a finalement permis de développer une nouvelle activité grâce à une équipe de R&D qui a su adapter un produit à la demande d’un premier client de référence.
• Un seul contrat sur un marché de référence peut en amener d’autres à l’autre bout du monde.
• L’implantation locale est primordiale aux Etats-Unis.

Sophie Creusillet

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