Le vin a de beaux jours devant lui en Chine. Incontestablement, la volonté de Pékin en 1996 d’encourager sa consommation a porté ses fruits. Le géant asiatique en est ainsi devenu le quatrième marché mondial, « même si les Chinois achètent encore à 85 % du vin chinois », rappelait, le 7 décembre, Laurence Lemaire, auteur du livre « Le vin, le rouge, la Chine ou le vin de Bordeaux pour les Chinois », à l’occasion du 20e anniversaire de Réseaux Chine*.
Les Chinois sont même devenus les premiers consommateurs de rouge de la planète, devant les Français. Leur pays est bien connu des professionnels français, qui en sont le premier fournisseur. Une bouteille sur deux importée est française. Une présence qui se confirme, puisque, malgré la concurrence australienne ou néozélandaise, l’Hexagone a encore accru ses livraisons de 8,9 % en volume et 9,9 % en valeur en 2016.
Les femmes suivent des cours d’œnologie
La deuxième raison qui porte à l’optimisme est l’intérêt croissant des jeunes et des femmes pour le vin. « Le goût s’affine, car il y a de plus en plus de bars à vin et de formations proposées en ville. Et, parallèlement, le vin blanc commence à être proposé et consommé notamment par les femmes », indiquait Laurence Lemaire.
Les jeunes, ce sont les Millennials, c’est-à-dire les moins de 30 ans issus des générations de l’enfant unique. Appartenant aux classes aisées, ils ont étudié aux États-Unis ou en Europe. Et même si le vin est traditionnellement bu en Chine hors des repas (à l’apéritif – offert comme cadeau – ou après les repas), eux, ayant commencé à consommer du vin à l’extérieur, apprécient l’alliance des mets et du vin.
Si, quand ils reviennent en Chine, ces Millennials se remettent à boire surtout du rouge, ils restent ouverts et, d’ailleurs, apprécient de se rendre au restaurant où ils en consomment. Les femmes, plus tournées vers le blanc, prennent volontiers des cours d’œnologie et se rendent dans des bars à vin. « Ce sont des cadres, qui ont les moyens, un portable, un i-phone, et qui utilisent la messagerie mobile WeChat plus que les hommes », précisait Laurence Lemaire.
L’e-commerce, instrument de vente privilégié
« Les Chinois achètent 20 % de leur vin sur Internet et ils recourent aux réseaux sociaux pour s’informer », soulignait, pour sa part, Jean-Marie Salva, avocat associé chez DS Avocats. Ce spécialiste des questions de douanes et de commerce international invite les exportateurs français à se concentrer sur trois points de vigilance : santé publique, propriété intellectuelle (AOP, IG…) et fiscalité (droits de douane, accises).
Les importations de vin ont explosé en Chine, passant ainsi à 2 milliards de dollars en 2017, soit un bond de 37 % depuis 2014. Les droits de douane s’élèvent à 14 % (comme en Europe), la TVA à 17 % (20 % en Europe) et les accises à 10 % (3,77 euros par hectolitre, sauf pour les mousseux (9,33 euros/hl) dans l’UE). Pour bénéficier de la suspension des droits d’accises et de TVA, l’opérateur doit être entrepositaire agréé.
Pour assurer le suivi et le contrôle des mouvements en suspension de droits des produits soumis à accises, les Douanes françaises demandent aux sociétés tricolores de remplir le Document administratif électronique (DAE), via la téléprocédure Gamma, qui vaut attestation de la qualité des vins à l’exportation. Le DAE certifie ainsi l’appellation d’origine protégée (AOP) ou l’identification géographique protégée (IGP) et l’année de récolte.
Ensuite, pour garantir la traçabilité des vins et spiritueux au départ d’un port français à destination directe de la Chine continentale, les Douanes françaises disposent du télé service Aubette depuis l’automne 2016, comprenant toute une série d’informations, notamment l’indication d’origine des produits et leur numéro d’enregistrement, consultable dans la base de données européenne e-Bacchus de la Commission européenne.
Attention à la fraude
Enfin, un accord signé avec l’agence gouvernementale chinoise Asqiq lui permet d’utiliser Aubette pour accéder à certaines informations contenues dans le DAE pour s’assurer de l’authenticité des produits. L’objectif est de lutter contre les falsifications, lesquelles concernent trois bouteilles sur quatre consommées dans l’ex-Empire du Milieu.
L’Asqiq a, de son côté, mis en place dès 2012 une télé procédure pour l’enregistrement obligatoire des importateurs et exportateurs de produits alimentaires pour la Chine continentale. Équivalent des Douanes et de la Répression des fraudes en France, cette agence possède des pouvoirs de contrôle et de sanctions étendus. Pour autant, force est de constater que l’application des règles par les Douanes chinoises diverge selon les points d’entrée en Chine, ce qui doit encourager les entreprises françaises à opérer avec un bon transitaire.
Une autre preuve de l’intérêt chinois pour le vin tricolore est l’investissement dans le vignoble de l’Hexagone. Depuis 1997, 151 châteaux auraient été acquis, dont 133 dans le bordelais. « Ce sont des appellations moyennes, des bordeaux et bordeaux supérieurs, selon Laurence Lemaire. Ce sont aussi des vins faciles à boire et à exporter, comme le fronsac, parce les prix de vente sont modérés ».
Les bons investissements chinois
Pour Arnaud Langlais, avocat chez DS Avocats, « il n’y a pas plus de raison de craindre les Chinois que les Belges ou les Anglais ». Toutefois, reconnaissait ce spécialiste des fusions-acquisitions dans le vin, il y a « une approche culturelle très différente » de la part des Chinois, qu’ils soient des amateurs souhaitant acquérir des participations ou des hommes d’affaires voulant réaliser un investissement financier ou développer un projet à l’export.
« Les notions de temps, d’accord et de contrat n’ont pas la même importance, ce qui peut irriter parfois. Mais ça n’a rien à voir avec un manque de fiabilité », soutenait Arnaud Langlais. Preuve en est, les investissements finissent par être réalisés. Pour le plus grand bien des vignobles et des exportations de la France.
François Pargny
* Cercle des exportateurs français en Chine et des chefs d’entreprises chinois en France, créé par le Comité d’échanges franco-chinois de la CCI Paris Ile-de-France.
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