L’impact du ralentissement de la croissance chinoise devrait coûter 0,1 point à la croissance mondiale mais certains pays seront plus sévèrement touchés, notamment les pays exportateurs de matières premières comme l’Indonésie, la Malaisie, le Pérou, le Chili ou l’Afrique du Sud. C’est l’une des principales conclusions relevée par l’assureur-crédit Euler Hermes dans sa dernière étude économique sur la Chine publiée le 11 septembre et intitulée « China : Great Wall, Great Mall, Great Fall… Not really ».
L’étude, qui analyse la situation actuelle de l’Empire du Milieu au regard de son ralentissement économique, montre que les pays qui sont très dépendants du commerce extérieur et plus précisément de la chaîne de valeur chinoise, comme Taïwan, Singapour et Hong Kong seront également touchés par le ralentissement économique chinois.
Les exportateurs de matières premières
De manière générale, l’impact sur la croissance mondiale sera limité (- 0,1 point de pourcentage du PIB), mais celui-ci sera très inégal selon les pays. Ainsi, au cours des six prochains mois, ce sont les pays exportateurs de matières premières qui en sentiront les effets. « Les exportateurs de matières premières, indique l’étude, sont affectés à la fois par le choc des prix et le choc de la demande en Chine, ces deux chocs étant liés ».
En Asie, la Malaisie et l’Indonésie sont les premières victimes en raison de déséquilibres déjà existants : un déficit du compte courant pour l’Indonésie et d’importants déficits publics et une dette des ménages élevée en Malaisie. Dans ce contexte, les décideurs politiques des deux pays vont concentrer leurs efforts afin de pour garantir une stabilité financière.
La Thaïlande et le Vietnam seront également touchés. L’Australie et la Nouvelle-Zélande ne seront pas non plus insensibles au ralentissement chinois, mais en souffriront moins du fait de leur dette publique respective qui est faible. En dehors de l’Asie, les pays d’Amérique-latine tels que le Chili et le Pérou ainsi que les pays africains à l’instar de l’Afrique du Sud, seront également touchés.
Les pays dépendants de la chaîne de valeur chinoise
Dans la deuxième catégorie des marchés touchés, se trouvent les pays dépendants de la chaîne de valeur de fabrication de la Chine à l’instar de la Corée du Sud, Taïwan, Singapour, Hong Kong et, dans une moindre mesure, du Japon.
La plupart de ces pays, note l’étude, peuvent résister à un choc cyclique (forte décélération en Chine) mais à long terme, ils devront s’adapter au nouveau modèle chinois. « Taïwan, estime Euler Hermes, est probablement le pays le plus vulnérable, alors que son économie est fortement liée à l’industrie électronique chinoise ». En effet, Taïwan est l’un des principaux fournisseurs de composants électroniques à la Chine. Devant la transition économique de l’Empire du Milieu, qui ambitionne de progresser dans la chaîne de valeur et d’être plus autonome dans le secteur manufacturier, la situation s’annonce plus compliquée pour les entreprises taïwanaises, juge le spécialiste de l’assurance-crédit.
D’autres partenaires commerciaux comme l’Allemagne ressentiront certains obstacles cycliques dus à leur forte exposition à l’export, mais un positionnement solide permettra une performance solide. La croissance du chiffre d’affaires des exportateurs allemands devrait être révisée légèrement à la baisse tandis que la demande privée affiche des signes d’amélioration mais modérés et tandis que des concurrents locaux émergent, en dépit des conditions de financement défavorables.
Parmi les secteurs allemands les plus exposés au ralentissement de la croissance chinoise figurent l’automobile et la machinerie. Toutefois, un fort positionnement sur des produits de qualité, un avantage technologique et une adaptation au nouveau modèle chinois (qui apprécie de plus en plus la qualité) sont des atouts qui peuvent aider à bien résister à cette crise, rapporte l’étude.
La construction, la métallurgie et les mines, des secteurs à risque
Parmi les « secteurs à risque » figurent ceux de la construction, des métaux et de l’exploitation minière, ainsi que la fabrication bas de gamme et les industries exportatrices. À ce jour, seuls quelques secteurs sur le segment du haut de gamme montrent des signes de résilience tels que la high-tech et la transformation des produits chimiques et des matières premières. Le secteur de la construction est particulièrement mis à mal par des pressions à la baisse sur les prix, une grande surcapacité et des perspectives de demande qui sont faibles.
Quant aux produits de base pour le secteur manufacturier tels que les métaux et les ressources minières, ils affrontent « une tempête parfaite » : un prix plus faible des matières premières, une baisse de la demande en provenance des industries nationales comme la construction, le tout combiné à une baisse de la demande extérieure.
Euler Hermes table également sur une hausse des risques dans le secteur manufacturier bas de gamme et dans les secteurs tirés par la demande extérieure (textile et électronique bas de gamme), qui souffrent d’une concurrence régionale plus forte en provenance du Vietnam et du Bangladesh.
Des fissures dans la Grande Muraille ?
L’assureur-crédit a révisé à la baisse ses prévisions de croissance pour la Chine à + 6,8 % cette année et + 6,5 % en 2016. « Cette révision, commente Euler Hermes, reflète une croissance plus faible des exportations et de l’investissement, un financement mix moins favorable et des pressions déflationnistes prédominantes ». Cependant, ajoute, l’assureur-crédit : « La consommation intérieure devrait rester résiliente avec l’amélioration progressive de la consommation privée.
Jusqu’à présent, la croissance de la consommation privée a été résiliente, mais n’est toujours pas suffisante pour compenser une croissance des exportations plus faible et une croissance de l’investissement diminuée. « L’économie continue de bénéficier du soutien du gouvernement », fait remarquer Euler Hermes.
Devant l’instabilité financière des dernières semaines et la faiblesse des indicateurs économiques, le gouvernement chinois est plus que jamais appelé à augmenter les mesures de soutien, notamment en soutenant les dépenses publiques. « L’enjeu majeur pour le gouvernement chinois sera de ne plus agir en suivant exclusivement un objectif de croissance mais aussi de prendre des mesures pour assurer la qualité de sa croissance sur le long-terme. Cette transformation vertueuse passera par une consolidation de la consommation des ménages chinois, par une diminution des surcapacités avant une relance plus franche de l’investissement », a déclaré dans un communiqué Mahamoud Islam, économiste en charge de l’Asie chez Euler Hermes.
Le risque systémique lié au krach boursier, selon Euler Hermes, n’est pas plausible, les marchés financiers en Chine n’étant pas assez profonds : « La capitalisation boursière des principales bourses est inférieure à 50 % du PIB », rapporte l’étude.
Enfin, comme la mauvaise performance des exportations chinoises est liée à la demande extérieure, la devise devrait se stabiliser, estime l’assureur-crédit, qui signale que le renminbi ne devrait pas être déprécié fortement.
Venice Affre
Pour en savoir plus :
Consultez l’étude (en anglais) d’Euler Hermes sur la Chine dans le fichier PDF attaché à cet article.