Sous un soleil de plomb, Zhou Bin fait visiter la cabine de son nouveau monocoque Bénéteau. Prix du bateau : 400 000 euros. Un petit plaisir que ce millionnaire du Heilongjiang (province chinoise du Nord qui touche la Russie) dit s’offrir « pour les mois d’hiver », quand il descend ici, à Sanya, sur Hainan, île tropicale de l’Empire située au large du Vietnam.
Plus loin, deux jeunes Chinois quittent une boutique Chopard les bras chargés de paquets. Un autre s’arrête devant un stand Ferrari pour prendre quelques renseignements et croise deux mannequins qui tiennent le bras à un homme d’affaires shanghaïen…
Bienvenu à la deuxième édition de Hainan Rendez-vous, unique salon en Chine dédié au luxe, qui s’est tenue du 1er au 4 avril dernier sur les bords d’une marina privée, propriété de Wang Taifu, un promoteur local. « Nous avons réussi à faire venir près de 200 exposants haut de gamme, se félicite la Française Delphine Lignières, à l’origine de l’événement. C’est deux fois plus que l’année dernière. »
Pendant ces quatre jours « de fêtes, de glamour », dixit l’organisatrice, les VIP venus faire leurs emplettes ont eu le choix entre voitures de luxe, yachts, châteaux, hélicoptères et même jets. « Nous comptons lever plusieurs dossiers », confiait sur place François Chazelle, vice-président des ventes chez Airbus Corporate Jet. Autrement dit, placer aux 250 « très riches Chinois » qui on fait le voyage, des modèles ACJ (type A318 ou A319 convertis en avions privés) proposés pièce entre 60 et 80 millions de dollars ! Sur le tarmac de l’aéroport, à l’extérieur de la ville, pas moins de 26 avions d’affaires ont été exposés le temps du salon. Gulfstream, Bombardier, Embraer, Boeing… « Nous sommes tous là », reconnaissait Jean Rosanvallon, président de Dassault-Falcon, spécialement venu de New York présenter un 7X, modèle le plus imposant de la marque. Avant la fin du salon, « une dizaine d’appareils au moins seront commandés », jurait quant à lui le genevois Jean-Pierre Sauval, de Jet Plane Sales. « Avec la clientèle chinoise, les choses peuvent aller très vite. S’ils voient un produit qui leur plaît, ils sortent l’argent et s’en vont avec… »
Les équipes des bateaux Azimut en ont profité pour vendre le plus grand yacht en circulation en Chine (un 45 mètres). « L’acheteur préfère garder l’anonymat mais c’est une très belle affaire », se félicitait le dernier soir l’un des responsables de ce constructeur italien.
Pierre Tiessen, à Hainan
40 ans de moyenne d’âge
D’après le rapport 2010 établi par le magazine Hurun, – le Forbes chinois – la Chine continentale compte à présent plus de 875 000 millionnaires en dollars (dont 55 000 possèdent une fortune estimée à de plus de 10 millions) et près de 300 milliardaires. Dans les grandes villes (Pékin et Shanghai en tête), les habitudes de consommation changent. En cinq ans, la vente des produits de mode a triplé, celle des voitures de luxe quintuplé, villas et appartements haut de gamme ont été multipliés par sept et les bons whiskies par dix.
Le pays, désormais 2e puissance économique du globe, devrait occuper, d’ici à 2015, le 4e rang mondial pour le nombre de ses riches, après les États-Unis, le Japon et le Royaume-Uni. « Un millionnaire en euros chinois a en moyenne 15 ans de moins qu’un millionnaire européen. Il a 40 ans et – dans 70 % des cas – est un homme qui a fait fortune dans l’immobilier », analyse Rupert Hoogewerf, fondateur et rédacteur en chef de Hurun. Enfin, « plus de 15 % de ces très riches Chinois », rappelle-t-il, occupent des fonctions honorifiques au sein des grandes institutions politiques rattachées au Parti communiste.
P. T.