Il aura été beaucoup question de nucléaire entre la France, qui restructure sa filière, et la Chine, puissance émergente avec de grandes ambitions dans ce domaine, lors du 4e dialogue économique et financier de haut niveau franco-chinois, coprésidé à Bercy par le vice-Premier ministre chinois Ma Kai et le ministre français de l’Économie et des finances Michel Sapin (notre photo).
Cette réunion, sur le thème « consolider et développer un partenariat stratégique économique et financier rapproché et durable », était la première de ce type depuis la rencontre au sommet entre François Hollande et son homologue Xi Jinping, les 4 et 5 septembre à Hanghzou, lors du G20. Et, sur le sujet du nucléaire, c’est, côté tricolore, le secrétaire d’État chargé de l’Industrie, Christophe Sirugue, qui s’est exprimé, lequel d’emblée a rappelé que depuis 30 ans une coopération « pacifique » et « stratégique » est enclenchée.
Aujourd’hui, a-t-il détaillé, le partenariat entre Paris et Pékin débouche sur des projets concrets, comme les deux réacteurs EPR de Taishan conçus par Areva et construits à l’heure actuelle par une joint venture entre EDF et China General Nuclear (CGN). Il y a aussi le chantier d’Hinkley Point, dans l’ouest du Royaume-Uni, où EDF envisage de construire deux EPR, des monstres de 1 600 MW de puissance chacun, avec l’appui de deux électriciens chinois, China Guangdong Nuclear Power Holding Group (CGN) et China National Nuclear Corporation (CNNC).
Coopération : cinq nouveaux accords bilatéraux
Troisième dossier, la réalisation d’une usine en Chine de traitement et recyclage des combustibles usés. Ce projet d’Areva, cité autant par Christophe Sirugue que par Ma Kai, a fait l’objet en 2015 d’un projet avec CNNC, mais se heurte à l’opposition de certaines franges de la population de l’ex-Empire du Milieu.
Enfin, tant le dirigeant français que le responsable chinois ont mentionné le projet de montée dans le capital d’Areva de l’État français et de partenaires chinois. Michel Sapin a précisé que la Commission européenne devait émettre un avis sur l’entrée de nouveaux actionnaires, tout en rappelant que la décision devait être connue avant fin novembre, date retenue par Areva et EDF pour prendre de véritables engagements dans le cadre d’un partenariat qui a fait l’objet d’un protocole d’accord, signé fin juillet par ces deux spécialistes du nucléaire.
Dans son discours d’introduction, le ministre de l’Économie et des finances s’est félicité de la conclusion de deux nouveaux accords, l’un impliquant comme gestionnaire d’un mécanisme de co-investissement la Caisse des dépôts et consignations, à travers CDC Capital International, avec le fonds d’État China Investment Corporation (CIC), l’autre portant sur la création d’un comité de pilotage des partenariats franco-chinois en marchés tiers.
« Ce comité vient de se réunir pour la première fois et un protocole pour un fonds de coopération en pays tiers de deux milliards d’euros vient, en effet, d’être mis sur pied, a confirmé Ma Kai, avec un capital de lancement de 150 millions par chacune des deux parties ». S’agissant du chantier d’Hinkley Point, le vice-Premier ministre chinois a affirmé qu’il était « le symbole » des partenariats sino-français en marchés tiers qu’il appelle de ses vœux et qui peuvent être développés, en particulier, en Afrique et en Asie (hors Chine).
Outre la création du comité de pilotage et du fonds de coopération en marchés tiers, trois autres accords ont été signés à l’issue du quatrième dialogue bilatéral. Ainsi, China Nuclear Power Corporation et le Commissariat général à l’Énergie atomique et aux énergies alternatives (CEA) ont signé un lettre d’intention pour un cadre de coopération intégré, China Development Bank, Bpifrance et Cathay Capital ont fait de même pour lancer un fonds bilatéral en faveur des PME, et un accord de partenariat a encore été scellé entre le Fonds de la route de la soie (Silk Road Fund), China International Capital Corporation (CCIC), le spécialiste de la gestion d’actifs Amundi et la société d’investissement FC Global Group.
Des partenariats possibles, de l’automobile aux obligations vertes
Ma Kai et Michel Sapin ont tous les deux souligné « la convergence » qui existe entre Made in China 2025, une initiative visant à améliorer globalement l’industrie chinoise – en fait, inspirée du plan allemand Industrie 4.0 – et le plan français d’Industrie du futur. Le dirigeant asiatique a plaidé pour un accroissement des coopérations et des investissements dans plusieurs secteurs : automobile, aéronautique, aérospatial, nucléaire, énergies renouvelables, environnement. De même dans les infrastructures, en développant les partenariats public-privé (PPP) dans son pays et le chantier du Grand Paris en France.
Avant l’arrivée de la délégation chinoise dans la capitale, la France avait annoncé son intention de profiter de ce dialogue économique et financier sur son sol pour promouvoir la place financière de Paris. Michel Sapin a clairement indiqué que la capitale avait une carte à jouer au sein de la zone euro dans le processus d’internationalisation du renminbi (RMB). De son côté, le coprésident chinois du quatrième dialogue a indiqué l’entente entre les deux parties pour étendre la coopération financière à des nouveaux domaines, comme les obligations vertes. Une préoccupation rejoignant ainsi le souci écologique de la France, organisateur de la Cop 21 sur les changements climatiques, en septembre dernier.
Selon Michel Sapin, à Bercy, le climat a fait l’objet de « discussions nourries », qui ont, notamment, abouti à une volonté commune de « faire fructifier la dynamique » de l’accord de Paris, en promouvant la finance verte. Sur ce segment également, a-t-il indiqué, « la France a des atouts incontestables ».
François Pargny