Pour le rapprochement entre Paris et Pékin, le contexte est particulièrement favorable. En visite de trois jours en Chine (21-23 février), le Premier ministre français, Bernard Cazeneuve, arrive à un moment crucial pour le futur des relations internationales.
Face au protectionnisme promis par le président américain Donald Trump, qui toucherait particulièrement l’ex-Empire du Milieu, la Chine est tentée de se rapprocher de l’Union européenne, qui « demeurera la première puissance économique du monde » (même sans le Royaume-Uni) et « est le premier partenaire commercial de plus de 80 pays », a souligné le chef du gouvernement français, le premier jour, lors d’une intervention à l’Université de Pékin (Beida), où il a loué les « bienfaits » de la mondialisation, prôné davantage de « rééquilibrage » et plaidé pour plus de « réciprocité » dans les relations commerciales avec la Chine.
Mettre les entreprises chinoises et européennes à égalité
Si Paris a apprécié le discours libéral du président Xi Jinping au forum international de Davos, les Européens demeurent quand même méfiants et attendent des signes concrets de la volonté affichée. Preuve en est – même si le nom de la Chine n’est pas prononcée – la lettre adressée récemment à la Commission européenne par les ministres de l’Économie de France, d’Allemagne et d’Italie, qui demandent une protection renforcée des entreprises dites « stratégiques » et souhaitent que l’Union européenne (UE) se dote « d’instruments efficaces », qui puissent amener les États à respecter la réciprocité en matière d’investissements étrangers sur leur sol.
Aux quelque 300 étudiants qui l’écoutaient à l’université Beida, Bernard Cazeneuve a également indiqué que l’UE est « le premier émetteur et le premier récepteur d’investissements directs à l’étranger au monde » et rappelé que le marché européen est « le plus ouvert au monde ». Avant d’évoquer l’accord global sur les investissements en négociation entre les Chinois et les Européens, qui « devra être ambitieux et équilibré », il a défendu que « les entreprises françaises demandent légitimement à bénéficier des mêmes droits en Chine » et donc de la même ouverture.
Premiers projets d’investissement franco-chinois
Le chef du gouvernement français ne pouvait pas parler plus clairement sans offenser ses hôtes. D’autant que Paris a tout intérêt à se rapprocher d’un pays qui est son sixième partenaire commercial. Seulement sixième, pourrait-on dire, même si, selon le Premier ministre, les échanges ont doublé entre 2006 et 2015 pour atteindre 62,4 milliards de d’euros en 2016. Des coopérations maintenant anciennes se sont renforcées dans l’aéronautique et le nucléaire civil. Deux réacteurs EPR d’Areva, construits par EDF et son allié CGN à Taishan, devraient être mis en service à la fin de l’année, et Areva espère vendre deux réacteurs supplémentaires pour la centrale de Taishan.
En outre, Bernard Cazeneuve a annoncé deux projets franco-chinois d’investissement en Namibie et au Cambodge. En novembre dernier, CDCI International Capital, filiale de la Caisse des dépôts avaient noué dans ce but un partenariat avec le fonds souverain chinois CIC Capital. Avec au départ 300 millions d’euros, abondé à part égale par les deux partenaires, ce véhicule envisageait des engagements répartis par tiers vers l’Asie, l’Afrique et le reste du monde.
La visite de Wuhan, le « Détroit » français
Bernard Cazeneuve a cité deux autres secteurs, l’agroalimentaire et la santé. Il était ainsi présent, ainsi que son homologue chinois Li Keqiang, lors de la signature de l’accord, portant sur la création d’une coentreprise dans la santé porcine entre Ceva et Shanghai Ebvac, spécialiste de la vaccination porcine.
Bernard Cazeneuve a encore évoqué le projet de ville durable de Wuhan, où il se rendra jeudi 23 février – où se trouvent notamment les quatre usines des constructeurs français, Renault (une) et PSA (trois). Sur le créneau de la ville durable, où la France se sent forte, l’enjeu est réel, car Allemands et Singapouriens ont déjà réalisé un quartier « vert » en Chine. A l’occasion d’un entretien avec Li Keqiang, le dirigeant de l’Hexagone a déclaré « je visiterai notamment le projet d’éco-cité franco-chinois du district de Caidian ».
Après un petit-déjeuner avec la communauté d’affaires française à Wuhan, Bernard Cazeneuve assistera à la cérémonie clôturant la procédure d’accréditation du laboratoire P4. Il s’agit du premier établissement en Chine de sécurité biologique, réalisé avec l’appui de l’Institut Pasteur. D’après le chef du gouvernement, « ce centre de très haute technologie, où peuvent être étudiés les virus les plus dangereux, constituera un élément clé de la réponse que pourront apporter les autorités chinoises à l’émergence de nouvelles maladies ».
En début d’après-midi, le Premier ministre devrait encore assister à l’arrivée du train Lyon-Wuhan, au déchargement d’une partie du fret, à l’ouverture d’un container et la présentation de produits français. Une première, après un premier voyage dans le sens inverse sur la Route de la Soie, une initiative de Pékin reprenant le réseau des anciennes routes commerciales entre l’Asie et l’Europe.
François Pargny
Pour prolonger :
– France / Chine : premiers partenariats à l’exportation en Namibie et au Cambodge
–Chine / France : Pékin et Paris dialoguent sur le nucléaire, l’industrie, les marchés tiers et la place financière de Paris
– France / Chine : Ceva santé animale crée une co-entreprise avec le Chinois EBVAC