Alors que les investissements directs étrangers (IDE) dans l’ex-Empire du Milieu ont nettement reculé l’an dernier et que les multinationales privilégient désormais d’autres destinations en Asie, Pékin a annoncé le 19 mars une série de mesures destinées à inverser la tendance. Revue de détail.
« La qualité et le niveau de la coopération en matière de commerce et d’investissement seront améliorés », annonce le Conseil d’État, principale autorité administrative chinoise, dans un communiqué détaillant les 24 mesures censées réconcilier les investisseurs étrangers avec le pays.
Les 24 mesures pour inciter au retour les multinationales
Dans un texte de cinq pages, l’équivalent du gouvernement central déroule le contenu de nouvelles mesures taillées pour faire venir ou revenir les multinationales. les voici :
1. Abolir les restrictions aux investissements dans le secteur manufacturier et promouvoir en particulier l’ouverture dans les domaines des télécommunications et de la santé.
2. Développer des projets pilotes dans l’innovation médicale et les télécommunications dans des zones de libre-échange à Pékin, Shanghai et dans le Guangdong.
3. Dans les secteurs de la banque et des assurances, soutenir les institutions à financement étranger pour mener notamment des activités de compensation des cartes bancaires, développer l’assurance retraite et l’assurance maladie.
4. Ouvrir le marché obligataire national aux institutions financières internationales.
5. Encourager les investissements étrangers dans la création de fonds d’investissement privés.
6. Dans le centre et l’ouest du pays, faciliter les investissements dans des secteurs clés comme les circuits intégrés, la biomédecine ou les biens d’équipement à haute valeur ajoutée.
7. Mettre en œuvre des politiques de soutien fiscal préférentielles pour les investissements sur le marché obligataire ainsi que sur d’autres marchés financiers.
8. Aider les entreprises étrangères à émettre des obligations en yuans en Chine afin de lever des fonds et les utiliser pour des projets locaux. Promouvoir la mise en œuvre de politiques de facilitation de la gestion des devises pour le commerce et les investissements transfrontaliers et faciliter les opérations de change.
9. Pour renforcer la sécurité énergétique, accélérer la promotion de l’échange de certificats verts et l’échange interprovincial d’énergies renouvelables afin de mieux répondre aux besoins en énergie verte des entreprises étrangères.
10. Attirer des projets de multinationales dans le centre, l’ouest et le nord-est du pays en facilitant les transferts industriels. Pour ce faire, chaque région serait amenée à mettre en place des politiques et des mesures visant à réduire le coût du foncier, de l’énergie, de la main d’œuvre et du transport.
11. Dans le cadre des marchés publics, traiter à égalité les marchandises produites par les entreprises locales et étrangères.
12. Accélérer la révision de la loi sur les appels d’offre.
13. Permettre aux entreprises étrangères de participer aux comités techniques de normalisation ou aux organismes de normalisation dans les secteurs des matériaux d’ingénierie, de l’information et des communications. Le texte propose d’améliorer la transparence des travaux de normalisation.
14. Clarifier les inspections administratives, par exemple en évitant les redondances.
15. Développer la marque « Investir en Chine » et présenter l’environnement des affaires chinois aux entreprises étrangères.
16. Renforcer les services aux entreprises étrangères notamment en mettant en œuvre un système d’information complet sur les IDE.
17. Fluidifier les flux transfrontaliers de données entre les filiales et les maisons-mères.
18. Faciliter les demandes de visas d’affaires étrangers et allonger la période de validité des visas d’entrée en Chine à deux ans pour les directeurs et le personnel technique ainsi que leurs conjoints et enfants mineurs.
19. Optimiser la gestion des permis de séjours professionnels des étrangers en Chine notamment mettant en place un mécanisme d’approbation plus rapide et plus efficace.
20. Approfondir la mise en œuvre des programmes de coopération scientifique et technologique afin de permettre aux institutions et entreprises étrangères de participer sur un pied d’égalité aux programmes scientifiques et technologiques nationaux.
21. Renforcer la protection des droits de propriété intellectuelle. Pékin souhaite en effet s’aligner sur les règles internationales, améliorer les réglementations et accélérer la construction d’une plateforme nationale d’information pour la protection de la propriété intellectuelle.
22. Concernant les règles relatives à la circulation transfrontalière des données, les autorités chinoises devront « participer pleinement et en profondeur » aux négociations de l’OMC sur l’e-commerce.
23. Promouvoir la mise en œuvre d’accords économiques et commerciaux et en particulier l’adhésion à l’Accord de partenariat transpacifique.
24. Soutenir les zones pilotes de libre-échange, le port de libre-échange de Hainan, « l’arrimage aux règles économiques et commerciales internationales » de haut niveau et mettre en œuvre la réglementation nationale de l’OMC notamment sur le commerce des services, la facilitation des investissements et l’e-commerce.
Redresser les flux d’IDE après un recul de 8 % en 2023
Ouverture du secteur de la banque et de l’assurance et du marché obligataire, suppression des restrictions dans le secteur manufacturier, possibilité de profiter des mêmes politiques de soutien que les entreprises locales et de candidater sur un pied d’égalité aux appels d’offre, facilitation d’obtention des visas… Pékin entend donc dérouler le tapis rouge aux investisseurs étrangers qui boudent la Chine.
Selon les données publiées par le ministère chinois du Commerce fin janvier, les flux d’IDE entrants (hors bénéfices réinvestis) ont baissé de 8 % en 2023 à 160 milliards de dollars, soit son plus bas niveau depuis trois ans.
En outre, les entreprises étrangères implantées sur place s’inquiètent d’une dégradation du climat des affaires. En témoigne la dernière enquête réalisée par la Chambre européenne de commerce à Pékin auprès de 1700 entreprises européennes implantées en Chine. 55 % déplore un environnement des affaires « plus politisé que l’an dernier » et les trois quarts ont revu leur exposition et diversifié leurs approvisionnements ces deux dernières années en raison d’un « sentiment général d’insécurité ». De quoi alimenter ce que certains observateurs appellent le China Bashing.
Reste à savoir si ces 24 mesures suffiront à faire revenir des entreprises échaudées par un climat des affaires dégradé. En attendant leur mise en œuvre effective, d’autres pays asiatiques, à commencer par l’Inde, profitent des stratégies « Chine + 1 » des multinationales.
Sophie Creusillet