Le pôle de compétitivité Cosmetic Valley dévoile le 9 février lors d’un événement au château de Versailles, ses axes de développement pour 2023 ainsi qu’une nouvelle communication visuelle destinée à l’international. Son directeur général Christophe Masson revient sur les performances de la filière sur les marchés étrangers et les projets du pôle pour y propulser les PME et ETI tricolores.
Le Moci. Le bilan du commerce extérieur de 2022 qui vient d’être publié par la Douane est catastrophique. Qu’en est-il pour la filière cosmétique ?
Christophe Masson. Les exportations de produits cosmétiques français sont au beau fixe. Elles ont bondi l’an dernier de 18,8 % pour atteindre 19,1 milliards d’euros. La filière est le troisième contributeur du commerce extérieur, après l’aéronautique et les vins et spiritueux, et son excédent commercial est de 15,3 milliards d’euros. Cette croissance des ventes à l’international est due pour moitié à la hausse de celles de parfum qui ont progressé de 3 milliards d’euros entre 20121 et 2022. Le segment du soin et celui des produits capillaires ont également évolué à la hausse.
Un nouveau slogan : « France cares for your skin »
Le Moci. Quelles sont ses destinations phares ?
C.M. Alors que la Chine a tiré la croissance depuis le début de la crise sanitaire, ce marché a nettement ralenti au quatrième trimestre 2022 en raison du retour du Covid et d’une chute du moral des consommateurs. Finalement, en 2022, la première destination des produits cosmétiques français hors UE a été les États-Unis. La consommation a augmenté de 15 % et ce marché connaît une dynamique exceptionnelle. Les produits de prestige en particulier y sont très appréciés. Nous allons envoyer cette année un VIE en Amérique du Nord pour faciliter le développement des PME françaises. Même s’il y a une grosse effervescence aux USA, la Chine reste cependant un marché majeur.
Le Moci. Quid de la Corée du Sud ? Cosmetic Valley a signé en 2022 un partenariat avec la ville de Séoul et organisé la même année une mission de prospection.
C.M. Elle fait parie de nos marchés prioritaires en 2023, avec les États-Unis, la Chine et les Émirats arabes unis. C’est un pays incroyable qui est devenu en seulement dix ans le quatrième exportateur mondial de cosmétiques derrière la France, les États-Unis et l’Allemagne. La K-beauty est devenue une référence avec des progressions de ses exportations de l’ordre de 25 %. L’an dernier elle a pâti du ralentissement du marché chinois et ses ventes internationales ont reculé de 13 %, passant de 9 milliards à 7,8 milliards d’euros. La cosmétique coréenne continue de bénéficier d’un important travail de soft power et est un concurrent sérieux.
Le Moci. Justement le soft power est un des axes de développement du pôle. Pourquoi ce choix ?
C.M. Pour dire qui on est dans un contexte de forte concurrence. C’est tout l’enjeu de la nouvelle communication de Cosmetic Valley que nous dévoilons aujourd’hui et dont le slogan est « France cares for your skin » (« la France prend soin de votre peau »). Nous ne jouons pas la carte du luxe mais celle de la tendance du bien être et du Made in France, en plein essor depuis le début de la crise sanitaire. Dans le secteur de la cosmétique, le made in France est un gage de sérieux. Le mot « care » évoque la sécurité, la performance, l’innovation et le respect de l’environnement, des notions fortes pour accéder aux marchés étrangers.
Un bureau à Bruxelles pour « permettre aux acteurs européens de partir à l’export »
Le Moci. Le pôle dispose d’un bureau à Bruxelles depuis janvier 2022. Quelles sont ses ambitions en Europe ?
C.M. Ce bureau est destiné à développer deux actions. La première est de permettre aux acteurs européens de partir à l’export. La mission à Séoul s’est faire dans ce cadre. Nous allons lancer cette année une plateforme BtoB en ligne, soutenue par la Commission européenne, pour dynamiser les courants d’affaires.
Le seconde action porte sur la fédération des acteurs européens. Nous venons tout juste de remporter un appel à projet de l’Union européenne qui va justement en ce sens. Cosmetic Valley va coordonner le projet ACTT4Cosmetics qui vise à fédérer les acteurs européens de l’innovation autour des grands enjeux de la cosmétique, comme l’environnement, le digital ou la transparence sur les produits. C’est un mandat de 5 ans et 4 millions d’euros d’investissements pour mettre en place des projets d’innovation partout en Europe. Notre secteur est très ancré dans les territoires. Cela nous amène à développer une excellence et une expertise. Cet ancrage fait écho à la politique européenne qui demande aux régions de se spécialiser. La région Centre, où est installé le pôle, a choisi la cosmétique comme 6 ou 7 autre régions en Europe.
Le Moci. Vous venez également de signer un partenariat avec la Région Ile-de-France. En quoi consiste-t-il ?
C.M. Cosmetic Valley va animer l’écosystème de la région francilienne et mettre en place des synergies. La région pourrait par exemple se positionner sur des solutions d’intelligence artificielle. Nous allons également lancer une Cosmetic Week. Depuis 2015, nous organisons tous les ans un salon, Cosmetic 360, au Carousel du Louvre. Nous allons en faire un événement plus fort qu’un salon grâce à une semaine d’événements comme des expositions ou des activités de découverte. C’est un moment important pour le soft power de la cosmétique française et une vitrine pour les investisseurs internationaux dans un secteur qui pèse 700 milliards d’euros dans le monde et où il faut continuer à se démarquer face à la concurrence.
Propos recueillis par
Sophie Creusillet
Une filière qui exporte les deux tiers de sa production
Année faste pour la cosmétique française, 2022 a vu les exportations de ce pilier du commerce extérieur bondir de 18,8 %, pour atteindre 19,1 milliards d’euros (Md EUR). L’Union européenne, première destination des produits tricolores avec une part de marché de 37 %, a enregistré une progression de 24,2 %, tirée par la parfumerie, en hausse de 33 %. Dans cette zone géographique, l’Allemagne reste le principal marché : elle importe 1,9 Md EUR de cosmétiques français, un chiffre en croissance de 21 % par rapport à 2021.
Avec 2,3 Md EUR et une hausse de 28 %, les États-Unis se sont hissés l’an dernier à la première place du podium des pays importateurs grâce à la parfumerie et le maquillage-soin du visage, deux catégories qui représentent 95,2 % des produits exportés aux États-Unis. Outre-Atlantique, la filière a largement rattrapé son niveau prépandémique : les ventes y ont explosé de 48,2 % entre 2019 et 2022. Mais la destination qui a enregistré la plus forte croissance des ventes entre 2021 et 2022 (+ 33,8 %) est le Moyen-Orient, notamment les Émirats arabes unis (+ 41,8 %) et l’Arabie saoudite (+ 20,4 %). A l’inverse, le marché chinois a connu un net ralentissement (+ 3,1 %), totalisant 1,954 Md EUR. L’Asie dans son ensemble a néanmoins affiché une hausse de 8,8 %, à 5,179 Md EUR et a vu ses importations augmenter de 32 % entre 2019 et 2022.
Les catégories « parfumerie » et « maquillage et soins du visage » restent en tête des exportations de produits cosmétiques français et contribuent à la très belle croissance du marché. Les parfums réalisent ainsi une impressionnante croissance de 30,2 % et la catégorie « maquillage et soins du visage » enregistre quant à elle une hausse de 11,6 %. Ces deux catégories de produits représentent à elles deux, plus de 85 % des exportations françaises de produits cosmétiques, soit plus de 16,5 Md EUR en 2022. Au global, l’ensemble des autres catégories enregistre également de bons résultats : les produits d’« hygiène corporelle et soins » réalisent ainsi une croissance de 36,7%, même s’ils ne représentent que 3,3 % des exportations françaises.
Au total, près des deux tiers de la production sont exportés et la seule activité export de la cosmétique emploie 130 000 hommes et femmes, partout en France.
S.C.