Le 13 septembre, les secrétaires d’État à l’Europe et aux affaires étrangères, Jean-Baptiste Lemoyne, et à la Transition écologique et la solidarité, Brune Poirson, ont réuni au Quai d’Orsay le Comité de suivi national des dossiers de politique commerciale. Avec comme sujet numéro 1, compte-tenu de l’urgence : définir la marche à suivre sur le traité de libre-échange entre l’Union européenne (UE) et le Canada, le CETA (Comprehensive Economic and trade agreement) ou AECG en français (Accord économique et commercial global), qui doit entrer en vigueur à titre provisoire le 21 septembre prochain. Une réunion à laquelle avaient été conviés plusieurs parlementaires et l’économiste Katheline Schubert (Paris School of Economics-Université de Paris), présidente d’une Commission d’évaluation de l’impact de cet accord sur l’environnement, la santé et le climat, qui venait de livrer son rapport au Premier ministre Édouard Philippe (lire notre Alerte confidentielle du 12 septembre*).
Preuve que la tâche n’a pas été facile -le seul traité CETA comporte pas moins de 2300 pages…-, les débats se seront prolongés une heure de plus que la durée prévue. La poignée de journalistes, dont Le Moci, venue pour la conférence de presse des secrétaires d’État, ont dû attendre la fin des débats pour en savoir plus.
Un plan d’actions en trois axes, fin octobre
Il est vrai que 46 personnes étaient présentes lors de ce comité de suivi national, et le rapport remis par la Commission de neuf membres** présidée par Katheline Schubert comporte 69 pages. Chacun devait pouvoir s’exprimer. « Il y avait un besoin de structurer le travail, de pouvoir afficher la complexité ». Ce qui a été fait, a laissé entendre Jean-Baptiste Lemoyne, qui a rappelé que l’entrée en vigueur du CETA dans huit jours, fruit de négociations commencées en 2008, était partielle, « puisque, pour ce qui n’est pas de la compétence communautaire, c’est-à-dire le volet investissement, il faudra la ratification des parlements nationaux, voire, dans certains pays, régionaux ».
Dans les semaines à venir, le Comité de suivi national des dossiers de politique commerciale va poursuivre ses travaux, de façon à nourrir un plan d’actions qui devrait être présenté fin octobre, en respectant trois axes : « vigilance sur la mise en œuvre de l’accord, actions complémentaires à mener pour faire avancer la coopération en matière d’environnement, réflexion de fond en matière de gouvernance pour trouver une nouvelle méthodologie et avoir de nouveaux accords », a indiqué Jean-Baptiste Lemoyne.
A cet égard, le secrétaire d’État a précisé qu’il fallait « plus d’évaluation des accords en amont associant la société civile, plus d’études d’impact, plus de transparence, plus de contrainte sur le développement durable ». Jean-Baptiste Lemoyne n’a pas fermé la porte à l’instauration d’un « véto climatique » sur la protection des investissements, tel qu’il est proposé par la commission Schubert. « Il faut expertiser », a-t-il brièvement répondu au Moci.
Dialoguer avec les Canadiens
De même, sur la recommandation d’une « déclaration interprétative » spécifique de la France en matière d’environnement et de normes sanitaires, Jean-Baptiste Lemoyne n’a pas voulu se prononcer. « Le gouvernement regarde. Il ne dit pas oui, il ne dit pas non, il faut expertiser la piste ». Enfin, quand Le Moci lui a fait remarquer que les Canadiens n’avaient peut-être ni intérêt ni envie de renégocier certains points, comme l’exploitation des sables bitumineux qui est autorisée outre-Atlantique mais interdite en France, le secrétaire d’État a reconnu qu’on ne pouvait pas « imposer », mais qu’il croyait au « dialogue avec ce gouvernement » (canadien).
Au sujet de l’exploitation des sables bitumineux, Brune Poirson a promis de son côté « de travailler sur ce risque » avec les Canadiens et cité à deux reprises, comme progrès, la directive européenne sur la qualité des carburants, visant à réduire la pollution due aux transports et améliorer la qualité de l’air, qui vient de faire l’objet d’une évaluation de la Commission européenne.
Évoquant encore l’Accord de Paris sur le climat, la secrétaire d’État a assumé que « certaines dispositions faisaient défaut » à cet égard dans le CETA, qu’il fallait aussi « avoir plus de vigilance en matière de santé » et que le principe de précaution, qui est absent du CETA, « devait s’appliquer pleinement ».
Enfin, concernant le forum de coopération règlementaire (FCR) dont la création est prévu par le traité, a-t-elle appuyé, Européens et Canadiens doivent réussir, dans ce cadre, à converger « par le haut » dans le domaine des normes.
Reste une dernière étape, et pas la moindre : Paris devra convaincre les autres capitales européennes de se rallier à ses propositions. Ce qui risque d’être long…
François Pargny
**Les autres membres de cette commission sont : Jean-Luc Angot (Conseil général de l’alimentation, de l’agriculture et des espaces ruraux), Geneviève Bastid Burdeau (Université Paris 1), Christophe Bellmann (International Centre for Trade and Sustainable Development), Sophie Devienne (AgroParisTech), Lionel Fontagné (Paris School of Economics-Université Paris 1 et Cepii), Roger Genet (Agence nationale de sécurité sanitaire de l’alimentation, de l’environnement et du travail), Géraud Guibert (La Fabrique écologique), Sabrina Robert-Cuendet (Le Mans Université).
Pour prolonger :
–Dossier spécial CETA : ce qu’il faut savoir du traité de libre-échange UE / Canada
–Canada / UE : le CETA sera lancé provisoirement le 21 septembre
–UE / Canada : comment une ‘guerre du fromage’ menace le calendrier du CETA
–Canada / CETA : comment le Français TendersPage ouvre les marchés publics canadiens aux PME