La mobilité internationale des salariés (expatriation, détachement etc.) constitue un enjeu de taille pour les PME qui s’internationalisent, en matière de gestion de leurs ressources humaines (RH) et de sécurité de leurs salariés. Une problématique à multiple facettes dont certaines ont été explorées lors du troisième atelier sur le thème « Gestion du capital humain : sécuriser la gestion RH à l’international, enjeux et solutions » dans le cadre de la 7ème édition du Forum Moci des Risques et opportunités à l’international, qui a rassemblé près de 270 participants le 30 juin à Paris.
« Il faut segmenter les types de risque en matière de santé et de sécurité physique des collaborateurs ressortissants du droit français », a indiqué Philippe Lemasson, directeur ressources humaines (DRH) du groupe Optorg, qui intervenait lors de cet atelier. Un avis autorisé puisque ce groupe français de distribution spécialisée, expert dans la distribution d’équipements industriels et de matériel automobile sur le continent africain, dispose de près de 3 000 collaborateurs dans 29 pays et possède en France uniquement son siège. En Afrique centrale et au Maroc, Optorg distribue à travers sa filiale « Tractafric equipment » les plus grands constructeurs d’engins pour la construction, les mines, l’exploitation forestière et le secteur pétrolier. Le groupe est présent depuis 80 ans en Afrique où il possède de nombreux collaborateurs.
Car le premier enjeu est de respecter l’obligation de tout employeur, en droit français, de protéger la santé de ses employés lorsqu’ils sont sous contrat de droit français. « On distingue trois typologies de collaborateurs, a informé Philippe Lemasson : les expatriés, les détachés et les voyageurs d’affaires ». Or, dans ses pays d’implantation, le groupe Optorg est confronté outre à des risques politiques–guerres et instabilité- à des risques sanitaires (maladies, virus) et des risques naturels (catastrophes naturelles). « On est assez exposés », a confié Philippe Lemasson, évoquant par exemple des fléaux comme la malaria. « En France comme en Europe, mais aussi aux États-Unis, c’est la même philosophie, l’employeur a une obligation de garantie, il a une obligation de résultat en matière de préservation de la santé physique et mentale des collaborateurs », a-t-il déclaré. Et en la matière, « notre champs de responsabilité est extrêmement large », a ajouté le DRH.
Un bon conseil de base : établir une check-list avant le départ
La sécurité est un autre enjeu dans un tel contexte, l’entreprise se devant en effet de garantir à ses collaborateurs les mêmes conditions de sécurité que s’ils travaillaient en France. Or petites et grandes entreprises ne sont pas armées de manière égale pour honorer leurs obligations dans ce domaine. Les grands groupes disposent souvent de directeur de la sécurité ou de responsables affectés à la sécurité des salariés envoyés en mission dans un pays étranger. « Nous sommes une ETI mais on ressemble plus à une PME qu’à une entreprise du CAC 40 », a renseigné le DRH avant d’ajouter : « Nous n’avons pas forcément les moyens que nos collègues DRH ont à la Société Générale ou ailleurs ». Heureusement, en 100 ans d’existence dont 80 ans de présence en Afrique, la société Optorg n’a compté qu’un seul cas d’exfiltration. Mais les problèmes de sécurité se gèrent au quotidien.
Les entreprises ne disposant pas de gros budgets alloués à la gestion des collaborateurs à l’étranger doivent s’assurer d’un certain nombre de « fondamentaux ». « Le premier, a informé Philippe Lemasson, c’est d’informer le collaborateur du lieu où on l’envoie afin qu’il comprenne les risques et qu’il les accepte ». L’employeur peut fournir aux salariés qui vont partir à l’étranger une fiche de renseignements sur le pays de destination. Ce document énumère les risques (maladies, enlèvements…) auxquels le collaborateur peut être exposé. Le document informe également des coutumes locales, sur ce qu’il faut faire ou ne pas faire. Par sécurité, a recommandé Philippe Lemasson, l’entreprise peut faire signer ce document à son salarié. Cela démontre que le salarié a pris connaissance des risques.
Avant le départ, l’employeur doit s’assurer que le carnet de vaccination du salarié expatrié est à jour. Le cas échéant, ce dernier ne pourra pas entrer dans le pays d’expatriation. L’employeur doit également veiller à ce que le collaborateur qu’il envoie sur place dispose des autorisations légales pour travailler. « Un visa business ne permet pas de travailler, ça vous interdit de travailler sur place », a ainsi rappelé Philippe Lemasson. « L’employeur, a encore ajouté le DRH, doit veiller à ce que la compagnie aérienne que va utiliser le collaborateur ne soit pas une compagnie blacklistée au niveau européen ». Cette recommandation est surtout valable pour les voyages intracontinentaux effectués par les collaborateurs sur place. Enfin, l’entreprise doit également vérifier que l’hébergement dans lequel elle envoie son collaborateur présente « les niveaux minimums de sécurité ».
Être en conformité avec la législation locale
Attention toutefois aux risques de non conformité de type réglementaire, notamment lorsqu’on recrute du personnel localement y compris pour des périodes courtes. « Aujourd’hui chaque employeur qui se développe à l’international doit avoir des informations et doit avoir des partenaires, des prestataires sur qui s’appuyer », a informé pour sa part Abderrazack Bouaissi, Global Sales Manager chez ADP, société américaine spécialisée dans les services de gestion de paye qui veille à assurer la conformité des payes avec les règles locales.
Outre la conformité du bulletin de paie avec la législation locale, les employeurs doivent se renseigner sur la législation en matière de recrutement. En effet, lors d’un entretien d’embauche certaines questions qui sont légales en France comme par exemple les questions concernant la situation conjugale ou la situation personnelle peuvent être perçues comme discriminatoires dans certains pays à l’étranger. « Il faut être très vigilant en ce qui concerne le pays où l’on est affecté », a prévenu le directeur des ventes internationales d’ADP.
Les sociétés françaises qui n’appliquent pas un droit du travail conforme à la réglementation en vigueur du pays dans lequel elles développent leur activité s’exposent à un risque de redressement.
« Il faut être absolument conforme », a confirmé Philippe Lemasson, dont le groupe emploie de nombreux collaborateurs sous contrats locaux. « Lorsque nous nous installons dans un pays, a expliqué le DRH, nous remplissons tous les critères de conformité. On est tout à fait conforme », a-t-il assuré.
Se doter d’une protection sociale à l’étranger
Avant le départ, les futurs expatriés doivent s’informer pour conserver leur protection sociale à l’étranger. En effet, un salarié ou un particulier qui part à l’étranger perd automatiquement ses droits à la sécurité sociale française. « La CFE, c’est la caisse des Français de l’étranger, son objectif global c’est de proposer une protection sociale française qui va s’exporter à travers le monde », a ainsi indiqué Yann Connan, chargé des relations avec les entreprises à la Caisse des Français de l’étranger (CFE).
La CFE, organisme de protection sociale dédié aux Français qui s’expatrient, permet aux expatriés de continuer à bénéficier du régime de l’assurance maladie française. Cet organisme permet à tout expatrié de s’assurer contre un ou plusieurs risques en fonction de sa situation familiale, des particularités locales et aussi de ses possibilités financières. Parmi ses 110 000 adhérents, la CFE compte 220 000 ayants-droits dont 50 % sont des salariés d’entreprise. Parmi ces salariés certains travaillent pour le compte d’entreprises du CAC 40 ou pour des petites et moyennes entreprises (PME). La CFE accompagne les salariés des grands groupes et des PME grâce à un accompagnement spécifique.
Venice Affre
De gauche à droite sur la photo : Yann Connan, chargé des relations avec les entreprises à la Caisse des Français de l’étranger (CFE), Abderrazack Bouaissi, Global Sales Manager chez ADP, Christine Gilguy, rédactrice en chef du Moci et modératrice de l’atelier, Philippe Lemasson, directeur ressources humaines (DRH) du groupe Optorg