Être femme, mère, chef d’entreprise et passer une bonne partie de son temps à l’étranger ? Mission possible. Anne Martel-Reison et Cécile Boury ont décidé de le démontrer en montant une équipe « Gazelles de l’export » sous les couleurs de l’OSCI au prochain Rallye des Gazelles, qui partira de Nice vers le sud du Maroc en mars 2020.
À l’heure où la question de la parité – et du genre – irrigue les débats dans toutes les strates de la société, l’idée n’est pas aussi saugrenue qu’elle n’y paraît. Surtout lorsqu’on regarde le parcours professionnel de ces deux femmes : toutes deux mères de deux enfants, elles ont fondé des sociétés d’accompagnement à l’international après avoir accumulé des expériences diverses à l’étranger.
L’une, Anne, 47 ans, a roulé sa bosse en Amérique du Sud et aux États-Unis avant de créer à Marseille, au début des années 2000, une société d’accompagnement à l’international spécialisée dans l’exportation collaborative. L’autre, Cécile, 52 ans, a été durant 20 ans la responsable export d’une PME textile avant de créer à Cambrai, début 2010, sa société de conseil et de la faire évoluer vers une offre de service export externalisé.
Elles auraient pu se contenter de rester consultantes, elles ont préféré s’engager un peu plus auprès de leurs clients pour développer leur chiffre d’affaires à l’export.
Investies chez les CCEF et les OSCI
Leurs affaires marchent bien, elles voyagent beaucoup, mais leur vie de famille est bien remplie. Et elles trouvent encore le temps de s’investir dans des activités bénévoles, certes importantes pour leur réseau, telles que les Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), dont elles sont des membres actifs, et au sein de l’OSCI (fédération des Opérateurs spécialisés du commerce international), dont elles sont membres toutes les deux.
Anne Martel-Reison est même vice-présidente de cette organisation qui fédère les professionnels de l’accompagnement export, et organise ses universités d’été à Marseille, dont la première édition a eu lieu en juillet dernier. Cécile Boury, elle, déléguée inter-régional pour le nord-ouest de la France, organise les universités d’hiver.
C’est possible, là est leur principal message. « C’est tout à fait ça », nous confie Cécile Boury, croisée le 10 octobre dernier lors de l’événement phare de Bpifrance sur l’entrepreneuriat, Inno Generation. « Une femme sait faire plusieurs choses à la fois, du coup, ça rend les choses possibles », souligne-t-elle.
Il y a 30 ans, « j’étais la seule femme qui voyageait »
Dans ce challenge que constitue le Rallye des Gazelles, une course de pure orientation, 100 % féminine –la seule au monde- il y a cette volonté de démonter les idées reçues. « Ce qui nous a motivé, c’est l’entrepreneuriat au féminin, promouvoir des valeurs de féminisation dans nos réseaux, notamment dans les métiers que l’on pratique », explique Cécile Boury.
Le chemin a été long. Il y a 30 ans, dans la PME textile pour laquelle elle travaillait, « j’étais la seule femme qui voyageait ». Souvent, du moins à cette époque, les femmes se retrouvaient plutôt à des postes d’assistante ou de secrétariat de service export. Du reste, peu d’entre elles osaient postuler à des métiers risquant de les emmener à l’étranger. « On veut prouver la faisabilité, pour une femme, de faire des carrières à l’international à des postes d’encadrement ou en tant qu’entrepreneur, tout en ayant une vie de famille, des enfants », ajoute-t-elle.
Bien sûr, la situation à évolué en 30 ans. « On le voit dans le réseau des conseillers du commerce extérieur : le taux de féminisation doit être autour de 40 % aujourd’hui, et on est presque à la parité dans le comité des Hauts de France. On a aussi de plus en plus de femmes chefs d’entreprises visibles alors qu’elles l’étaient moins auparavant ». De même, les métiers de l’international attirent d’avantage de femmes : « on en voit de plus en plus à des postes de responsables export et au sein des comités de direction ».
« C’est comme aller à l’international : c’est beaucoup de préparation, d’organisation »
Mais dans les forums ou conférences sur l’export, elles sont encore trop rares à témoigner en tant que dirigeantes. Il y a donc encore à convaincre.
Mener de front une carrière à l’international et une vie de famille, comment faites-vous ? Il n’y a qu’aux femmes que l’on pose ce genre de question. Et Cécile Boury n’a aucun mal à répondre : « c’est comme aller à l’international : c’est beaucoup de préparation, d’organisation ». Pour les enfants, l’important est la qualité de la présence, et devoir que ses parents s’épanouissent et réussissent.
Une anecdote. Elle se souvient qu’elle était à New-York alors qu’approchait l’anniversaire de ses 40 ans, pour lequel elle avait lancé 40 invitations en pensant que la moitié de invités déclinerait. Or, tous ont répondu qu’ils viendraient ! Qu’à cela ne tienne, à 15 jours de l’événement, depuis New York, à distance, elle a loué une salle, réservé les traiteurs, trouvé un DJ… du côté de Cambrai. « C’est là qu’on est content d’avoir un réseau », s’esclaffe-t-elle.
Ces « Gazelles de l’export » comptent bien porter ces messages lors de leur périple. Leur budget est de 35 000 euros et elles cherchent des sponsors pour le boucler*. Leur engagement : le surplus et leurs éventuels gains seront reversés à l’association humanitaire Cœur de gazelles. Un défi qui n’est pas pour leur déplaire !
Christine Gilguy
*Pour en savoir plus : www.gazellesosci.com.