Les Européens ne cachaient pas leur soulagement et leur satisfaction, lors du webinaire « Brexit : un an de formalités douanières », organisé le 27 janvier dans le cadre de la Présidence française du Conseil de l’Union européenne (PFUE). Ils attendent à présent la mise en place effective, côté britannique, des contrôles.
Ouvrant la conférence en présence de Gerassimos Thomas, directeur général de la Fiscalité et de l’Union douanière à la Commission européenne, Olivier Dussopt, ministre délégué chargé des Comptes publics, a rappelé « l’appréhension » qui avait celle des Européens, et la sienne en particulier. Et de rappeler que l’accord de commerce et de coopération avec le Royaume-Uni, qui a permis d’éviter un « Hard Brexit », a été signé in extremis le 24 décembre 2020.
France : la frontière intelligente des Douanes fonctionne
Cet accord a sauvé l’essentiel, puisque des droits nuls ont pu être maintenus pour la majorité des marchandises sous condition du respect de la règle d’origine préférentielle. Parallèlement, des contrôles et formalités douaniers, sanitaires et phytosanitaires ont été instaurés côté Union.
Dès 2017 (après le vote britannique favorable au Brexit en 2016), les Douanes européennes s’étaient mobilisées pour se préparer au surcroît de charge et accompagner les entreprises.
Ainsi, grâce à leur Système informatique SI Brexit, les Douanes françaises sont capables aujourd’hui d’assurer aux opérateurs la fluidité du trafic, si les formalités sont suffisamment anticipées et correctement effectuées. Selon Olivier Dussopt, grâce à ce système, dit de frontière intelligente, plus de 3,6 millions de poids lourds ont franchi la nouvelle frontière entre la France et le Royaume-Uni en 2021, « un trafic presque normal », et 80 % sont passés sans arrêt.
En fait, ce qui freine le commerce avec le Royaume-Uni, c’est davantage les pénuries -comme celles des chauffeurs de camions dans ce pays- que l’aspect douanier.
A l’instar de leurs homologues européennes (Belgique, Pays-Bas notamment), outre leurs mises à niveau informatique, les Douanes françaises ont renforcé leur organisation en ouvrant trois nouveaux bureaux à Calais et Dunkerque, ouverts sept jours sur sept, et en recrutant et formant 700 douaniers.
La communication vers les entreprises a aussi été un gros chantier, a révélé Isabelle Braun-Lemaire, directrice générale des Douanes et droits indirects. « C’était une inconnue… Quel est le flux ? », car « des entreprises n’avaient jamais fait de commerce international et on ne les connaissait même pas ».
Exportations : hausse pour l’UE, chute pour le Royaume-Uni
La mobilisation associant le secteur privé autour de la Commission européenne et des États membres a fini par donner des résultats, puisque les exportations européennes au Royaume-Uni ont augmenté de 16 % en 2021, a pointé Gerassimos Thomas, alors qu’elles diminuaient dans l’autre sens de 40 à 50 %.
Ce grand écart de tendance entre les deux partenaires s’explique en partie par la mise en place plus progressive des contrôles douaniers côté britannique, un « rattrapage » ou rééquilibrage relatif en matière d’échanges ayant été effectué par la suite, indiquait Muriel Lacoue-Labarthe, directrice générale adjointe du Trésor.
Côté européen, « les retards vers le Royaume-Uni » ont surtout concerné l’automobile et le textile, et l’aérien aurait aussi été confronté à des « difficultés persistantes ». Si l’on considère que le taux d’utilisation des préférences commerciales est de l’ordre de 76 %, il reste une marge de manœuvre pour améliorer les exportations européennes.
2022, l’année des contrôles
« Si 2021 a été l’année des réglages et de la mise en conformité, en 2022, l’aspect contrôle va prendre plus d’importance », averti Jean-Michel Thillier, directeur interrégional des Douanes des Hauts-de-France, en charge également de l’organisation des nouvelles règlementations avec le Royaume-Uni.
Les Britanniques ont annoncé que, depuis le 1er janvier, le dédouanement des marchandises est conditionné à l’inscription à leur Service de mouvement des véhicules transportant des marchandises (Goods Vehicle Movement Service – GVMS)*.
Restent plusieurs inconnues à ce jour.
Selon Fernando Perreau De Pinninck, chef d’unité à la DG Fiscalité et douanes de la Commission européenne, on ne sait pas encore « comment seront effectués les contrôles britanniques, notamment pour les mesures sanitaires et phytosanitaires qui doivent être échelonnées ». Et puis « comment se passera la déclaration sommaire à l’importation pour des raisons de sécurité ». Les entreprises françaises, notamment les PME, sont impatientes de le savoir.
François Pargny
*https://www.gov.uk/guidance/register-for-the-goods-vehicle-movement-service