Interrompus début mars, après une seule séance de discussion, les pourparlers pour définir les contours de la relation future entre l’Union européenne (UE) et le Royaume-Uni après le Brexit ont été formellement relancés le lundi 20 avril. Si la pandémie de Covid-19 a, pendant plus d’un mois, éclipsé ce dossier majeur, il est désormais de retour sur le devant de la scène européenne.
Mais malgré le retard et des divergences toujours profondes, Londres affirme vouloir respecter l’échéance du 31 décembre 2020 pour la fin de la période de transition.
Une visioconférence pour organiser la reprise des discussions
Les négociateurs en chef, Michel Barnier, côté européen, et David Frost, dans le camp britannique – qui sortent tous les deux d’une période de quarantaine après avoir contractés le nouveau coronavirus -, se sont retrouvés le 15 avril par visioconférence pour organiser la reprise des discussions.
Cette première réunion a contribué à « identifier tous les principaux domaines de divergence et de convergence » et a conclu à « la nécessité de poursuivre les cycles de négociation », indique la déclaration commune. Elle a également permis de définir le calendrier futur.
Relancés à partir de ce lundi 20 avril, les prochaines sessions de pourparlers ont été programmées les semaines commençant le 11 mai et le 1er juin avec, au cours du mois de juin, un examen à haut niveau des progrès réalisés.
Alors que les deux parties sont restées en contact ces dernières semaines, la délicate mission de recherche d’un compromis n’a pas encore commencé. Un défi de taille, car à l’issue du premier cycle de négociations, Michel Barnier avait déclaré qu’il y avait « de très sérieuses divergences » entre les délégations, qui n’ont évidemment pas été résolues depuis.
Des désaccords toujours pas réglés…
Londres et Bruxelles restent opposés sur de nombreux sujets, en particulier sur les conditions de concurrence, la pêche et l’architecture de l’accord.
Si les Britanniques préconisent toujours la conclusion d’accords séparés, une façon pour eux de disposer de leviers solides dans le cadre de ces pourparlers, les Européens, quant à eux, privilégient un accord global.
Autre point d’achoppement : les conditions de concurrence équitable ou level playing field que l’UE veut imposer au Royaume-Uni pour éviter tout dumping social, fiscal ou environnemental et dont le gouvernement de Boris Johnson ne veut pas entendre parler.
… Et des conditions de négociations plus difficiles
Ces différends seront d’autant plus difficiles à aplanir dans les conditions de négociations à distance, actuellement imposées par la pandémie et qui empêchent tout contact entre les deux camps.
Le premier cycle de discussions à Bruxelles avait impliqué plus de 200 personnes, divisés en 11 groupes distincts, en fonction des sujets traités. De quoi permettre aux différentes équipes d’aborder simultanément un large éventail de questions.
Le contexte actuel ne permet pas de recréer de telles conditions. « Vous ne pouvez pas atteindre la même dynamique que dans un round physique. Personne n’est aussi créatif », reconnaît un collaborateur de Michel Barnier.
Cette configuration exceptionnelle risque aussi de compliquer la tâche de la Commission pour maintenir une fragile unité au sein des Vingt-sept. Les réunions régulières organisées par Michel Barnier pour informer les États membres des progrès réalisés dans les négociations ont été difficiles à organiser au cours de ces dernières semaines, « et il est difficile de comprendre les sensibilités des uns et des autres quand on n’est pas dans la même pièce », écrivait Michael Clauss, le représentant permanent de l’Allemagne auprès de l’UE, dans une lettre adressée à son gouvernement et dont le site politico.eu a obtenu une copie.
Vers une prolongation de la période de transition ?
Autant de facteurs qui poussent de nombreux acteurs à réclamer la prolongation de la période de transition au-delà du 31 décembre 2020. Car un non-accord conjugué aux effets des mesures de confinement, pourraient aggraver une crise économique qui s’annonce historique.
Outre les responsables à Bruxelles, d’autres voix s’élèvent en faveur d’une extension, dont celle de Kristalina Georgieva, la directrice générale du Fonds monétaire international (FMI). Dans une interview accordée à la BBC, cette ancienne commissaire à Bruxelles a appelé le gouvernement britannique à envisager un report, déclarant qu’en raison de « l’incertitude sans précédent » il serait « sage de ne pas en rajouter ».
Même son de cloche du côté d’Edimbourg. Le gouvernement écossais a également estimé qu’il ne pourrait pas se permettre « le double choc du Covid-19 et d’un no deal ou d’un hard Brexit ».
Déjà jugée improbable, avant la pandémie, le délai de négociation est devenu presque impossible à tenir dans le contexte actuel. Mais le gouvernement britannique continue malgré tout à camper sur ses positions. « Notre politique à ce sujet est inchangée et il est également inscrit dans la loi que la période de transition prendra fin le 31 décembre », a ainsi déclaré le porte-parole du gouvernement, cité par le Financial Times.
Reste à savoir ce que décidera Boris Johnson, une fois revenu aux affaires après sa période de convalescence post Covid-19. Sa position pourrait évoluer mais dans ce cas une décision devra être prise rapidement : c’est en effet à la fin du mois de juin qu’une éventuelle demande de prolongation devra être formulée. Faute de quoi toute extension deviendra légalement impossible.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles