French Touch, French Tech, French Fab, il n’aura sans doute jamais été autant question du savoir-faire, de la technologie et de la fabrication françaises, lors de la 3e édition de Bpifrance Inno Génération (BIG), le 12 octobre, « le plus grand réseau social de l’entrepreneuriat en France », avec 37 000 inscrits et 700 intervenants.
Pour observer le bouillonnement de culture autour du Made in France, il suffisait de fréquenter la vaste place du Village de l’AccorHotels Arena, dans le quartier de Bercy, avec ses modules et ses îlots, consacrés à la French Fab ou aux Régions, et, juste derrière, la grande salle, le Bang, où ont défilé parmi les plus grands noms du monde économique et industriel mondial : Xavier Niel, patron de Free, Patrice Caine, P-dg de Thales, Christel Bories, P-dg d’Eramet, Frédéric Sanchez, président de Medef International et du directoire du groupe Fives, Christel Heydemann, P-dg de Schneider Electric France, Margrethe Vestager, commissaire européenne à la Concurrence, Cédric Villani, député et mathématicien, Mounir Mahjoubi, secrétaire d’État auprès du Premier ministre, chargé du Numérique, Benjamin Griveaux, secrétaire d’État auprès du ministre de l’Économie et des finances, etc.
PME-ETI : la cible des quadras
Au centre des préoccupations de tous, non pas les startupers, dont l’ADN est, dès le départ, l’innovation et l’international, mais comme l’indiquait, en concluant son discours d’ouverture, le directeur général de Business France, Nicolas Dufourcq (notre photo), « les quadras », ces dirigeants à la tête des PME et ETI. Or, ces sociétés de plus de 10 millions à plus de 1 milliard d’euros de chiffre d’affaires ont besoin de grandir et de se transformer dans un environnement concurrentiel de plus en plus féroce.
Ce n’était donc pas le hasard si le BIG était placé sous le signe de la transformation et que Bpifrance a profité de l’occasion pour présenter la deuxième génération de 25 bénéficiaires de son Accélérateur ETI. Sans accélération et sans coaching, innover et aller à l’international entre autres deviennent difficiles. « Nous sommes des hackers de la croissance », a assuré Nicolas Dufourcq, qui s’est félicité de la création d’une « marque tribale » avec la French Fab, de la fin « du divorce entre la France et son industrie » et de la « renaissance » de cette dernière.
Alors sans doute, il reste du chemin à parcourir, « il ne faut rêver égaler les Allemands dans l’industrie métallique », « il va aussi falloir courir aussi vite que les Chinois », a encore lâché Nicolas Dufourcq. Mais la France est une terre de créativité. Xavier Niel a clairement affiché l’enjeu, après avoir présenté la situation actuelle : « Trois trillons, a-t-il indiqué, c’est la valeur des entreprises de nouvelle technologie ces dernières années. Seuls 3 % sont des sociétés européennes, alors que l’Europe compte pour 25 % du produit national brut mondial ».
S’agissant de l’enjeu, le fondateur de Free propose que le Vieux Continent « amène ses entreprises d’une valeur de 3 à 25 % ». Et pour lui, la France est « déjà meilleure que ces 3 %, grâce à son écosystème particulier » : Bpifrance ; les incubateurs, comme la Station F que le fondateur de Free a créée pour permettre à des startups – 800 à l’heure actuelle, 1 000 bientôt – de bénéficier « de visibilité et d’accompagnement » ; les grandes entreprises, « qui s’y mettent et investissent dans la nouvelle économie » ; et surtout les créateurs d’entreprises. Et, selon lui, « ça explose, la moitié des jeunes de 18 à 25 ans veut créer leur entreprise et ce n’est pas terminé, l’écosystème va encore exploser ».
Grandes entreprises : savoir se remettre en cause
Ce qui est intéressant, c’est que la transformation ne concerne pas seulement les petites, les moyennes et les entreprises à taille intermédiaire. Les grandes sont aussi concernées, même si les réponses sont un peu différentes, ont ainsi témoigné Patrice Caine et Christel Bories.
Le numéro un de Thales, qui est partenaire en matière de cyber sécurité de la Station F, a ainsi qualifié de « co-innovation » sa coopération avec les instituts de recherche publics, mais aussi avec l’ensemble de l’écosystème des entreprises (startups, PME…) et des clients du groupe, avec lesquels ce dernier ouvre des Innovation Hubs « pour partager leurs ambitions et essayer d’anticiper sur l’avenir ».
A chacun sa façon de bouger, mais c’est une nécessité et encore plus « pour une entreprise établie, avec des technologies appropriées, une organisation structurée et de bonnes parts de marché », a souligné Christel Bories, patronne du groupe minier Eramet, car le monde évolue : un groupe chinois est, par exemple, devenu leader mondial de l’inox, et, il y a quelques années, 25 % des technologies appliquées au nickel n’existaient pas. « Pour changer, a-t-elle conclu, il faut prendre des risques et donc faire preuve de courage et d’agilité ».
Ce que doit réussir aussi un groupe international comme Schneider Electric. L’électricité dépensée dans les bâtiments représentant 30 % de la consommation énergétique mondiale, le travail est immense – et donc la concurrence avec – « quand on sait que l’efficacité énergétique est faible et qu’il est possible de diviser par trois la consommation d’énergie dans les bâtiments », selon Christel Heydemann, P-dg de Schneider Electric France .
Ce qui est certain, c’est que pour que la transformation devienne une stratégie gagnante, la participation de tout le personnel est essentielle. « C’est le moment de se transformer, le moral des entreprises n’a jamais été aussi bon. D’après nos enquêtes, les ETI pensent recruter, investir et faire de la croissance », a délivré Fanny Letier, directrice exécutive chez Bpifrance, lors d’une réunion à huis clos, à laquelle était conviée Le MOCI, avec l’ensemble de la première génération d’entrepreneurs de l’Accélérateur ETI.
Accélérateur ETI : des mentors prestigieux
Le programme d’accélération de Bpifrance dure deux ans. « Ne perdez pas de temps, ça passe vite, faîtes rapidement votre diagnostic 360 degrés et rencontrez vos parrains », a conseillé Fanny Letier aux dirigeants des ETI sélectionnées. Pour accompagner la transformation de leurs entreprises, les patrons reçoivent le soutien de mentors prestigieux, à l’instar de Daniel Chéron, administrateur et ex-directeur général de Limagrain, et Jean-Philippe Puig, directeur général du groupe Avril.
« Un œil extérieur, l’expérience d’un grand chef d’entreprise nous a aidés à nous structurer », a ainsi témoigné le président fondateur de BBL Transport, Kaci Kebaïli, selon lequel son mentor, Jean-Philippe Puig, a été « à la fois critique et bienveillant », ce qui a permis d’établir une relation de confiance.
Autre découverte, la capacité à partager entre dirigeants, les entreprises n’étant pas concurrentes et opérant souvent dans d’autres secteurs et régions de France. « Nous sommes tous devenus des camardes de classe », a déclaré Kaci Kebaïli, en évoquant « les cours de haut niveau qu’ils ont suivis à HEC ».
Quand il a commencé le programme, sa PME dégageait un chiffre d’affaires de 69 millions d’euros. Un an et demi après, son activité était passée à 140 millions, avec un triplement du résultat, et le patron de BBL Transport s’attend maintenant à ce que la barre des 200 millions soit franchie dans les six mois. Et il affiche ses ambitions : un milliard avant six ans. Le cap est pris.
François Pargny
Pour prolonger :
–Accompagnement / Export : après la French Tech, Bpifrance veut booster la French Fab
–Aéronautique / Accompagnement : le Gifas et Bpifrance lancent un accélérateur pour 60 PME-ETI
–Industrie / Export : Bruno Le Maire veut promouvoir la French Fab dans le monde
–Iran / Export : Bpifrance prépare une ligne de crédit de 500 millions pour début 2018