Mises à rude épreuve par les crises qui se succèdent depuis la pandémie de Covid-19, les chaînes d’approvisionnement doivent aujourd’hui s’adapter à un environnement incertain et multipolaire, selon le baromètre annuel des risques supply chain de Kyu. Les secteurs de l’automobile et de l’aéronautique sont particulièrement exposés à ces changements. Revue de détail.
« Nous arrivons à la fin d’un cycle, celui de la mondialisation, lâche Laurent Giordani, fondateur du cabinet Kyu, spécialisé dans les risques et les opérations de la supply chain. Nous assistons à une redéfinition des échanges, de plus en plus au sein de blocs partageant des intérêts communs. De plus le programme de Donald Trump ne va participer à apaiser les tensions. »
Parmi les secteurs en première ligne de ces transformations, l’automobile européenne a vécu une année difficile en 2024, bousculée par l’électrification à marche forcée et à la concurrence chinoise qui propose des prix artificiellement bas grâce aux aides gouvernementales. La baisse de l’activité s’est traduite par des plans de restructuration ou des fermetures de sites, chez les constructeurs (Volkswagen, Michelin, Valeo, Forvia, ZF, Bosch ou encore Michelin).
Concurrence indienne et chinoise
Dans l’aéronautique, qui « reprend son envol mais demeure très exposée », les supply chains sont demeurées sous pression en raison des déboires de Boeing dont les appareils ont rencontré d’importants problèmes de qualité et de la forte demande d’Airbus. Le géant américain n’a vendu que 348 avions alors que son concurrent européen Airbus a conservé sa domination avec 826 commandes et 766 livraisons. Les problèmes de trésorerie et de financement des fournisseurs a contraint Airbus, Safran, Thalès et Dassault à créer un fonds de soutien de 400 millions d’euros pour renforcer la filière.
En amont de nombreuses chaînes de valeur, la chimie européenne doit faire également faire face à la concurrence chinoise et à un marché américain de plus en plus protégée. Résultat : un taux d’utilisation des capacités industrielles sous 75 % depuis deux. La production d’hydrogène, d’ammoniac, d’éthylène, de PVC et de carbonates n’est plus compétitive. De plus, l’Inde fait à présent concurrence à la Chine dans les principes actifs pharmaceutiques.
Malgré la stabilisation des prix des matières premières, l’agroalimentaire a fait face à des pluies excessives en France et des épisodes de sécheresse majeure dans les pays du pourtour méditerranéen et au brésil, des ouragans aux Etats-Unis etc. Comme dans d’autres, les supply chains ont dû naviguer entre les tensions et les conflits qui ont perturbé le transport maritime.
La géopolitique, risque numéro 1
Tous secteurs confondus, 41 % des responsables de la chaîne d’approvisionnement interrogés par Kyu placent la géopolitique comme le risque le plus important pour l’année à venir en particulier avec Donald Trump et son programme protectionniste à la tête de la première économie mondiale. Il précède la hausse des coûts d’achat, la baisse de la demande, les menaces cyber, la perte de fournisseurs en cas de hausse de la demande, les pénuries, le durcissement des réglementations, les catastrophes climatiques, la main d’œuvre et le trafic maritime mondial.
« Les supply chains actuelles sont le produit d’une globalisation qui a vécu et les expose désormais à une nouvelle donne géopolitique et climatique qui les oblige à s’adapter à marche forcée, estime Kyu. Si ces dernières années ont vu les entreprises prendre conscience du risque existentiel que pouvait représenter la défaillance de leur supply chain, il leur reste à la déconcentrer tant en termes de géographies que de fournisseurs. Schématiquement, il s’agit de passer d’un modèle optimisé pour un monde de certitudes à un modèle taillé pour le monde fragmenté d’après et dans lequel l’incertitude est devenue le « new normal » ! »
Sophie Creusillet
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