Le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA) a été mis en place pour donner un coup d’accélérateur à des entreprises innovantes, dotées d’un potentiel de croissance, notamment à l’étranger. Les bénéficiaires peuvent être des sociétés fragilisées par la crise, en mutation ou appartenant à des sous-filières jugées stratégiques.
L’automobile fait partie des 11 filières prioritaires dégagées après les États généraux de l’industrie organisés entre octobre 2009 et février 2010. Le secteur a été frappé de plein fouet par la crise économique en 2009. Les équipementiers ont été les plus touchés, les plus petits étant au bord du dépôt de bilan. C’est pourquoi le Fonds stratégique d’investissement (FSI) a créé fin janvier 2009 le Fonds de modernisation des équipementiers automobiles (FMEA). Celui-ci, depuis dénommé FMEA Rang 1, est doté d’un capital de 600 millions d’euros, apportés par Renault SA, PSA Peugeot Citroën et le FSI, à raison d’un tiers chacun. Les bénéficiaires sont les équipementiers de rang 1.
En février 2010, un deuxième fonds, appelé FMEA Rang 2, a été créé avec pour destinataires les équipementiers de plus petite taille (rang 2 et plus). Sous forme de fonds commun de placement à risque, il est doté d’un capital initial de 50 millions d’euros financé par cinq équipementiers automobiles (Bosch, Faurecia, Hutchinson, Plastic Omnium, Valeo) et le FSI.
Hervé Guyot, directeur du FMEA, en explique la philosophie générale : « Nous investissons, en fonds propres ou quasi-fonds propres, pour chaque opération. En tant qu’investisseur avisé, nous attendons une rentabilité raisonnable, proche de celle observée sur le marché. Par ailleurs, nous intervenons de façon amicale dans les entreprises où nous investissons. Nous restons minoritaires, mais sommes très engagés dans la gouvernance. » Claude Cham, président de la Fédération des industries des équipements pour véhicules (Fiev), et de la Plateforme filière automobile (PFA), confirme : « Le FMEA n’a pas une vocation de crédit relais, et n’a pas le rôle d’Oséo. En revanche, il sait être complémentaire, généralement par ses prises de participation minoritaires, avec une vocation à long terme. »
Hervé Guyot confirme : « Nous sommes un actionnaire de moyen-long terme, puisque nos durées d’investissement peuvent aller jusqu’à huit ans, car nous avons plusieurs objectifs en vue. » Au départ, il s’agissait de sauver plusieurs équipementiers automobiles qui souffraient gravement de la crise, ou avaient un besoin urgent de fonds propres, mais avaient un potentiel innovant et à forte croissance (FSD/Snop, Michel Thierry, Agrati, Bourbon/PVL, Fournier). Le FMEA n’investira pas dans une entreprise dont il considère le redressement impossible. Le seuil maximal d’investissement dans les entreprises de rang 1 est de 60 millions d’euros et dans celles de rang 2, de 5 millions d’euros. En outre, l’entreprise, française ou étrangère, doit avoir une part significative de ses activités (industrielles, ou R&D) sur le territoire français.
À plus longue échéance, un autre objectif du FMEA est de consolider des sous-filières : « Nous en avons recensé onze, dont la plasturgie, l’emboutissage, le décolletage, le caoutchouc, etc. Or, il y a clairement trop d’acteurs et des surcapacités. Nous souhaitons donc contribuer à les réunir entre elles. » Cela a été fait avec Agrati (fixations), FSD/Snop (emboutissage), et Bourbon/PVL (plasturgie).
L’internationalisation croissante des entreprises soutenues est aussi un objectif. Ainsi, dans le cas de Bourbon/PVL, il s’agit de l’aider à faire une acquisition en Allemagne. Même si, comme le plus souvent, la motivation principale demeurait de donner une aide afin de traverser une mauvaise passe, le soutien à Ateliers des Janves et à Adduxxi visait également à favoriser un plus grand intérêt à l’international.
Hervé Guyot est réaliste à cet égard : « La croissance de l’automobile sera plus dans les Bric [Brésil, Russie, Inde, Chine] qu’en Europe de l’Ouest. Aussi, on les pousse à accompagner leurs clients, à faire de la localisation compétitive près de clients, en Chine par exemple, et à opérer de l’intégration locale. » C’est le cas de Devillé, qui a beaucoup investi en automation en France, et fera fabriquer ses pièces de rechange, à moindre valeur ajoutée et demandant moins d’automatisation, sur son site polonais.
Reste que l’arrivée de cet actionnaire atypique ne va pas de soi pour les équipementiers. S’il est déjà complexe de réunir deux entreprises de rang 1, cela l’a été encore plus pour ceux de rang 2, reconnaît Hervé Guyot : « Nous avons avancé un peu moins vite car il a fallu identifier les acteurs, et notamment ceux qui ont une taille minimale pour exercer leur métier de fournisseur de rang 2. À présent, nous en avons identifié une quarantaine, dans lesquels nous pourrions intervenir. » Claude Cham, de la Fiev, apporte une nuance supplémentaire : « Pour certaines entreprises, l’automobile n’est qu’une activité parmi d’autres. Cela peut parfois les rendre hésitantes à accueillir le FMEA dans leur capital. » Le FMEA s’intéresse à présent de près à la fonderie.
Dans le même temps, l’investissement du FMEA est d’une durée déterminée. C’est ainsi que Michel Thierry, dans lequel le FMEA avait investi en mai 2009, a été revendu à la fin de l’année dernière à Johnson Controls. Reste que le fonds n’est pas la seule solution, comme le confie Claude Cham : « La vallée de l’Arve, en Haute-Savoie, compte environ 800 entreprises, pour la grande majorité de moins de 50 salariés, spécialisées dans les métiers du décolletage. Elle concentre 65 % du décolletage français. Ensemble, ces entreprises ont décidé de créer une « méta-entreprise », appelée Technic Vallée, dotée d’un fonds de 50 millions d’euros. Cela devrait leur permettre de mutualiser des moyens, en particulier en recherche et développement ainsi qu’à l’exportation. »
Jean-François Tournoud