« Si la filière automobile était un pays, elle équivaudrait à la 6ème puissance économique mondiale », a indiqué Patrice Julé, responsable de la branche automobile, métaux, aéronautique de l’arbitrage chez Coface, lors de la présentation d’un panorama secteur de l’assureur-crédit, le 26 septembre.
En 2012, les records ont été battus avec 81,7 millions d’unités vendues dans le monde soit une hausse de 5 % par rapport à 2011 et 84,1 millions de véhicules produits (+ 7 %). « En 2010, a analysé Patrice Julé, les pays émergents ont représenté 50 % des ventes devant les Etats-Unis, l’Europe et le Japon. Il y a eu une passation de pouvoir, les émergents produisent beaucoup plus de véhicules que les économies avancées », a-t-il poursuivi.
La Turquie, une plateforme de réexportation
« Certains constructeurs sont allés en Chine, d’autres sont partis en Turquie et en Europe », a informé Emmanuelle Hirsh, économiste senior chez Coface. La Turquie bénéficie d’un tissu industriel préexistant et d’une forte implication de l’Etat turc et de son administration dans la mise en œuvre d’un coût du travail attractif pour les investisseurs. Ainsi, selon lui, alors que le coût horaire du travail est de 40 dollars en France et 25,9 dollars en Espagne, en Turquie il s’élève à 4,5 dollars.
Avec 40 % de ses exportations d’automobiles allant vers l’Union européenne (UE), la Turquie est devenue un hub de réexportation vers l’Europe. De plus, entre 2008 et 2011, plus de 83 % de la production de véhicules turcs ont été exportés. Les Turcs n’achètent pas de voitures. En effet, le marché domestique turc est fortement pénalisé par une fiscalité pesante tant sur l’achat de véhicules que sur le carburant. « Le consommateur turc paye 2 euros son litre d’essence contre 1,7 euro en France, précise Khalid Yit-Yahia, économiste Senior à Coface. Cette politique fiscale cherche à limiter le déficit public », ajoute-t-il.
D’ici 2018, 1 million d’automobiles seront vendues en Turquie et 1,3 million en 2020. Toutefois, la filière automobile en Turquie n’est pas générateur de valeur ajoutée et a des difficultés à monter en haut de gamme. Les constructeurs turcs doivent monter en gamme et augmenter leurs dépenses en R&D. « En Turquie, la part de R&D est inférieure à celle des pays de l’Est qui deviennent des concurrents », relève Emmanuelle Hirsh. « L’enjeu du développement du marché local avec une montée en gamme est importante en Turquie », a conclu Nicolas de Buttet, directeur de l’arbitrage Europe de l’Ouest chez Coface.
La Russie privilégie le marché domestique
Il s’écoule 7 voitures pour 1 000 habitants en Turquie contre 19 pour 1 000 en Russie où l’Etat a favorisé les prêts subventionnés pour booster la filière et la demande locale. « En Russie, la population a eu envie d’avoir des voitures occidentales. Les marques russes baissent tandis que les marques étrangères progressent », remarque Emmanuelle Hirsh.
Les marques étrangères fabriquées en Russie cherchent à capter le consommateur russe mais le gouvernement s’efforce de limiter les importations. La baisse des droits de douane sur les véhicules neufs a ainsi été compensée par une taxe de recyclage imposée sur les véhicules importés et qui relève selon Bruxelles du protectionnisme (voir notre article), car elle est d’autant plus pénalisante pour les véhicules en provenance de l’UE que les automobiles fabriquées en Russie en sont exemptées.
La Russie est marquée par une forte prédominance de l’Etat qui impose des objectifs qualitatifs et quantitatifs afin de développer l’amont de la filière. « Les équipementiers russes, explique Khalid Yit-Yahia, doivent se mettre au même niveau que les équipementiers occidentaux.» Les constructeurs russes, qui sont poussés à produire aux standards internationaux, nouent des partenariats avec les marques occidentales.
Ils créent des universités technologiques pour former la main-d’œuvre et répondre à la demande de demain. Récemment, l’alliance Renault-Nissan et le Russe Avtovaz (voir notre article) ont créé une centrale d’achat commune qui devrait participer à l’amélioration de la qualité et de la technologie utilisée par les fournisseurs automobiles en Russie.
« Les analystes, signale Emmanuelle Hirsh, prévoient que la Russie pourrait devenir d’ici 2015 le 1er marché automobile européen ».
Venice Affre