Dans le
cadre du plan automobile présenté par le gouvernement français, figure une
mesure qui a été très peu commentée. De fait, la France va demander à l’Union
européenne de mettre «sous surveillance» l’accord de libre-échange entre l’Union
et la Corée du Sud pour ce qui concerne le secteur
automobile. Le ministère du Redressement productif ajoute: « le gouvernement veillera à ce que les
prochains accords commerciaux entre l’Union européenne et les grands pays
industriels préservent les intérêts notre industrie automobile ».
A voir les chiffres des ventes en
Europe au deuxième trimestre 2012, le tandem Hyundai-Kia (avec une part de
marché de 7,9%) est surtout un concurrent gênant pour Fiat (6,6%), mais pas
pour les grands constructeurs que sont Volkswagen (24,1%), PSA (12%), Renault
(8,5%), ou BMW-Daimler (11,2%). A l’échelle française, selon les chiffres de
mai dernier, alors que le marché était en berne pour les marques françaises,
les ventes de Hyundai ont progressé de 41% et celles de Kia de 15%. Il est
vrai que Hyundai offre une garantie de 5 ans (kilométrage illimité) et de 7 ans
pour sa marque Kia (jusqu’à 150 000 kilomètres). Pour autant, il ne s’agit
que de 5 000 voitures écoulées sur le marché français en mai, très loin de
Peugeot-Citroën (49 316), Renault-Dacia-Nissan (42 914), ou
de Volkswagen-Seat-Skoda (17 472).
Ce qui inquiète l’Association
européenne des constructeurs automobiles est une série de freins comme le fait
que la Corée du Sud a ses propres normes et ne reconnaît pas
les normes européennes, ou que le marché coréen est trop dominé par un fabricant
unique (Hyundai-Kia). Autres freins: l’abolition des taxes à l’importation en Corée prendra
sept ans, et la faiblesse du won par rapport à l’euro. Côté européen, une des
armes que spécifie le traité est la « clause de sauvegarde » qui a été prévue pour protéger
l’industrie européenne en cas d’augmentation subite des importations européennes
dans plusieurs secteurs jugés sensibles, dont l’industrie automobile.
Mais la Commission européenne n’est
pas prête de la brandir car, dans un document du 27 juin dernier, elle tire un
bilan très positif d’un an d’accord avec la Corée. Elle affirme que «pour
les produits qui n’ont été que partiellement libéralisés (comme les voitures),
l’augmentation des exportations de l’UE sur les neuf premiers mois de mise en œuvre
a été de 3 milliards d’euros, soit + 36% ». Elle précise : «les
exportations de voitures de l’UE ont augmenté de plus de 70%, ce qui représente
670 millions d’euros de nouvelles ventes de voitures en Corée ».
Habilement, Hyundai a installé de la
production au cœur de l’Europe. En effet, le fabricant a une usine en
République tchèque (capacité annuelle : 300 000 voitures, surtout le
modèle familial i30 destiné au marché européen). Sa filiale Kia a un centre de
design à Francfort et une usine de production en Slovaquie (où est monté le
modèle compact Cee’d, destiné au marché européen). Enfin, Hyundai a inauguré en
mai dernier une usine en Turquie (fabrication de petits modèles), et il existe
depuis longtemps un traité d’union douanière entre la Turquie et l’Union
européenne. Dès lors, la demande française a peu de chances d’être prise en
compte à Bruxelles puisque la
Commission est satisfaite de l’accord. Quant à la production
dans l’Union européenne, Paris ne peut rien faire.
Jean-François Tournoud
Pour en savoir plus:
– le plan de soutien à la filière
automobile :
http://proxy-pubminefi.diffusion.finances.gouv.fr/pub/document/18/12868.pdf
– la Commission européenne
tire un premier bilan positif :
– le texte de l’accord de libre échange
entre l’Union européenne et la Corée du Sud :
http://eur-lex.europa.eu/JOHtml.do?uri=OJ:L:2011:127:SOM:EN:HTML
– les ventes d’automobiles en 2012 :
http://saitam.hubpages.com/hub/Car-Sales-in-2012
– l’European Automotive Manufacturers Association (ACEA)
met en garde contre les évolutions futures de l’accord de libre-échange :