Ursula von der Layen a annoncé l’ouverture d’une enquête sur les aides octroyées par la Chine à ses constructeurs automobile. Accusées de fausser la concurrence sur le marché européen, elles permettraient aux modèles à propulsion électrique chinois d’afficher des prix artificiellement bas. A terme, l’Union européenne (UE) pourrait prendre des mesures de rétorsion.
« L’Europe est ouverte à la concurrence. Elle n’est pas favorable à un nivellement par le bas », a commenté la présidente de la Commission après avoir annoncé cette enquête anti-subventions dans son discours annuel devant le Parlement européen, le 13 septembre. Une annonce qui va permettre de tester à grande échelle son nouvel instrument de défense commerciale anti-subvention.
Attendue de longue date par la France, cette initiative a été saluée comme « une très bonne décision » par Bruno Le Maire, en déplacement à Berlin le même jour. L’Association des constructeurs européens, où les entreprises allemandes sont particulièrement influentes, s’est également félicitée de cette décision.
Plus exposée au marché chinois, où elle exporte massivement, l’Allemagne s’était pourtant montrée moins empressée que la France à réclamer cette enquête, par crainte de froisser Pékin et d’encourir de possibles mesures de rétorsion. Une divergence qui s’explique en partie par la volonté de Paris de réindustrialiser l’économie nationale et de développer une filière électrique. Car c’est au sujet des véhicules électriques et hybrides, dont les ventes explosent en Europe, que le bât blesse.
Des dizaines de milliards de dollars de subventions
« Les marchés mondiaux sont désormais inondés de voitures électriques moins chères. Et leur prix est maintenu artificiellement bas grâce à d’énormes subventions publiques », a ainsi regretté Ursula von der Leyen. Ces modèles auraient en effet bénéficié de subventions à hauteur de 57 milliards de dollars entre 2016 et 2022, selon une étude du cabinet de conseil Alix Partners.
Autre avantage comparatif des véhicules propres Made in China : leur coût de production. En avril dernier, William Li, le fondateur du constructeur Nio, estimait à 20 % la différence entre les coûts de fabrication de ses véhicules électriques et ceux de la concurrence.
En outre, les constructeurs chinois ne doivent s’acquitter que de 10 % de droits de douane pour commercialiser leurs véhicules dans l’UE, tandis que leurs homologues européens doivent payer des droits de 25 % pour vendre leurs voitures dans l’ex-Empire du Milieu, un déséquilibre qu’avait encore récemment dénoncé le président Macron dans son discours aux ambassadeurs.
L’UE pourrait prendre des mesures de rétorsion
Ce désavantage tarifaire pourrait évoluer. L’enquête anti-subventions qui vient d’être lancée par l’exécutif européen, si elle conclut à des subventions du gouvernement chinois aux constructeurs, pourrait en effet aboutir à la mise en place par Bruxelles de mesures rétorsion. Selon les règles de l’OMC, ces dernières peuvent consister en une augmentation des droits de douane sur les produits concernés.
En attendant les conclusions de cette enquête, son annonce a provoqué l’ire du ministère chinois du Commerce. « Il s’agit d’un acte protectionniste pur et simple qui perturbera et faussera gravement la concurrence dans l’industrie automobile mondiale et la chaîne d’approvisionnement, y compris dans l’UE, et qui aura un impact négatif sur les relations économiques et commerciales entre la Chine et l’UE », a-t-il fustigé dans un communiqué publié aujourd’hui 14 septembre.
Explosion des ventes à l’international
Cette enquête intervient alors que, toutes motorisations confondues, la Chine est devenue en 2022 le deuxième exportateur mondial, juste derrière le Japon et devant l’Allemagne, avec des ventes internationales en hausse de 54 %, à 3,11 millions d’unités, selon l’Association chinoise des constructeurs automobiles (CAAM).
Sur les six premiers mois de 2023, elle a exporté 2,14 millions de voitures, dont 534 000 véhicules propres. Ce dernier segment (regroupant hydrides et 100 % électriques) s’est envolé de 160 % en glissement annuel. A 70 %, ces voitures électriques prennent la direction de l’Europe, principalement le Royaume-Uni et la Belgique.
BYD, constructeur spécialisé dans l’électrique a vendu, en 2022, 81 000 voitures à l’étranger, enregistrant une hausse de 1060 % ! Les exportations de Chery ont quant à elle bondi de 170 % et les modèles de SAIC bénéficient d’une bonne dynamique au Mexique, en Australie et au Royaume-Uni.
Le succès de leurs véhicules auprès des consommateurs européens tient à un argument de poids en période d’inflation : le prix. Une Citroën ë-C4 (batterie de 50 kWh, 350 km d’autonomie) se vend 37 750 euros, soit presque 10 000 euros de plus que le modèle chinois concurrent, la MG ZS EV (51 kWh, 320 km, 27 990 euros).
Sophie Creusillet