Le regain de confiance des investisseurs américains vis-à-vis de la France, observé dès la fin de l’année 2017 pendant les premiers mois de la présidence d’Emmanuel Macron, se confirme. Ils veulent encore faire le pari de la « destination France » et ce malgré le durcissement du climat social et les tensions géopolitiques fortes, tant sur la scène européenne (Brexit) que mondiale (relations commerciales tendues entre l’Union européenne (UE) et les États-Unis de Donald Trump). C’est ce que dévoile la 19ème édition du baromètre de la Chambre de commerce américaine en France (AmCham France) et du cabinet de conseil en stratégie et management Bain & Company qui mesure le moral des investisseurs américains en France et leur perception de l’environnement économique.
Intitulé « le moral des investisseurs américains en France », le baromètre a été mené entre décembre 2018 et janvier 2019, en pleine crise sociale des « gilets jaunes », via un questionnaire auquel ont répondu 127 dirigeants de sociétés américaines de toutes tailles (de 0 à 100 salariés jusqu’aux sociétés de plus de 1 000 collaborateurs) ayant des filiales implantées en France.
1 sur 2 la trouve plus attractive que ses voisins
Premier constat dressé par le baromètre, seulement 30 % des investisseurs américains se déclarent optimistes quant aux perspectives économiques de la France dans les trois années à venir. Néanmoins a nuancé lors de la présentation du baromètre à Paris le 5 février Marc-André Kamel, vice-président de l’AmCham France, associé chez Bain & Company, « la très bonne nouvelle, ce qui est très encourageant, c’est que notre pays reste un pays très attractif pour les investisseurs américains malgré ces perspectives ». Explication.
D’abord, la France reste une destination d’investissement attractive en comparaison avec ses voisins européens. Budget italien, gestion de l’après Merkel en Allemagne, impact du Brexit au Royaume-Uni. Autant d’ incertitudes pèsent sur l’investissement des entreprises américaines en Europe. Selon le baromètre, plus d’un investisseur américain sur deux perçoit la France comme plus attractive que ses voisins européens. La France se présente donc comme la meilleure alternative pour investir en Europe.
L’impact positif des réformes gouvernementales sur l’investissement étranger en France
Ensuite, les réformes proposées par le gouvernement français sont bien perçues. Plus de 80 % des investisseurs américains interrogés saluent l’impact positif des réformes gouvernementales sur l’investissement étranger en France, en particulier via les initiatives d’allègement fiscal et de simplifications administratives, traditionnels freins à l’investissement. Le rythme des réformes est aussi plébiscité. Deux tiers (63 %) des dirigeants de société ayant répondu à l’enquête estiment que le rythme des réformes est bon ou excellent. Ils ne sont toutefois que 40 % à se dire confiants dans la capacité présidentielle et gouvernementale de maintenir ce cap.
Les dirigeants ayant répondu au questionnaire « ont vu les premiers impactes de ces réformes dans les modèles économiques de leurs filiales en France », souligne Marc-André Kamel, vice-président de l’AmCham France, associé chez Bain & Company.
Si l’Hexagone souhaite attirer demain un nombre croissant d’investissements étrangers et donc d’emplois, les résultats du baromètre démontrent qu’il est indispensable que la France maintienne le cap et le rythme des réformes structurelles. L’enquête montre également que si les réformes proposées par le gouvernement sont bien perçues par les investisseurs américains, des impondérables pèsent sur l’attractivité de la France, au premier rang desquelles le climat social qui préoccupe plus de 80 % des investisseurs interrogés.
Les investisseurs « inquiets » quant au climat social
Selon le baromètre, 84 % des investisseurs américains interrogés se déclarent « inquiets » quant au climat social en France, citant les tensions sociales actuelles. Dans le détail, ils sont 24 % à être « très inquiets » et 60 % à se dire « inquiets ». La contestation des « gilets jaunes » a certes eu un impact fort sur les investisseurs outre-Atlantique mais ce mouvement ne devrait pas impacter l’image de la France sur le long terme car la décision d’investissement est prise pour investir à long terme à horizon vingt ans.
Les incertitudes européennes (le budget italien pour 2019, le Brexit) inquiètent la moitié (55 %) des investisseurs américains. Les relations franco-américaines et la possibilité d’une guerre commerciale entre les États-Unis et l’UE préoccupent également les investisseurs américains dont la moitié (53 %) estime qu’à court terme la possibilité d’une guerre commerciale entre l’UE et les États-Unis pourrait présenter un risque sur les investissements.
La dette publique est, avec le climat social, l’autre sujet de préoccupation des investisseurs car « il pourrait y avoir une remontée des taux », observe Marc-André Kamel. En l’occurrence, 61 % des dirigeants de sociétés américaines interrogés se disent inquiet vis-à-vis de la dette publique et 16 % des investisseurs sont même très inquiets.
Des atouts mais aussi des freins : droit du travail, fiscalité
Le baromètre montre que les atouts de la France sont la qualité de sa main-d’œuvre, les infrastructures, la recherche et le développement (R&D), la sécurité juridique et sa position géographique. Des atouts à exploiter, selon le baromètre, car ces critères sont jugés importants par les dirigeants dans leur décision d’investissement.
Si la culture, la situation géographique et la qualité de vie de la France séduisent les investisseurs, à l’inverse sa souplesse du temps de travail et des licenciements (procédures et coûts) restent des faiblesses. Ainsi, 65 % des investisseurs américains considèrent la souplesse du temps de travail en France comme un points faible par rapport aux autres pays européens. Et 71 % des investisseurs estiment que le coût des licenciements en France constitue un point faible par rapport aux autres pays européens.
La fiscalité des particuliers est l’autre sujet de préoccupation des investisseurs. « Lorsqu’on aura amélioré le taux d’imposition et le taux des impôts de production, on sera dans la course européenne », a déclaré Stéphanie Barreau, présidente de l’AmCham France et présidente de 3M France, filiale française du conglomérat américain. Afin de positionner la France « dans la course au niveau européen », la Chambre de commerce franco-américaine établit trois recommandations :
– Renforcer la compétitivité fiscale de la France
L’AmCham préconise une harmonisation fiscale au niveau européen afin de mettre fin aux distorsions de concurrence qui affaiblissent l’attractivité de la France. Cette convergence fiscale estime l’association, qui regroupe parmi ses membres 350 entreprises françaises et américaines, devra s’accompagner d’une plus grande lisibilité et prévisibilité du système fiscal français ainsi que d’un allègement des charges pesant sur le travail qui demeurent encore trop souvent un obstacle à l’embauche.
– Améliorer la souplesse du marché du travail en renforçant la souplesse du temps de travail et en donnant une plus grande flexibilité aux entreprises.
– Accroître l’effort de formation, notamment dans le digital afin d’accentuer encore les capacités d’innovation de la France. Des « efforts majeurs » doivent être menés, en complément des réformes de la formation professionnelle et de l’apprentissage, afin de mieux préparer la main-d’œuvre française aux mutations du marché du travail, par exemple induites par l’intelligence artificielle (IA), et renforcer les compétences dans le champ du digital, préconise encore la Chambre de commerce franco-américaine.
« Pour être attractif, il faut s’appuyer sur nos forces : la qualification de la main-d’œuvre, le réservoir de talents que nous avons en France », a prévenu Stéphanie Barreau. « Et, il faut porter l’effort sur la formation dans le numérique », a encore insisté la présidente de l’AmCham France. « C’est réellement ce qui va permettre à la France d’être plus attractive et de sortir par le haut, de développer l’emploi et de développer la compétitivité des talents », a conclu Stéphanie Barreau.
De manière générale le baromètre montre que le coût et la souplesse du travail, les licenciements, les procédures administratives et la fiscalité restent des chantiers prioritaires pour améliorer l’attractivité de la France.
Venice Affre
Pour en savoir plus :
Consulter le baromètre annuel de l’AmCham et de Bain & Company sur le moral des investisseurs américains en France en PDF ci-dessous