La guerre commerciale de Donald Trump aggrave la montée des risques politiques liés aux tensions géopolitiques préexistantes pour les entreprises à l’international. Ce contexte a remis au gout du jour les solutions dédiées des acteurs de l’assurance. Avec des capacités pour les couvrir.
« L’appétit du marché est assez dynamique avec l’entrée récente de nouveaux acteurs, assure Salomon Journo, directeur Financial Solutions chez WTW (Willis Towers Watson), courtier en assurance d’origine américaine qui avait racheté le courtier français Gras Savoye en 2015, renforçant ainsi son empreinte sur le marché des PME, ETI et grands groupes français. « On peut être plus flexible et obtenir des baisses de primes conséquentes ».
Parmi les nouveaux entrants sur le marché français des assurances risques politiques (dommage et risques de crédit), le Canadien Everest vient d’ouvrir une ligne « PVT » (Political Violence Terrorism), le spécialiste des risques climatiques Descartes underwriting a créé une ligne risque politique, et l’agence de placement MJA est active. Ils s’ajoutent aux autres acteurs, dont les traditionnelles compagnies d’assurance et assurance-crédit.
WTW, comme certains de ses confrères, a saisi l’occasion de la montée des tensions géopolitiques internationales post-Covid (Guerre Russie-Ukraine, conflit Israël-Gaza, terrorisme en Mer Rouge…), auxquelles s’ajoutent désormais les tensions commerciales engendrées par l’offensive tarifaire de Donald Trump, pour remettre au goût du jour des solutions de couverture de risques politiques un peu oubliées des entreprises, via un webinaire destiné à la presse le 15 avril dernier. Son confrère le courtier français indépendant Diot-Siaci Crédit, avait pour sa part lancé la première édition d’une convention internationale sur les risques export le 17 octobre dernier à Paris.
« La couverture des risques politiques n’est plus un luxe, ça doit être un instrument de gestion stratégique » estime encore Salomon Journo. D’autant que sans être traversés de conflits armés ou de crises politiques, de nombreux pays émergents sont confrontés à l’impact déstabilisant de la nouvelle politique commerciale de l’administration Trump, même si l’on peut espérer que des ajustements favorables seront décidés après négociation : que leurs exportations accusent une chute, et des pans entiers de leurs économies peuvent être touchés et alimenter le ressentiment social.
Principales sociétés exposées aujourd’hui, qu’elles soient des PME, des ETI ou des multinationales : celles qui ont des activités à l’exportation et celles qui possèdent des filiales à l’étranger. « Nous travaillons beaucoup avec des entreprises opérant dans des secteurs stratégiques comme les transports, les infrastructures, la défense » complète Louis Dumesnil, directeur Risques politiques et caution chez WTW.
Et de rappeler les solutions qui existent pour couvrir les quatre grandes catégories de risques politiques :
-les couvertures des contrats commerciaux internationaux, souvent montées avec Bpifrance assurance export, l’agence publique de crédit export française (risques d’interruption de contrat, non-paiement, non-transfert, etc.) ;
– les couvertures d’actifs possédés à l’étrangers (équipements, stocks, etc.) contre les risques « PVT »;
-les couvertures d’investissements (locaux, usines, ateliers, etc.) contre les risques « CEND » (pour Confiscation, Expropriation, Nationalisation, Dépossession) ;
-et enfin les couvertures pour les risques d’inconvertibilité et de non-transfert, le plus classique des risques politiques pour les exportateurs.
Pas de couvertures globales, que du cas par cas
Mais dans le domaine de la couverture des risques politiques, inutile d’essayer de trouver des contrats globaux « tout-risques » : c’est souvent du sur mesure, du cas par cas.
Un exemple. Pour les risques liés à la guerre commercial de Donald Trump, qui, au-delà de ses instruments visibles que sont les droits de douane, comporte aussi des instruments invisibles que sont les mesures non-tarifaires (réglementations, interdictions, restrictions…), ce sont les polices contrats export et les polices CEND (qui couvrent également des risques tels que l’abandon forcé d’activité) qui apportent des réponses en fonction des problématiques de l’entreprise et des zones où elle opère.
Autre exemple : pour les risques liés à des conflits armés, toutes les solutions précédemment évoquées peuvent être pertinentes, en fonction là encore des enjeux stratégiques de l’entreprise. Un cas d’école : celui de l’interruption du contrat de livraison des deux navires porte-hélicoptères Mistral à la Russie par la France en 2015 à la suite de la première agression de l’Ukraine. Le constructeur, DCN (aujourd’hui Naval Group) avait été indemnisé par l’agence de crédit export de l’Etat (encore à l’époque géré par Coface, aujourd’hui Bpifrance assurance export) puis les Mistral avait été vendus à l’Egypte, ce qui avait permis à l’Etat assureur de récupérer une partie des indemnisations versées.
D’après les deux spécialistes de WTW, les capacités ne manquent pas. « Sur un risque modéré, on peut arriver à mobiliser plusieurs centaines de millions d’euros », évalue Louis Dumesnil. L’offre sera évidemment plus modeste sur des pays en guerre où le risque est élevé pour cette raison. « Sur l’Ukraine, pas plus de 10-15 millions d’euros par risque » précise le directeur Risques politiques et caution.
Quoiqu’il en soit, les entreprises opérant à l’international ne peuvent plus ignorer ces problématiques.
C.G