Il y a un an, le Premier ministre, Thierry Abbott, souhaitait que son gouvernement et son homologue chinois concluent un accord de libre-échange (ALE) pendant le premier semestre 2014. Il n’en sera rien. Dix ans après le début des négociations bilatérales, les syndicats australiens sont toujours vent debout contre une décision qui, d’après eux, se traduirait par une invasion de produits bon marché importés dans le textile, la chaussure ou les pièces automobiles bon marché.
La Chine est déjà son premier pays fournisseur de biens, avec une part de marché de 18,83 % à fin avril, devançant les États-Unis et le Japon, avec 10,74 % et 7,12 %, d’après la base de données GTA/GTIS. Elle est aussi son premier pays client, ayant absorbé à la même date près de 37 % des marchandises exportées par l’Australie dans le monde. Cette part est, d’ailleurs, très supérieure à celles de ses deux suivants avec lesquels l’Australie a signé dans les six derniers mois des ALE, le Japon (7 avril 2014) et la Corée du Sud (5 décembre 2013), qui ont compté à la même date pour 17,7 % et 7,8 % respectivement dans les livraisons globales de l’Australie à l’étranger.
Mais cette volonté de conclure un ALE reste forte chez les autorités australiennes, qui multiplient les accords de ce type afin de ne pas être marginalisés au niveau mondial et d’apparaître, aux antipodes, comme un hub du libre-échange dans la zone Asie-Pacifique.
Des accords avec l’Asean, la Malaisie, la Thaïlande, Singapour
« La Chine a supplanté le Japon à partir de 2008, achetant notamment le minerai de fer et le charbon australiens», rappelait Didier Mahout, le président de la section Australie des Conseillers du commerce extérieur de la France (CCEF), lors d’un petit déjeuner pays, organisé le 11 juin à Paris, par Ubifrance, en présence de Christophe Lecourtier, ancien directeur général d’Ubifrance et ambassadeur désigné de la France en Australie, et Ric Wells, ambassadeur d’Australie en France. Selon ce dernier, son pays « souhaite conclure les négociations avec la Chine cette année pour compléter la série d’ALE signés dans le Sud-est asiatique ».
Plus du quart du commerce extérieur australien est aujourd’hui réalisé avec sept États auxquels l’Australie est liée par un accord de libre-échange déjà en vigueur : Nouvelle-Zélande, Singapour, Thaïlande, États-Unis, Chili, Asean et Malaisie. Cette part s’élève « à 11 % avec le Japon et 5 % avec la Corée du Sud », précise Carolyn Abela-Rebiscoul, chef de l’équipe Ressources et énergie pour l’Europe chez Austrade, organisme de promotion du commerce extérieur, de l’investissement et de l’éducation du gouvernement fédéral. Enfin, quatre accords multilatéraux sont en négociation avec des nations contribuant déjà à 29 % du commerce australien dans le cadre du Trans Pacific Partnership Agreement (TPP), du Pacific Trade and Economic Agreement (PACER Plus), du Regional Comprehensive Economic Partnership Agreement (RCEP) et avec le Conseil de coopération économique des États du Golfe (GCC).
Utiliser l’Australie comme plateforme sur la Chine
Avec la Chine, l’Australie finaliserait son intégration dans le monde asiatique, une carte que Canberra espère jouer à fond pour continuer à attirer les investissements directs étrangers (IDE). Selon Didier Mahout, les IDE représentent 36 % du produit intérieur brut (PIB) australien, ce qui dépasse la moyenne dans les États membres de l’OCDE qui est de 23 %. « Pour les entreprises françaises, s’implanter en Australie pour ensuite opérer en Chine, c’est bénéficier d’une enveloppe plus protégée que d’investir directement en Chine », confiait à www.lemoci.com, avant la réunion d’Ubifrance, Jean-Baptiste Nithart, directeur de l’Investissement pour l’Europe chez Austrade.
Le ralentissement de l’économie chinoise n’est, d’ailleurs, pas sans répercussion sur celle de sa voisine du Pacifique. Le PIB de l’Australie a augmenté, selon Didier Mahout, « en moyenne de 3,2 % entre 1990 et 2013 », et a beau « nourrir un climat ambiant d’optimisme, avec aussi un chômage contenu (6 %) et une inflation maîtrisé (moins de 3 %) », la croissance économique ne devrait pas dépasser 2,8 % en fin d’année, après 2,4 % en 2013 et 3,7 % en 2012.
Les 15 et 16 novembre prochains, Brisbane, capitale de l’État du Queensland, sera la ville hôte du Sommet du G20 (les 19 plus grandes économies + la Commission européenne), sous présidence australienne depuis le 1er décembre dernier. « Nous pensons qu’il faut stimuler la croissance mondiale, sans négliger de mettre au cœur des discussions des réformes budgétaires. Il faut que les grandes économies se coordonnent pour créer de l’emploi et nous pensons encore que le PIB mondial ne pourra être à un niveau supérieur en l’absence de ces mesures pour les cinq ans à venir », explique Ric Wells.
Première visite officielle d’un président français
A l’occasion du G20, François Hollande, à la tête d’une délégation d’entreprises de l’Hexagone, effectuera la première visite officielle d’un président français aux antipodes. Si les grandes entreprises françaises sont très présentes (Accor, Thales, Keolis, Transdev…), ce n’est pas le cas des PME. Selon Eric Potier (notre photo), directeur général de Stallergenes Australie et Nouvelle-Zélande, « travailler en Australie avec un distributeur est insuffisant, moins efficace que de s’y implanter, parce qu’on a moins l’opportunité de s’y déplacer ».
Spécialiste des maladies respiratoires et des traitements de désensibilisation, Stallergenes s’est installé sur place il y a trois ans, après que ses produits aient été distribués pendant dix ans. « Notre problème, ce n’est pas la concurrence, c’est de développer un marché dont nous détenons une part de 95 % », expose le dirigeant du laboratoire bio-pharmaceutique. Aujourd’hui, avec le vieillissement de la population, le marché de la santé offre des opportunités en matière de prévention médicale ou dans des niches, comme l’e-health.
François Pargny