Six cent trente neuf millions d’habitants, un produit intérieur brut (PIB) global de 2 600 milliards de dollars en 2016 : chacun s’accorde à reconnaître que les dix membres (*) de l’Asean (Association des nations du Sud-est asiatique), composent un marché particulièrement attrayant.
Sauf qu’en dehors de Singapour, qui a su s’imposer comme une plateforme de redistribution dans la région, à l’image un peu de Hong Kong, porte d’entrée sur la Chine, le commerce interrégional est encore relativement faible, de l’ordre de 20 %.
L’Asean est encore loin de constituer un marché unique, à l’instar de l’Union européenne (UE), et les marchés nationaux restent fragmentés, en dépit de la création en décembre 2015 de la Communauté économique de l’Asean (AEC), dont le but est de favoriser l’intégration des marchés et de la production.
Résultat : il n’est pas toujours facile d’exporter, le cas le plus emblématique étant celui des vins et spiritueux. « Certains pays imposent des droits de 450 %. Les obstacles ne sont pas seulement culturels et religieux. Il n’y a pas que la plaque tournante de Singapour, il y aussi toute la contrebande qui passe par la Birmanie », expliquait au Moci un expert, à l’issue d’une conférence qu’organisait Medef International, le 16 octobre, à l’occasion du 50e anniversaire de l’Asean, en présence du secrétaire général de l’organisation, Le Luong Minh, et du président de Medef International, Frédéric Sanchez (notre photo).
A. Vaissié : il « est plus facile de faire des profits dans la région qu’en Chine »
« Un seul marché ? La vision est là, mais force est de constater que nous sommes plutôt en présence d’une collection de différents marchés. Singapour est le hub, la plateforme critique pour la digitalisation pour l’Asie du Sud, la Malaisie un centre de services, les Philippines sont particulièrement importantes pour les clients américains », soutenait ainsi Arnaud Vaissié, P-dg d’International SOS et président du Conseil d’affaires France-Singapour de Medef International, qui faisait, toutefois, remarquer qu’il « est plus facile de faire des profits dans la région qu’en Chine où il y a souvent des changements ». Ce qui s’explique, selon lui, par le fait que « les gouvernements y sont très pro-business » et que « même s’il y a bien sûr de la bureaucratie et des barrières dans certains pays, c’est l’ensemble de l’attitude qui est pro-business ».
« Il faut plus d’intégration, de coopération et d’innovation », partageait Frédéric Sanchez, qui s’est aussi adressé à l’ambassadeur de Thaïlande, Sihasak Huangketkeow, qui était assis au premier rang dans la salle. Et de lui indiquer que puisque « les relations entre la Thaïlande et l’UE ne sont pas toujours très fluides », il était important « de développer nos relations non seulement sur le plan économique, mais aussi politique ».
Le RCEP, un accord de libre-échange en vue incluant l’Asean
Historiquement, l’Asean s’est formé pendant la guerre froide autour d’un noyau de pays, avant de s’étendre à d’autres. Autant d’États membres aux cultures et aux niveaux de développement différents, jaloux de leur indépendance. L’AEC devrait pousser à plus d’intégration, dans la mesure où le but, détaillait Le Luong Minh, est « l’élimination virtuelle des tarifs douaniers intrazone, l’ouverture graduelle des services, la simplification des procédures pour le commerce transfrontalier, y compris les procédures douanières et les règles d’origine, l’harmonisation des règles techniques et les dispositifs de reconnaissance mutuelle ».
Par ailleurs, l’Asean signe des accords de libre-échange. Et, à Paris, son secrétaire général a insisté sur le Partenariat économique régional global ou, en anglais, Regional Comprehensive Economic Partnership (RCEP), avec six autres nations (Australie, Chine, Inde, Japon, Corée, Nouvelle-Zélande), une zone qui deviendrait « le premier bloc commercial au monde, couvrant, selon Le Luong Minh, plus d’un tiers du PIB et du commerce ». Lors de la dernière réunion ministérielle, en septembre aux Philippines, les pays du RCEP se sont engagés à faire leur « possible pour obtenir les résultats significatifs du RCEP d’ici la fin de 2017 pour rapprocher la négociation de son aboutissement ».
L’ALE avec l’UE a pris du retard
L’EAC a aussi adopté une Vision 2025 pour coopérer au renforcement des PME, du secteur privé, du partenariat privé-public, à la réduction des écarts de développement et à la contribution à l’intégration régionale. Le Luong Minh a rappelé l’importance que revêtirait un futur ALE Asean-UE, alors que les flux bilatéraux n’ont cessé de croître. Selon lui, « en 2016, l’UE était le deuxième partenaire commercial, avec un total de 233,6 milliards de dollars » et « de loin la première source d’investissements directs étrangers (IDE), avec une part de 31,3 % ». Il ajoutait que cette année-là, les flux d’IDE en provenance de l’UE « ont atteint jusqu’à 46,2 %, avec un montant de 30,5 milliards de dollars ».
En mars dernier, l’UE et l’Asean ont repris les négociations pour un accord de libre-échange. Celles-ci, entamées en 2007, avaient été retardées, quand, en 2009, Bruxelles avait décidé de privilégier des négociations bilatérales avec chaque membre de l’organisation régionale. Quant à la France, le commerce bilatéral a progressé de 26 milliards de dollars en 2015 à 28 milliards en 2016 et ses investissements dans l’Asean ont quasiment quadruplé entre-temps, en passant de 262 millions à 961 millions de dollars.
La perspective du RCEP et la défense du multilatéralisme, alors qu’émergent des politiques protectionnistes dans le monde, doivent encore aboutir à des liens plus étroits. Sixième économie mondiale à l’heure actuelle, au rythme de croissance de ses membres, l’Asean passerait au quatrième rang en 2050. De quoi faire réfléchir les Français.
(*) Indonésie, Philippines, Vietnam, Laos, Cambodge, Malaisie, Singapour, Thaïlande, Birmanie et Brunei
François Pargny
Pour prolonger :
Lire également dans la Lettre confidentielle du Moci, à paraître le jeudi 19 octobre : Malaisie / Export : Medef International signe un accord avec les agences MaGIC et Mida