Au lendemain des attentats de Paris, le 18 novembre 2015, la Commission européenne présentait un paquet de mesures visant à renforcer le contrôle des armes à feu au sein de l’UE. « Nous proposons des contrôles plus stricts de la vente et de l’enregistrement des armes à feu et un renforcement des règles visant la neutralisation irréversible de certaines armes. Nous présenterons sous peu un plan d’action de lutte contre le trafic des armes illicites. Nous ne tolérerons pas plus longtemps que des groupes criminels organisés aient accès à des armes à usage militaire et en fassent le commerce en Europe », s’était alors indigné Jean-Claude Juncker. Après les attentats du 22 mars 2016 à Bruxelles, le président de l’exécutif européen est revenu à la charge, exhortant les Etats membres à ne pas céder aux pressions des lobbies. En ligne de mire ? Les associations pro-armes à feu qui ont entamé, dès novembre, une campagne discrète, mais efficace, contre le renforcement de la législation européenne dans le secteur.
Via une pétition en ligne et une série de courriels envoyés aux décideurs européens, ces associations dénoncent « l’amalgame douteux entre la détention légale d’armes semi-automatiques par des citoyens respectueux des lois et la détention illégale d’armes automatiques par des terroristes », peut-on lire dans un courriel adressé à un député européen. Invoquant l’opacité du processus de décision européen, ils appellent les parlementaires à « résister à l’influence excessive des personnels non élus de la Commission européenne », afin de ne pas devenir « les victimes collatérales du terrorisme ».
Moins visibles ou puissants que la NRA américaine
Bien moins visibles ou puissants que la National Rifle Association (NRA) aux États-Unis, les lobbies européens avaient jusqu’ici limité leurs actions à la défense des droits des chasseurs. Alors que la NRA dépense chaque année plus de 20 millions de dollars pour financer ses campagnes, les associations européennes de chasseurs et de tireurs sportifs dépenseraient, chacune, moins de 10 000 euros par an, selon le registre de transparence de l’UE.
La plus grande d’entre elles, la FACE (European Federation of Associations for Hunting and Conservation), qui se présente sur son site comme « la voix des chasseurs européens », compte 11 lobbyistes employés à plein temps et un budget annuel de moins d’un million d’euros. « S’il est peu probable qu’ils arrivent à vider le texte de sa substance, comme le fait la NRA aux États-Unis, il est clair qu’ils ont déjà un impact sur le débat », analyse un fonctionnaire au Parlement européen.
Les critiques récentes émises par certains eurodéputés tendent à lui donner raison. La conservatrice britannique Vicky Ford, par exemple, a jugé les propositions de l’exécutif européen sur l’encadrement des armes à feu « mal rédigées ». Présidente de la Commission du marché intérieur (IMCO) au PE, au sein de laquelle le paquet de mesures sera d’abord examiné, elle estime, par ailleurs, que « beaucoup de travail reste à faire » pour peaufiner le texte avant son adoption. Les 28 ministres de l’Intérieur devront se prononcer en juin. Même chose pour les membres de la Commission IMCO au PE. « D’ici là, le débat risque de redoubler », pronostique un expert au sein de ce comité, jugeant peu probable un accord avant le mois d’octobre prochain.
Kattalin Landaburu, à Bruxelles