L’Arabie Saoudite est confrontée à un double défi : réussir sa transformation économique et conserver son leadership politique dans la région. Dans les deux cas, Riyad n’est pas certain de l’emporter.
En matière économique, les cours du pétrole (autour de 50 dollars le baril à l’heure actuelle), même s’ils remontent, ne regagneront plus jamais les niveaux qu’ils ont connus dans le passé. Dans le domaine politique, l’Arabie Saoudite est aujourd’hui contestée par l’Iran. Si les deux puissances régionales sont objectivement alliées pour combattre l’État islamique, en revanche, elles s’affrontent indirectement au Yémen où Riyad supporte militairement le pouvoir et Téhéran les rebelles houthis et au Qatar où l’Arabie Saoudite et plusieurs membres du Conseil de coopération du Golfe (CCG) ont décrété un embargo sur le petit émirat gazier, alors que la République islamique soutient avec la Turquie Doha.
L’enjeu de l’emploi et de la jeunesse
Le 17 juillet, à l’issue de sa visite en Arabie Saoudite dans le cadre des consultations régulières prévues par l’article 4 de l’Accord s’appliquant aux membres du Fonds monétaire international (FMI), le FMI insistait sur l’urgence des réformes structurelles. Les signaux négatifs se sont accumulés depuis plusieurs mois. D’abord, sur un vaste territoire habité par seulement 31 millions de personnes, dont 21,6 millions de nationaux, le taux de chômage de ces nationaux a décollé, passant à 12,3 %. Ensuite, l’inflation augmente et la croissance économique devrait être proche de zéro fin 2017, de + 0,1 % exactement, après des scores de 1,7 % en 2016 et 4,1 % l’année précédente.
Pour le Crédit Agricole, qui publiait ses dernières Perspectives sur l’Arabie Saoudite (ci-joint en pdf), le 11 juillet, les réformes structurelles sont « encore très modestes ». Et d’indiquer que, « côté recettes, il s’agit d’augmenter la part des recettes non-pétrolières via de nouvelles taxes (introduction d’une TVA en 2018, taxes sur le tabac et certaines boissons, mais pas d’impôt sur le revenu) ». Par ailleurs, « côté dépenses, les subventions colossales (5 % du PIB par an) ont été fortement réduites en 2016 (hausse des prix de l’essence, et de ceux de l’électricité et de l’eau pour les industriels et les ménages aisés) ».
Quant au plan Vision 2030, très ambitieux (privatisation des services publics, appui à la création d’entreprises innovantes, diversification énergétique, amélioration de l’environnement des affaires et du système d’éducation, féminisation des entreprises), le principal initiateur en serait le prince héritier, ministre de la Défense, Mohammed Ben Salmane, 31 ans. Dans un pays où 56 % des habitants ont moins de 30 ans, l’emploi est fondamental. Il est un des éléments du « pacte social actuel où l’État joue un rôle central dans la redistribution de la rente », rappelle le Crédit Agricole, pour qui la prudence est, toutefois, de mise « dans une société très conservatrice et traditionnelle ». En matière d’emploi, le FMI recommande d’accroître l’emploi des nationaux dans le secteur privé. Une solution pour éviter les « frustrations » que craint le Crédit Agricole, d’autant que dans certains secteurs, comme les BTP, la main d’œuvre étrangère est très importante.
Un rebond attendu en 2018
Bien que les recettes publiques aient diminué et les déficits progressé, le Crédit agricole s’attend à un retour à l’excédent courant dès l’an prochain. L’économie croîtrait de 2 %, mais avec une inflation de 3,4 %. Malgré la baisse de ses réserves de devises de 26 % en deux ans, l’Arabie Saoudite, estime la banque française, dispose toujours d’un matelas confortable. Selon elle, « à 500 milliards de dollars en avril 2017, les réserves de devises restent élevées à 80 % du PIB et vingt-six mois d’importation ».
Dans un pays qui tire du pétrole 80 % de ses revenus d’exportation et 40 % de son produit intérieur brut, le FMI se félicite, s’agissant de Vision 2030, « des progrès considérables dans la préparation de la mise en œuvre de l’agenda de réformes ambitieux ». Toutefois, il estime que le succès du plan reste conditionné à « une hiérarchisation efficace, un séquençage et une coordination des réformes ». Tout un programme qui devra aussi remporter l’assentiment de la population, ce qui ne pourra arriver que si la monarchie communique et assure un bénéfice équitable.
F.P