La saga à l’export du Rafale se poursuit avec l’Indonésie mais d’autres acteurs de l’industrie française de Défense pourraient bénéficier de nouvelles ouvertures en Asie.
Et de sept ! Après l’Égypte, le Qatar, l’Inde, la Grèce, la Croatie et les Émirats arabes unis, l’Indonésie, sera bientôt le septième pays à utiliser le Rafale. Après des négociations menées tambour battant, Yusuf Jauhari, Chef de l’agence d’acquisition du ministère indonésien de la Défense, et le pdg de Dassault Aviation, Eric Trappier, ont donc signé jeudi 10 février le contrat portant sur l’acquisition de six Rafale, premier volet d’une commande globale de 42 appareils.
Signé à Djakarta en présence de la ministre française des Armées Françoise Parly et du ministre indonésien de la Défense, Prabowo Subiant, le contrat porte sur l’acquisition de six Rafale au standard F-3R, identique à celui des appareils en service dans les forces françaises.
Les 36 autres appareils feront l’objet d’un contrat séparé dans les prochains mois avec une livraison à partir de 2025, pour un montant total de 8,1 milliards de dollars (un peu plus de 7,1 milliards d’euros). En attendant, celui qui vient d’être signé prévoit également la livraison de deux simulateurs, un soutien logistique aux bases logistiques indonésiennes ainsi que la formation et l’entraînement des pilotes de la Tentara Nasional Indonesia Angkatan Udara (Force Aérienne de l’armée nationale indonésienne) sur le site de l’avionneur à Mérignac, près de Bordeaux.
Des compensations industrielles locales de 85 %
Ce premier contrat indonésien pour des avions de chasse tricolores, comprend également des contreparties industrielles locales. Il « comporte des compensations industrielles (« offsets ») représentant 85 % de sa valeur », a précisé Eric Trappier.
Safran, le motoriste du Rafale, et son électronicien Thales doivent signer prochainement des accords locaux. Dassault Aviation a par ailleurs signé un accord de coopération avec le groupe aéronautique indonésien PPTDI couvrant une dizaine de projets dans l’ingénierie, l’électronique et la motorisation.
Afin d’augmenter ses capacités militaires, l’Indonésie, pays non-aligné dans les rivalités sino-américaines, a décidé de porter son budget défense à 1,5 % de son PIB, contre 0,8 % en 2020. Et de moderniser son aviation de combat, composée de F16 américains et de Soukhoï russes vieillissants (SU-27 et SU-30).
Si les négociations entre Dassault et Djakarta sont entrées dans une phase active en 2020, avec la signature d’un accord stratégique de coopération dans la défense en juin et la mise en place d’une coopération entre Paris et Djakarta dans les équipements stratégiques en août, l’Indonésie a observé avec attention les différentes étapes de la vente de Rafale en Inde dès 2016.
Un pays également courtisé par la concurrence russe et américaine
De plus, Dassault a bénéficié d’une passe d’armes politique entre Washington et Djakarta lorsque, en 2018, l’Indonésie a souhaité acquérir des Soukhoï 35. Les Américains lui avaient alors opposé une loi de 2017, dite « Countering America’s Adversaries Through sanctions » (ou CAATSA, « riposter aux adversaires de l’Amérique par des sanctions »), qui vise les pays achetant des armements à l’Iran, la Corée du Nord et la Russie. Djakarta avait fini par reculer, ouvrant une brèche pour l’avionneur français.
La France vend depuis des années des armements à ce géant régional de 270 millions d’habitants qui représente 40 % du PIB de l’Asean et dont elle n’est que le 22e fournisseur. Avec ce contrat de Dassault, l’archipel devient, devant Singapour, le premier client de l’industrie de défense française en Asie du Sud, où les tensions se multiplient, notamment en mer de Chine.
Naval Group place ses pions pour la vente de deux sous-marins
Cette signature intervient quelques mois après la déconvenue en septembre 2021de la vente de sous-marins par Naval Group à l’Australie, autre poids lourd de la région indo-pacifique. Ce 10 février les pays ont signé une lettre d’intention concernant des études de recherche et développement en matière de sous-marins et une commande potentielle de deux Scorpène, fabriqués par Naval Group.
Avec cette commande indonésienne, Dassault aura vendu 279 Rafale à des armées étrangères avec un taux d’exportation de 60 % en 7 ans, depuis la première commande passée par l’Egypte en 2015. Le Mirage s’était quant à lui exporté à 50 % en vingt ans. Selon l’avionneur, la construction d’un Rafale, qui prend environ trois ans, mobilise 7 000 personnes dans les usines de Dassault Aviation et de ses 400 partenaires industriels en France.
Sophie Creusillet